22 h 30, mardi 4 février, dans le club The Echo à Los Angeles. La musique électronique, assortie de sonorités funk et disco, s’emparent frénétiquement des corps de l’assemblée. Ce soir-là, les “sorry” ont laissé place aux “pardon” et les “hi” aux “salut”. Pour entendre le DJ set de Bon Entendeur, les Français expatriés de Los Angeles se sont déplacés en masse. Au point qu’on se croirait dans une boîte parisienne. “Nous sommes comme le camembert reçu en colis, nous aidons à pallier le mal du pays”, s’amuse Arnaud Bonet, l’un des trois membres du collectif musical composé de Pierre Della Monica et de Nicolas Boisseleau.
Le trio sait bien qu’il rassemble les Français de l’étranger, après avoir fait deux fois “sold out” à New York en 2019, puis la même à San Francisco, le lundi 3 février. Et ils n’en espèrent pas moins pour leur retour dans la grosse pomme -où ils jouent les 8 et 9 février. “On fait danser les Français loin de chez eux, c’est un sentiment spécial”, reconnaît Pierre Della Monica. “Et ils sont encore plus chauds qu’en France”, ajoute Nicolas Boisseleau.
Les trois amis mordus de son, aux allures d’étudiants en école de commerce, ne mentent pas. L’enchaînement de titres de leur premier album “Aller-retour”, avec notamment le carton “L’amour, l’amour, l’amour” repris à l’unisson par le public, mais aussi la mixtape de Pierre Niney et des remix de nouveaux morceaux ont déchaîné l’audience de compatriotes à Los Angeles.
Faire découvrir des chansons françaises sous un prisme électro
Bon Entendeur était loin de s’imaginer jouer dans des mégalopoles américaines, il y a encore 8 ans de cela. Arnaud Bonet lançait alors un projet de playlists mensuelles postées sur sa chaîne YouTube. Rapidement rejoint par son ami d’enfance Pierre Della Monica, les playlists deviennent des mixtapes, la première reprenant des brides d’interviews de Dominique Strauss-Kahn s’expliquant sur l’affaire du Sofitel, entre des morceaux électro, hip hop, disco dénichés sur le Net. “On avait fait ça comme une blague”, remémore Arnaud Bonet, surpris par le succès. “Et vite, on a eu mille autres idées de personnalités éloquentes.” Nicolas Boisseleau se greffe dès 2014 au projet. Ensemble, ils ont été jusqu’à réaliser des entretiens originaux, dont ceux de Pierre Ninet, Frédéric Beigbeder et Patrick Poivre d’Arvor. Outre la cinquantaine de mixtapes à leur actif, ceux qui se définissent comme des “geeks” ont également développé une application mobile, travaillent sur une web-radio, et ont réalisé des remix de chansons françaises.
“Monaco”, “La Rua Madureira”, “Le Temps est bon” d’Isabelle Pierre (plus de 8 millions de vues sur Youtube) : les remix de Bon Entendeur ont touché une large audience. “L’idée est de faire renaître des morceaux, les faire découvrir sous une approche plus électronique”, résume Arnaud Bonet. Mais comment choisissent-ils les chansons ? “On écoute beaucoup de musique, et notamment des années 1960 et 1970. Il faut que la mélodie reste dans la tête”, explique Pierre Della Monica. “Après, il faut aussi obtenir l’autorisation pour avoir les droits.”
Et la chanson française se porte bien. Comme le rappelle le collectif, le top 10 des artistes les plus écoutés par les utilisateurs de Spotify en France en 2019 sont 100% francophones. “C’est dommage d’écouter un artiste sans jamais le voir en concert, et les stars américaines viennent peu souvent” dans l’hexagone, commente Arnaud Bonet.
Un projet difficile à internationaliser
Après une timide incursion sur le sol américain l’an dernier, ils sont revenus un peu plus fort avec davantage de dates cette année – à San Francisco, Los Angeles, Montréal et New York, organisées par le tourneur UTA. “L’idée est de jauger à chaque fois et d’augmenter la jauge au besoin (comme à New York où ils passent d’une salle d’une capacité de 300 à 750 personnes) ; pour à terme se produire dans des salles plus grandes, tout en commençant à proposer des concerts dans de nouvelles villes comme Seattle et Miami”, présente Nicolas Boisseleau, qui à l’instar de ses compères, préfère se montrer précautionneux et commencer petit. Et pourtant, le collectif a déjà rassemblé près de 3000 personnes à L’Olympia à Paris, et se produira en mars au Zénith.
Bon Entendeur s’imagine alors bien suivre les traces de Polo & Pan, quasiment “sold out” à chaque concert outre-Atlantique.
“Ce n’est pas évident d’internationaliser notre projet car ce sont des chansons et des mixtapes en français, mais cela reste un défi”, admet Pierre Della Monica. En incluant des mixtapes en anglais ? Pas forcément : “Je crains que le message soit confus. Comme ce n’est pas notre langue, ce sera difficile de comprendre les sensibilités.” Il y aurait alors l’aura qu’apporte le festival Coachella. “Ca crédibiliserait le projet à l’international”, concède Pierre Della Monica, qui ajoute que le collectif “ne vit pas pour ça”. Car, finalement, une carrière aux Etats-Unis n’est pas leur rêve, mais les concerts y sont “un kiff”. “Et surtout de voyager à travers le monde grâce à la musique”, insiste Nicolas Boisseleau.
Après ou avant leurs DJ sets, les Parisiens ont ainsi pris quelques jours pour explorer les villes californiennes, qu’ils découvraient de leurs yeux d’adultes. “On a adoré San Francisco, on s’imagine bien y vivre”, lâche Arnaud Bonet, qui a apprécié voir des gens apaisés, promener leur chien en bord de mer et un trafic délesté. “Ca ressemblait à un dimanche matin, mais en semaine.”