Pourra-t-on continuer de manger du foie gras à New York ? Des membres du conseil municipal ont, ce mardi 18 juin, écouté pendant plusieurs heures les témoignages des partisans et des opposants à la vente de foie gras, qui résulte du gavage d’oies et de canards. Une élue locale, Carlina Rivera, avait déposé une proposition de loi en début d’année pour le faire bannir de la ville de New York.
Une heure avant le début de l’audition, plusieurs dizaines de personnes membres de différentes associations de défense des droits des animaux brandissaient des photos choquantes du processus de gavage sur le parvis de la mairie de New York. Hervé Breuil en faisait partie. Ce Français installé à New York est l’ancien directeur de campagne de l’organisation de défense des droits des animaux, L214. Il est venu témoigner de ce qu’il a vu lors de visites clandestines de plusieurs exploitations de foie gras en France : « Je viens parler des horreurs que j’ai vues dans ces fermes et des besoins naturels des canards: l’accès à un point d’eau, à des flaques de boues, la possibilité d’étendre leurs ailes… Ils n’ont pas tout cela dans ce type d’endroits ».
Dans la région de New York, il existe deux fermes productrices de foie gras : l’Hudson Valley Foie Gras et La Belle Farm. Matt Igoe est directeur des ventes de la première et s’inquiète du nombre d’emplois perdus si la loi est votée : « Nous sommes une petite ferme dans le nord de l’État de New York. Si nos animaux, élevés dans de bonnes conditions, viennent à être interdits à la vente sur le marché de la ville de New York, toutes ces personnes perdront leur emploi. Il est très difficile d’en retrouver dans notre petit comté ». Matt Igoe invitera les membres du conseil municipal à visiter son exploitation. Il assure que par le passé, des personnes ayant voulu bannir le foie gras à New York s’y sont rendus et ont aussitôt retiré leur soutien à l’interdiction.
Quelques minutes avant de pénétrer dans la salle, Helen Rosenthal, une conseillère municipale est venue apporter son soutien aux militants anti-foie gras. L’ambiance est joyeuse de leur côté. Selon Matthew Dominguez, de l’association Voters for Animal Rights, 81% des New-Yorkais seraient favorables au projet de loi porté par la démocrate Carlina Rivera. Il n’y a pas eu de tensions importantes entre les deux camps pourtant séparés de quelques pas avant le début de l’audition. Le ton est monté une fois, quand une femme a accusé Matt Igoe de payer des personnes pour témoigner en sa faveur. Miguel Ponce fait partie des défenseurs du foie gras. Il en produit et en mange avec plaisir : « J’aime la viande mais mes deux fils sont végétariens, c’est leur problème. Je ne les ai jamais forcés à en manger. Ces personnes [les défenseurs du projet de loi], si elles ne veulent pas manger de foie gras, qu’elles laissent les autres en manger », s’indigne-t-il.
Une douzaine de propositions de lois (dont l’interdiction de faire travailler les chevaux de Central Park par plus de 32 degrés Celsius) en lien avec le bien-être animal ont été débattues ce matin-là. Dans la salle du conseil, le public a écouté attentivement les nombreux témoignages, en réagissant très régulièrement. Les mains remuaient en l’air pour applaudir silencieusement et les pouces se tournaient vers le bas en signe de désapprobation. Dans le camp des anti-foie gras, chacun a témoigné de la cruauté du processus de gavage des oies et canards, présentant également des alternatives. « Le foie gras vegan, qui est une mixture de protéines végétales, a une texture et un goût très similaire au vrai foie gras », garantie Julie Cappiello, directrice de campagne de World Animal Protection.
Pour sa part, une jeune fille de 19 ans, dont les parents travaillent depuis de nombreuses années à l’Hudson Valley Foie Gras, a dit aux élus qu’elle avait pu recevoir l’éducation qu’elle souhaitait grâce à l’emploi de ses parents. Ce témoignage, les conseillers municipaux le prendront en compte et l’analyseront comme tous les autres. Ils détermineront ensuite s’ils organiseront ou non un vote sur l’interdiction du foie gras et à quel moment. Pour l’heure, le destin de ce mets traditionnel français à New York n’est pas défini. S’il est banni de la ville, à l’image de la situation en Californie, ce sera un coup dur pour la filière au niveau national car New York est un marché important.