Sylvie Ganter, fondatrice de la maison de parfums Atelier Cologne, se souvient avoir lu il y a deux ans un article du magazine Le Point sur la construction du quartier de Hudson Yards.
À l’époque, elle était loin de se douter que sa petite entreprise ouvrirait un magasin dans cet immense complexe immobilier qui promet de transformer l’ouest de Manhattan. Cela sera pourtant le cas. L’entrepreneure inaugurera le troisième Atelier Cologne new-yorkais lors de l’ouverture officielle du quartier au public le vendredi 15 mars. “On a toujours raisonné par quartiers pour nos ouvertures, dit-elle. Hudson Yards, c’est la possibilité de faire partie d’un nouveau quartier. En voir un se construire, c’est magique“, dit-elle.
Atelier Cologne s’est retrouvée dans l’aventure grâce à sa compagnie-mère, L’Oréal, dont le quartier général se situe dans l’une des tours de Hudson Yards ouverte en 2016. Ce quartier, sorte de “ville dans la ville” posée entre la 30e rue et 34e rue et la 10e et 12e avenue, s’étendra sur une surface de 1,7 million de mètres carrés. Présenté comme le plus grand développement immobilier à New York depuis la construction du Rockefeller Center dans les années 80, il abritera à terme des tours à usages commercial et résidentiel, un centre culturel appelé The Shed, une école et des espaces verts.
Au coeur de ce “nouveau West Side”, comme la promo le surnomme, s’élève d’ores-et-déjà The Vessel, une structure d’escaliers enchevêtrés tournée vers le fleuve Hudson. Elle se situe en face d’un centre commercial baptisé sobrement “The Shops and Restaurants”, où une dizaine de boutiques françaises ouvriront leurs portes dès vendredi. Outre Atelier Cologne, les clients y trouveront le bijoutier Cartier, la marque de prêt-à-porter pour hommes Cremieux, Dior, Kenzo, Louis Vuitton, Van Cleef & Arpels et Vilebrequin. Le luxe suisse sera bien représenté aussi, avec quelques noms illustres comme Piaget, Patek Philippe et Rolex. Rudsak, marque montréalaise de manteaux, sera aussi de la partie.
Côté restauration, Bouchon Bakery, du chef américain Thomas Keller, accueillera ses clients dès le vendredi 15 mars. Maison Kayser, du boulanger français Eric Kayser, ouvrira cet été au 55 Hudson Yards, une tour de bureaux située à proximité de la High Line.
Au total, plus de 100 magasins et restaurants occuperont le centre commercial de sept niveaux. “Ca sera le seul centre commercial aux Etats-Unis où tous les magasins vont mettre en avant leurs nouveaux concepts”, résume Stéphane Cremieux, PDG de Cremieux.
Pourtant, le patron français n’était pas un converti de la première heure. Quand on lui a proposé de rejoindre l’aventure il y a cinq ans, il a commencé par dire “non”. “J’avais l’impression que cela allait être un deuxième Brookfield Place (centre commercial du sud de Manhattan, ndr). Cela ne m’a pas plu, se souvient-il. Puis j’ai compris qu’ouvrir à Hudson Yards était une manière de se dissocier du reste. Surtout, le retail souffre en ce moment, y compris à SoHo et dans l’Upper East Side, où les espaces vacants se multiplient“. Il a signé le contrat l’an dernier.
L’entrepreneur, dont la seule boutique new-yorkaise se situera à Hudson Yards, n’a pas souhaité indiquer si des rabais ou d’autres incitations avaient été offertes aux commerçants – “un document de confidentialité a été signé sur les prix“. Même discrétion chez Bouchon Bakery. L’enseigne de boulangeries françaises a été associée à Hudson Yards en raison de l’amitié entre le chef Keller et Kenneth Himmel, le PDG de Related Companies. Cette société immobilière chargée de développer l’offre de retail de Hudson Yards a participé à la création du Time Warner Center à Columbus Circle, où Bouchon possède un point de vente.
À Hudson Yards, Bouchon aura une boulangerie-pâtisserie de quarante places assises, dotée d’une baie vitrée pour voir les boulangers préparer le pain et les viennoiseries. “Je pense que Hudson Yards va déplacer le centre de Manhattan vers l’ouest, avance Guillaume Chamot-Rooke, directeur des opérations retail au sein du Thomas Keller Restaurant Group. Ça va être une destination culinaire, culturelle et commerciale avec des marques qu’on ne trouve nulle part ailleurs à New York”.
Pour lui, une interrogation demeure: qui viendra utiliser sa nouvelle boulangerie. “Il y aura beaucoup de monde dès le départ. Ça sera un mélange de tout: une clientèle attirée par des marques de luxe, des touristes, des employés de bureaux“, observe-t-il.
“Si je le savais, je le dirais”, glisse pour sa part Stéphane Cremieux quant au profil de ses futurs clients. On va le découvrir au fur-et-à-mesure. Le développement va évoluer avec la construction de tours autour. On a hâte de voir le premier traffic ce week-end“.
Le Hudson Yards que découvrira le public dès le vendredi 15 mars n’est qu’à moitié fait. Le nouveau quartier doit s’étendre dans les années qui viennent de la 11eme avenue – frontière actuelle à l’ouest – jusqu’à la 12eme, au-dessus du garage ferroviaire où dorment actuellement les trains du Long Island Railroad (LIRR).
Sylvie Ganter compte, elle, sur les résidents du quartier et les touristes acheminés par la High Line voisine. “Cela va les amener à marcher plus loin que jusqu’à présent, dit-elle. Est-ce que Hudson Yards va devenir une nouvelle destination du luxe à New York ? Je suis curieuse de le voir“.