Clément Michel croit que les Etats-Unis, pays de la voiture-reine, peuvent se déplacer autrement. Et que le savoir-faire français peut les aider. “Quand j’étais en Australie, il y avait beaucoup de travail à faire sur le réseau de transport public, mais quand je suis arrivé aux Etats-Unis, c’était encore un plus grand défi”, se rappelle le président-directeur général de Keolis Amérique du Nord, qui travaillait pour le groupe de transports à Melbourne quand il a été nommé à son poste actuel en février 2016.
Keolis est un peu chez elle en Amérique du Nord. Basée à Paris, l’entreprise est détenue à 70 % par la SNCF et à 30 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Outre la Virginie et le Massachusetts où elle travaille dans le milieu des trains, la filiale a remporté des contrats de réseaux de bus à Los Angeles, Fresno et Las Vegas (où elle gère la première navette autonome de la ville des casinos). Fin octobre, la société a annoncé un contrat de 20 millions de dollars pour opérer le réseau de bus et de transport adapté (pour les seniors, handicapés…) de la ville de Greensboro (Caroline du Nord). En Floride, elle est présente à travers des sociétés de taxis et des navettes. Depuis 2012, Keolis est le principal partenaire de VIA, un taxi partagé qui tente de concurrencer Uber et Lyft.
Le Français de 43 ans – qui a grandi à la Réunion et a fait ses gammes à Saint-Gobain en Chine – est arrivé aux Etats-Unis dans un contexte de crise. Il a remplacé l’ancien directeur Eric Asselin alors que l’entreprise, qui exploite le réseau de trains de banlieue de la région de Boston depuis 2014, devait faire face à des retards à répétition et du matériel défaillant. Ce qui a obligé Keolis à verser des pénalités à l’État du Massachusetts, son client.
Le groupe avait alors déménagé ses bureaux de Virginie à Boston. L’enjeu était de taille pour le nouveau patron: l’exploitation du réseau de Boston est le plus gros contrat de Keolis -il a fait passer son chiffre d’affaires de 300 à 600 millions de dollars aux Etats-Unis. Avec quatorze lignes et 1.000 kilomètres de voies empruntées par 130 .000 voyageurs par jour en moyenne, il s’agit du plus grand réseau américain confié à un opérateur privé.
Dans le même temps, Clément Michel doit piloter un autre gros dossier: l’exploitation et la maintenance du réseau des trains de banlieue Virginia Rail Express qui desservent le nord de l’État de Virginie, dans la région de Washington. “En 2009, les Etats-Unis étaient le seul pays de l’OCDE à voir son nombre d’usagers de transports en commun diminuer”, se souvient-il. Il est passé de 5,6 millions de personnes en 2008 à 4,9 en 2009.
Fervent défenseur des transports en commun à l’heure du changement climatique, Clément Michel voit les Etats-Unis comme un grand projet où tout reste à faire. Néanmoins, avec les différents classements des villes les plus vivables aux Etats-Unis, les municipalités réorientent leurs politiques publiques vers le transport partagé. “Los Angeles a investi des milliards de dollars pour remodeler ses modes de transport”, souligne-t-il. Keolis a remporté en Californie son deuxième plus gros contrat aux Etats-Unis en 2014.
Le savoir-faire français est apprécié. “Nous avons l’habitude de la gestion de grandes villes avec des réseaux de trains, de bus et de vélos”, explique-t-il. Mais aux Etats-Unis, Keolis a une approche plus technique car le manque de coordination entre différentes municipalités empêche un réseau global.
Il prend l’exemple de Washington D.C. qui a “un métro super, mais pas pratique, avec des billets de circulation qui ne sont pas adaptés”. Contrairement à de nombreuses villes américaines, la capitale base le prix de son ticket sur le nombres de stations à emprunter et les horaires plutôt que de pratiquer prix fixe comme à New York. Pour lui, “le réseau de bus à Washington n’est pas coordonné avec la Virginie où chacun a son propre réseau, il n’y a pas de vision d’ensemble”.