Originaire de Castelnaudary, une petite ville du sud de la France, Matthieu Salvignol a 15 ans lorsqu’il s’envole pour la première fois aux Etats-Unis.
Marqué par cette expérience américaine, il débute sa carrière en France comme responsable export pour la marque Chipie. Un premier pas dans le secteur de la mode et du luxe, qui sera suivi par un passage furtif chez Banana Moon à Miami. Début 2008, il devient Directeur Retail de la marque de vêtements branchés APC à Paris, et quatre ans plus tard, le siège l’envoie à New York diriger la filiale américaine.
Jugeant sa mission accomplie, il décide de relever un nouveau défi en décembre : développer le business US de Repetto, fameuse marque de ballerines françaises, qui a récemment ouvert sa première boutique américaine à Soho. Grâce à ses nombreuses expériences, le patron de filiale a appris à diriger une équipe américaine. Et nous en explique les ficelles.
1- Ne pas hésiter à sous-traiter les fonctions supports
« Quand une entreprise arrive ici pour monter une filiale, notamment si elle n’a pas un budget illimité, elle veut réduire les coûts au maximum, explique Matthieu Salvignol. Elle a donc tendance à se dire qu’elle peut gérer tout toute seule, avec les moyens du bord ». Première erreur d’après lui : aux Etats-Unis, ça ne marche pas comme ça. Il est nécessaire de savoir déléguer, l’enjeu étant de sous-traiter les fonctions-support, comme la logistique par exemple : « Pour Repetto, nous faisons appel à des entreprises dans le New Jersey qui stockent puis s’occupent d’expédier les commandes aux grands magasins ». Mais sous-traiter ne signifie pas se décharger complètement de ces tâches : « En tant que directeur de filiale, mon rôle est de choisir le bon cabinet d’expertise-comptable, la bonne société de logistique, le bon avocat ». Pour ce faire, étudier la concurrence, choisir « ses alliés », puiser dans l’expérience de personnes qui ont entrepris les mêmes démarches auparavant comptent parmi les étapes indispensables pour le manager.
2- Laisser chacun se cantonner à son domaine d’expertise
Ce système de fonctionnement semblerait coller assez bien à l’état d’esprit américain: «Globalement, les Américains sont plutôt monotâches, constate le responsable US. Au restaurant par exemple, il y a souvent celui qui sert les plats, celui qui amène le vin, celui qui apporte l’addition ». D’un point de vue extérieur, le système paraît très cloisonné. « En France, on demande au directeur des ventes de s’assurer que les clients sont bien livrés, de contrôler que les ventes se passent bien ou encore de gérer toute la partie finances en plus de son rôle de commercial, relève-t-il. Ici, 9 fois sur 10, c’est un échec. Premièrement, le salarié ne comprend pas pourquoi on lui demande de remplir une autre fonction que celle pour laquelle il a été recruté et deuxièmement, comme ça l’énerve, il ne va pas bien le faire ».
3- Savoir fidéliser et fédérer son équipe
Force est de constater qu’avec une législation du travail plus souple qu’en France, la rotation des équipes (“turnover”) est plus fréquente aux Etats-Unis. Ici, le patron peut enclencher la procédure de licenciement d’une minute à l’autre : « L’avantage, c’est que le salarié en est conscient, souligne Matthieu Salvignol. Par conséquent, il respecte son chef, l’écoute et applique ses directives ». Mais la logique s’applique aussi dans l’autre sens : « Un vendeur dans une boutique n’hésitera pas à partir dans celle d’à côté pour 1 dollar de plus ». C’est la raison pour laquelle il est important de savoir fidéliser son équipe. Comment ? “D’abord par la rémunération qui est un moteur déterminant ici”. Ensuite, en faisant régulièrement des points avec ses salariés, « savoir s’ils sont épanouis, s’ils se sentent bien au sein de l’entreprise ».
4- Féliciter ses employés lorsqu’on est content d’eux
D’après lui, il est rare d’entendre un patron américain dire à son employé que son travail est mauvais et que l’on est pas content de lui : « L’erreur que j’ai commise en arrivant ici, c’est de dire à la personne que son travail ne me satisfaisait pas en paraissant agacé, confie-t-il. Dans sa tête, il ne comprenait pas et pensait qu’il fallait que je le licencie ».
Deux options donc, d’après ce dernier : soit on est content du salarié et on le récompense (promotion de poste, semaine de vacances en plus…) pour l’inciter à grandir dans l’entreprise, soit on décide de le faire partir. “Le management par la terreur est totalement contre-productif d’après moi”.
5- Aller à l’essentiel lorsqu’il s’agit de licencier
Pour mettre fin à une collaboration, le CEO estime qu’il faut aller droit au but : « Je convoque la personne dans mon bureau en présence d’un témoin, généralement le directeur financier, résume-t-il. Cela doit durer entre trois et cinq minutes maximum ». Ce moment n’étant jamais une « partie de plaisir », ni pour l’employé ni pour lui, il considère qu’il est inutile de rentrer dans les détails. Il lui arrive d’offrir des compensations, salariales par exemple. « Rentrer dans la peau d’un patron américain n’est pas simple, mais si on veut être pris au sérieux par ses collaborateurs, c’est nécessaire ».