La visite d’État d’Emmanuel Macron a commencé mercredi à Washington. Fabien Lehagre fait partie de ceux qui la suivent de près. Et pour cause, il espère qu’elle mettra enfin un terme au calvaire fiscal rencontré par les Américains accidentels, comme lui. « D’un point de vue géopolitique, il se passe beaucoup de choses dans le monde, mais comme les relations entre la France et les États-Unis sont plus apaisées que sous Donald Trump, des avancées sont possibles. Le problème concerne 40 000 personnes en France, 300 000 en Europe », rappelle-t-il.
Voilà huit ans que ce Franco-Américain, fondateur de l’Association des Américains Accidentels (AAA), se bat pour les sortir de la situation kafkaïenne dans laquelle ils sont plongés bien malgré eux. Américains parce que nés aux États-Unis, et donc contribuables dans ce pays en raison du système d’imposition sur la nationalité, ils n’y ont cependant pas vécu de manière prolongée – juste quelques mois ou années à la naissance pour certains. C’est le cas de Fabien Lehagre, né en 1984 sur le sol américain, mais parti s’installer en France, pays de son père, quand il avait deux ans.
Depuis 2014 et l’application par la France de la loi américaine FATCA de lutte contre l’évasion fiscale, l’IRS réclame à ces « Américains malgré eux » de lourdes pénalités pour les impôts qu’ils n’ont pas payés aux États-Unis. Ils rencontrent aussi des difficultés à ouvrir ou conserver leur compte bancaire car des institutions françaises leur demandent, pour se mettre en conformité avec la loi, un numéro de sécurité sociale américain (SSN) qu’ils ne sont pas en mesure de fournir.
Poursuites judiciaires, sensibilisation des parlementaires français et européens, courriers et même manifestation lors d’une visite de Donald Trump en France : l’AAA ne ménage pas sa peine. Elle voudrait que les pénalités réclamées aux Accidentels soient abandonnées et qu’une procédure simplifiée soit mise en place pour leur permettre de renoncer gratuitement et rapidement à la nationalité américaine. Une démarche qui coûte 2 350 dollars aujourd’hui.
En 2018, ils ont reçu le soutien du président Macron qui, interpelé par le député Richard Ferrand, a indiqué dans une lettre que le gouvernement avait entrepris des « démarches diplomatiques résolues » afin que le « statut atypique » de cette population soit reconnu par les autorités américaines et que des solutions soient trouvées.
L’Ambassade de France à Washington a indiqué, mardi soir, que le sujet serait « certainement abordé lors de la visite d’État ». Pour sa part, le cabinet de Bruno Le Maire, qui accompagne le président dans le cadre du déplacement et suit le dossier, a dit dans un e-mail qu’il le serait « probablement ». Il rappelle que les avancées obtenues (procédure d’amnistie fiscale particulière sous certaines conditions, guichet spécial à l’Ambassade ) et que Paris « continue de plaider auprès des autorités américaines pour une renonciation facilitée à la nationalité américaine pour les Américains accidentels. Des réunions en ce sens ont eu lieu avec l’IRS au niveau du conseil de l’Union européenne, notamment sous la présidence française ».
« Nous sommes en train de réaliser des progrès, mais nous devons en faire davantage pour simplifier les processus qui permettront à ces individus de sortir de cette situation », explique une source diplomatique. L’Élysée n’a pas répondu à notre demande de commentaire.
« Alors que le dossier traîne, l’association continue à accueillir de nouveaux membres. Quatre par jour ! Le problème subsiste, regrette Fabien Lehagre. Les États-Unis ne veulent pas montrer de signes de faiblesse. Pour eux, nous sommes des contribuables américains. Et pendant que ce statu quo perdure, certains Américains accidentels choisissent de payer les pénalités à l’IRS pour se mettre en règle… Vu des États-Unis, nous représentons un problème mineur. »