Le retour de la chaleur, absente durant une semaine, n’a pas changé la donne. On lisait la déception sur certaines mines présentes, lundi 5 mars, à la réception post-Oscars à la Résidence de France de Los Angeles. Beaucoup misaient sur une victoire du documentaire d’Agnès Varda et JR, “Visages, villages” (“Faces, places”).
Malgré sa défaite de la veille, la réalisatrice de 89 ans est sollicitée par la presse qu’elle fascine, mais préfère attendre son acolyte, retenu au buffet, pour répondre aux questions. “On est un peu déçu… Surtout Rosalie (sa fille et productrice)”, lâche celle qui a revêtu son kimono Gucci. “C’est déjà incroyable d’être là, d’autant que le travail d’Agnès n’avait jamais été reconnu”, glisse JR. “J’ai reçu un Oscar d’honneur“, le contredit-elle. “Oui, mais reconnais que c’est mieux d’être nommé pour un film.”
Leur complicité, évidente dans leur documentaire, ne les a pas quittés dans cette course aux Oscars. Lors de ce tapis rouge, elle s’est sentie comme un perroquet : “je répétais les mêmes choses”. Mais ensemble, ils ont détourné la longueur de la cérémonie pour s’intéresser à chaque détail, “comme des enfants”.“Des figurants sont engagés pour, quand les gens sortent pour aller aux toilettes ou se servir un verre, remplir les sièges et donner l’impression que le théâtre est toujours plein”, raconte, amusée, la réalisatrice aux cheveux bicolores.
Malgré leurs délires, qui vont se poursuivre lors d’une campagne de promotion en Asie, la défaite reste un peu amère. “Je pense que c’est plus une question politique qu’artistique. Le documentaire qui a gagné casse du sucre sur les Russes, dit-elle en référence à “Icarus”. Il y en avait des plus beaux”, regrette la réalisatrice de la Nouvelle Vague, qui ne repart pas les mains vides de cette virée californienne. La veille des Oscars, le samedi 3 mars, “Faces, places” a été élu meilleur film documentaire aux Spirit Awards, une cérémonie “plus marginale que les Oscars et peu reconnue”.
Le travail d’Agnès Varda a été salué par le Consul de France à Los Angeles, tout comme celui du compositeur primé, Alexandre Desplat, seul Français à repartir avec une statuette. L’air relaxé, en costume-sneakers, le Français a fait une apparition emplie d’humilité, avec sa femme, la violoncelliste Dominique Lemonnier. “Je suis très, très fatigué… et très heureux”, lâche-t-il à son arrivée, se livrant à l’exercice des photos sans broncher, et taquinant les photographes qu’il côtoie depuis des années. “Un deuxième Oscar, c’est merveilleux (le premier lui avait été décerné pour la bande originale du film “The Grand Budapest Hotel”). Dans “Shape of Water” (“La forme de l’eau”), l’espace donné à la musique est exceptionnel”, se réjouit-il.
Le compositeur avoue que l’Oscar ne fut pas une surprise totale. “Il y avait déjà de bons signaux, avec le Bafta et le Golden Globes. Mais les Oscars sont toujours un autre niveau de combat : ce sont les Jeux olympiques, et pas une compétition locale”, admet-il, rendant hommage à celui qui était son adversaire, John Williams. Cet Oscar, qu’il fêtera plus tard pour cause de travail, va lui permettre de “se sentir plus en confiance”.
Pour venir les applaudir et serrer la main de James Ivory, qui a décroché le prix de l’adaptation pour “Call me by your name”, du beau monde en lunettes de soleil avait fait le déplacement. Au détour d’une coupe de champagne, les vainqueurs se faisaient féliciter ou réconforter par Patrick Bruel, Julie Gayet (présente pour le film “L’insulte”), Nathalie Baye ou encore l’ancien ministre de la culture Frédéric Mitterand. L’acteur césarisé Nahuel Pérez Biscayart (“120 battements par minute”), qui avait fait le déplacement pour les Spirit Awards, en a profité pour faire un crochet par la Résidence de France. “Quand je vois les films retenus aux Oscars, je me rends compte qu’il y avait dans le nôtre trop de paroles et de personnages pour le public américain”, admet-il, regrettant que leur campagne promo n’ait pas été plus offensive sur le sol américain.
L’équipe du court-métrage “Garden Party” a cru, brièvement, à une victoire. “On regardait les pronostics et on remontait les derniers jours face à “Dear Basketball” de Glen Keane et Kobe Bryant”, raconte Gabriel Grapperon, un des six étudiants français derrière ce bijou d’animation. “Mais au fur et à mesure de la cérémonie, on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de surprise”, remarque Théophile Dufresne. Pour assurer la campagne, l’équipe avait rassemblé 6.000 euros grâce au crowfunding.
Les jeunes hommes, qui ont revêtu leurs costumes pour l’occasion, voient le verre à moitié plein. “On a profité du bruit de la nomination pour rencontrer des agents, des producteurs, prendre des contacts. Ca peut nous aider à trouver des financements, appuyer des dossiers”, avouent-ils, gardant en mémoire un selfie avec l’actrice Margot Robbie. Gabriel Grapperon, qui s’est rendu au Governors Ball qui suit la cérémonie au Dolby Theater, conservera aussi le souvenir “des meilleures huîtres de sa vie”.
Ce n’est pas le goût des petits fours, mais sa rencontre avec Paul Thomas Anderson au Governors Ball qui a marqué le Français Bruno Delbonnel, directeur de la photographie nommé pour “Dark Hours” (“Les heures sombres”). Pour cette cérémonie, il était accompagné de sa fille, pour laquelle il a joué les traducteurs. Rentré dans l’arène hollywoodienne avec “Le fabuleux destin d’Amélie Poulain”, un véritable tremplin pour sa carrière aux Etats-Unis, c’était sa cinquième nomination. “J’y ai cru (aux chances de gagner) les premières années, pas cette fois. D’autant que “Blade Runner 2049″ était sublime.” Mais pour lui, être dans la “short-list” est déjà une véritable reconnaissance.