N’en déplaise à tous les établissements qu’il a inaugurés, Pap Ndiaye a son petit chouchou. Et il se trouve à New York.
Lundi 19 septembre, le ministre de l’Éducation nationale marquait l’ouverture du nouveau bâtiment du collège de NYFACS, l’école à charte franco-américaine de Harlem. Visiblement touché par l’accueil chaleureux que lui ont réservé élèves, parents, enseignants et membres de la direction, agglutinés dans la salle commune toute neuve de l’établissement, il n’a pas caché sa gratitude. « Vous êtes super (…) Vous pouvez compter sur le soutien total de la France sur votre chemin vers l’excellence , a-t-il lancé sous les applaudissements. Je n’oublierai jamais cette inauguration. C’est probablement la plus originale, intéressante, émouvante de celles que j’ai pu faire comme ministre ».
Et pour cause, il s’agissait de bien plus qu’une simple cérémonie. L’ouverture du bâtiment de ce collège bilingue et biculturel public récompense les efforts de NYFACS, une école qui a connu des problèmes de gestion à son démarrage en 2010 qui lui ont valu d’être mise à l’épreuve par le Département de l’Éducation new-yorkais. Aujourd’hui, elle compte près de 400 élèves répartis entre le primaire et la middle school, qui a pris ses quartiers à la rentrée dans le bâtiment historique de l’Alhambra, une salle de spectacles mythique du quartier.
Contrairement à d’autres visites de têtes connues, dont celle d’un certain Emmanuel Macron quand il était candidat à la présidentielle de 2017, la venue de Pap Ndiaye avait une saveur toute particulière pour les jeunes de NYFACS. École essentiellement noire (66%), ses élèves sont pour beaucoup issus d’Afrique francophone ou de la communauté afro-américaine. Franco-Sénégalais ayant étudié aux États-Unis, le nouveau ministre est, pour sa part, le premier Noir à s’occuper du portefeuille de l’éducation en France. Il est connu pour ses écrits sur l’histoire de la communauté afro-américaine et la situation des minorités raciales. Sa nomination avait provoqué la vive colère de l’extrême droite. Pour ne citer qu’elle, Marine Le Pen avait vu dans sa sélection « la dernière pierre de la déconstruction de notre pays, de ses valeurs et de son avenir ».
Loin des polémiques, Bertrand Tchoumi, le directeur de NYFACS, a noté la dimension symbolique de la rencontre, décrivant devant son auditoire le « signe d’espoir » et « l’exemple extraordinaire » que constitue le locataire de la rue de Grenelle pour les « jeunes francophones, non-francophones et les immigrés ».
« Je prends cela avec la modestie nécessaire », a-t-il le ministre avant de prendre la route pour le Lycée français de New York pour participer notamment à un dialogue avec les enseignants et les élèves. « Ce qui est vrai, c’est que j’ai des racines ouest-africaines, françaises. En voyant les familles réunies ici, dont certaines partagent mon patronyme, je pouvais concevoir qu’un lien de proximité puisse s’établir entre elles, les enfants et moi. C’est une source de fierté. Ça m’honore et cela rend cette inauguration très spéciale ».
« La francophonie est un grand espace constitué de beaucoup de personnes minoritaires. De voir un ministre français issu d’une minorité, cela montre aux enfants que tout est possible. Ils peuvent s’identifier à lui et cela peut changer leur vie », a ajouté Bertrand Tchoumi.
Richard Ortoli, le président du conseil d’administration de l’école, a demandé au ministre son soutien pour permettre à l’établissement, financé en grande partie par l’État de New York et des donateurs privés, de poursuivre sa croissance. NYFACS se distingue par son statut des autres programmes bilingues lancés ces dernières années à New York. Institution dite « à charte », elle est une école publique qui jouit d’une grande liberté pour établir son programme, gérer son personnel et définir ses objectifs. D’après Richard Ortoli, 70% des élèves bénéficient de repas gratuits ou à prix réduits.
Pap Ndiaye voit dans l’installation de la middle school de NYFACS dans son nouvel espace, qui pourra accueillir une centaine d’élèves, la preuve de la « vitalité culturelle et multiculturelle » de la langue française sur le sol américain. Un dynamisme qu’il souhaite à présent soutenir, sur le quinquennat, par le renforcement du développement professionnel et la formation des enseignants de français, ainsi que la mise en disposition « continue » de ressources.
« Historiquement, le français a été associé aux États-Unis aux élites de la Côte Est, a-t-il dit. C’est important qu’il soit désormais représenté par une école comme NYFACS, située dans un quartier populaire, où vivent des familles afro-américaines et ouest-africaines ».
Plus tard dans la soirée, il est revenu sur la force symbolique de sa nomination lors de son échange avec les élèves du Lycée français. « Elle ne me résume pas, a-t-il raconté, d’après l’AFP. Je pense aussi avoir des compétences, des savoirs intellectuels et universitaires pour remplir les missions de ce ministère, au mieux ».