A l’origine, Charles Gorra n’avait pas d’appétence particulière pour les sacs en cuir Yves Saint-Laurent. Ce qu’il voulait, à sa sortie du MBA d’Harvard, c’était créer sa start-up.
De fil en aiguille, ce Français de 32 ans a lancé Rebagg, un business de sacs de luxe d’occasion en ligne, qui a vu son chiffre d’affaires multiplié par sept en 12 mois. Un an et demi après le lancement, Charles Gorra emploie 18 personnes dans ses bureaux à New York.
1- Un stage d’observation dans une start-up
Au départ, il y a un réseau, et une rencontre : celle de Charles Gorra avec l’Américaine Jenny Fleiss, la cofondatrice de Rent the Runway, une start-up au succès phénoménal, qui propose des robes de luxe à la location en ligne. Un business en plein dans cette économie du partage et de la consommation collaborative, type Airbnb, qui intéressait beaucoup Charles Gorra.
Jenny Fleiss, issue comme Charles Gorra du MBA d’Harvard, lui propose de venir quelques semaines à Rent the Runway. C’était pendant l’été 2013, Charles Gorra venait de terminer son MBA. Pour lui, c’est une révélation. “J’ai mesuré à quel point il y avait, ici, un engouement exceptionnel pour la mode, et ce besoin de renouveau permanent.”
2- Observer les besoins
En septembre 2013, Charles Gorra commence à explorer ce monde. Il rencontre des copines d’Harvard, des femmes d’amis profil cadres new-yorkaises, et les fait parler de leur penderie.
“Ce qu’on nous apprend à Havard, c’est qu’avant toute idée de business, il faut observer. Ecouter les gens, les faire parler de leurs problèmes. Partir avant tout de l’expérience du consommateur, et de sa due diligence, avant de proposer une solution.”
Il observe la part de ce que ces femmes mettent, oublient, jettent, rachètent. “J’ai dû voir 100 armoires environ”, se souvient-il. “Mon observation, c’était que les gens ne portent qu’une faible part de leur penderie – environ un tiers – et que le volume d’achat de nouveaux vêtements est énorme”, affirme Charles Gorra.
Il constate qu’il existe déjà de multiples endroits, sites et marketplaces pour revendre ses habits ou accessoires, mais que peu de gens les connaissent ou les utilisent. “C’est qu’il y a une raison”, pense Charles Gorra.
“Les gens m’ont dit : si tu veux vraiment me rendre service, prends mes vêtements et vends les toi, parce que moi, j’ai pas envie de le faire et je n’ai pas le temps. Et tu me ramènes l’argent.” Un début de solution émerge.
3- Un premier pré-business
Charles Gorra se fixe alors sur les robes. Il commence à tester son concept avec trois bouts de ficelles. Il rachète des robes, les revend sur e-bay, Craig’s list, The Real Real, dans des boutiques de seconde main, pour “sentir” le marché.
“J’ai dû vendre 300 articles. J’entassais les trucs chez moi, je devais avoir 200 robes dans un coin. Un jour, j’ai même loué un espace pour tout liquider, j’ai fait une sorte de pop-up store. C’était très bien pour avoir le contact avec le client.”
Mais au bout de quelques mois, il se rend compte que ce business tient plus du sac de noeuds que de l’affaire du siècle.
4- Un pivot vers les sacs
L’investisseur Fabrice Grinda, son mentor et investisseur de la première heure, l’aide à y voir plus clair. “J’avais compris que dans ce business, notre plus, c’était le service. Et faisant les calculs avec Fabrice, on a vu que que c’était très difficile de dégager de la rentabilité avec des robes. En fait, il y a deux moyens de gagner de l’argent. Tu fais soit un modèle où les gens achètent beaucoup, mais à des prix bas. Soit ils achètent peu, mais à un ticket très élevé. On est parti là-dessus.”
Charles Gorra décide alors de pivoter vers les sacs à main de luxe. “C’était plus simple que les robes. Pas de problème de taille, d’essayage, moins de retour, et le montant des transactions est plus élevé. Surtout, j’ai constaté que l’enthousiasme des filles pour les sacs était beaucoup plus fort que pour les robes.”
5- Un business model
A l’été 2014, Charles Gorra accouche enfin son business model : l’achat et la revente de sacs de luxe en ligne, avec tout un service de conciergerie autour, afin que le vendeur ne s’occupe de rien, et des relations privilégiées avec des personnal shoppers, payés à la commission pour liquider la penderie de leurs riches clients. Et surtout, un paiement “upfront”, dès réception du sac – et non pas au moment de la vente – une autre manière de se différencier de ses concurrents, en particulier le puissant The Real Real.
Rebagg était né. Pour se lancer, il lève 800.000 dollars auprès de Fabrice Grinda et d’un autre business angel.
“Ca m’a pris un an pour me positionner”, calcule Charles Gorra, qui a pu rester aux Etats-Unis pendant cette période grâce à la prolongation de son visa étudiant (OPT). “C’était un des avantages d’avoir ce statut, car depuis la France, cela aurait été impossible de faire cette étude. Certes, cette année de positionnement m’a coûté cher, mais c’était crucial. Il faut bien ce temps-là pour tester, faire tous les petits pivots nécessaires.”
En ce début de printemps, Rebagg va déménager pour continuer à faire grossir son équipe. La start-up en a les moyens : elle a levé 4 millions de dollars l’été dernier, auprès de divers investisseurs américains. Une preuve de plus que Charles Gorra a plus d’un tour dans son sac.