Grandeur architecturale, glamour et démesure : plongez dans l’âge d’or du cinéma américain en explorant quelques-unes des salles historiques les plus féériques de la baie de San Francisco, entre monuments iconiques et joyaux art déco.
Inauguré en 1922 dans le quartier de Castro, ce chef-d’œuvre architectural classé allie l’art déco à des influences hispano-baroques, comme en témoignent l’élégance de sa façade ornementée, ses graffites et sa majestueuse voûte drapée. Cœur vibrant de la contre-culture depuis les années 1970, le Castro Theatre est devenu un repère emblématique de la communauté LGBTQ+, avec une programmation haute en couleurs mêlant spectacles vivants, films classiques et indépendants, ainsi que projections sing-along. Fermé pour rénovation depuis 2023, ce monument conçu par l’architecte Timothy L. Pflueger redonne vie à des trésors cachés, tels que des dragons-chérubins et un proscenium exhumé. Et, comme rien n’est trop beau pour le Castro, il s’équipera du nec plus ultra en matière de son et d’éclairage, ainsi que du plus grand orgue électrique au monde. Réouverture prévue à l’été 2025.
Classé parmi les dix plus beaux cinémas du pays, le Grand Lake Theatre (1926), coiffé de sa magistrale enseigne lumineuse, s’impose parmi les salles incontournables de la région. Fleuron de l’architecture art déco, celle que l’on surnomme The Grand Dame of Oakland séduit par sa grandeur et son exquise extravagance, avec ses quatre auditoriums atmosphériques aux influences égyptienne et mauresque. Après une rénovation et une extension majeures dans les années 1980, ce joyau d’Oakland, où un orgue résonne les vendredis et samedis soirs avant les projections, perpétue l’opulence des années folles, offrant une expérience inoubliable aux cinéphiles.
De style art déco, l’Alameda Theatre illumine la séduisante ville éponyme depuis son grand opening en 1932. Dernier grand palais du cinéma de la baie, cet édifice conçu par Timothy L. Pflueger offre, en pleine Grande Dépression, une précieuse échappée. Fermé en 1980 et sauvé in extremis, il rouvre en 2008 après une renaissance flamboyante. Sa façade symétrique, flanquée de huit colonnes, de deux rosaces néo-mauresques et d’un marquis remarquable annonce le faste des lieux. Mais c’est à l’intérieur que les Arts décoratifs révèlent toute leur splendeur. Enrichis d’accents cubistes et orientalistes, l’atrium et les salles de projection se parent d’une profusion de dorures, de pilastres et de plafonds à gradins. Dans le lobby, on peut lire en grand : Take the magic with you. Quoi de plus beau, sinon ce lieu ?
Doyenne des salles obscures encore en activité aux États-Unis, le Roxie Theatre (1909), situé dans le quartier de Mission, est devenu un pilier du cinéma indépendant après plus d’un siècle d’existence et plusieurs transformations. Bien que ce petit cinéma au caractère bien trempé ne rivalise pas avec le faste architectural des palaces cinématographiques de la région, il séduit par son aura unique. Autrefois connu pour ses projections de films en deuxième et troisième diffusion, de pornos et d’œuvres étrangères, il s’est métamorphosé dans les années 1970 en une référence internationale du cinéma d’art et d’essai. Aujourd’hui, il est le théâtre de projections de films indépendants, de courts métrages, ainsi que de festivals locaux majeurs tels que les Frameline et San Francisco Jewish Film Festivals.
Sauvé dans les années 1980 grâce à la mobilisation locale, l’Orinda Theatre continue de rayonner dans le comté de Contra Costa. Son enseigne lumineuse, en forme d’aileron et visible depuis l’autoroute 24, capte les regards vers ce joyau Streamline Moderne, conçu par les architectes Cantin père et fils et inauguré en 1941, au lendemain de l’attaque de Pearl Harbor. Avec son style paquebot, il se distingue par ses lignes aérodynamiques, tandis qu’à l’intérieur, les fresques réfléchissantes signées Anthony Heinsbergen témoignent du génie avant-gardiste du muraliste. À chaque projection, le rideau de velours s’ouvre, comme autrefois, dévoilant le grand écran d’origine, autre perle rare de cet établissement. Loin de se reposer sur ses lauriers, le théâtre enchante sa communauté avec une programmation variée, des projections gratuites et des événements inédits, dont les Matías Bombal’s Hollywood Orinda Classic Movie Matinees, rendant hommage aux classiques hollywoodiens d’avant 1960 avec des films en pellicule 35 mm remastérisés, accompagnés de courts métrages. Une expérience unique.
Même scénario pour les salles Elmwood et Cerrito. Dernier cinéma en activité à Berkeley, l’Elmwood Theatre situé sur College Avenue, charme par son ambiance intime. Inauguré en 1919, ce cinéma de poche centenaire propose une programmation éclectique, mêlant films primés, œuvres d’auteur et étrangères, blockbusters, documentaires artistiques et Family Matinees régulières. Non loin de là, le Cerrito Theater ravit les amateurs d’ambiance rétro avec ses superproductions, ses films cultes et la diffusion gratuite de grands classiques chaque premier jeudi du mois. Ouverte en 1937, cette pimpante adresse Art déco a marqué les esprits dès ses débuts avec ses fresques mythologiques, un ticket d’entrée à 30 cents et, incroyable mais vrai, des soirées Dish Night, où des pièces de vaisselle étaient offertes aux jeunes femmes. Après plusieurs vies, de cinéma à entrepôt de meubles, le théâtre a été préservé par les Friends of the Cerrito Theater. Rénové en 2006 grâce à des fonds publics et privés, il a brièvement fermé en 2009 avant de renaître en 2018 sous la gestion de Rialto Cinemas.
Impossible d’évoquer les salles mythiques de la baie sans mentionner le Paramount Theatre d’Oakland. Ressuscité en 1972, ce chef-d’œuvre Art déco, conçu en 1931 par Timothy L. Pflueger et classé monument historique national, incarne l’âge d’or du cinéma américain. Bien qu’il n’ait connu qu’une brève période de gloire en tant que palais du cinéma, cette salle de 3476 places, tombée en désuétude pendant près de trois décennies, invite à une pause contemplative. Sa mosaïque monumentale d’Anthony Heinsbergen et son vestibule baigné sous une canopée incandescente en reflètent tout l’éclat. Doté d’une acoustique exceptionnelle, son auditorium fascine par sa profusion de dorures et de reliefs stylisés, mêlant influences égyptiennes, gréco-romaines et polynésiennes. Si le show n’est plus au box-office, le Paramount demeure un acteur culturel incontournable de la baie. Résidence de l’Orchestre symphonique et de la compagnie de ballet d’Oakland depuis les années 1970, il propose une programmation variée, allant des concerts aux stand-ups, en passant par la danse et le théâtre. Et pour cause, Always the best show in town !