C’est à une visite guidée plutôt inhabituelle de New York que nous convie Kevin Couliau, un photographe français, lors de son exposition à l’Arsenal Gallery (830 Fifth Ave. et 64th St.) jusqu’au 5 septembre : une traversée de la ville par ses terrains de basket. Le titre ? « Heart of The City, An Ode to NYC Basketball ». Depuis 20 ans, ce Nantais documente la Grosse Pomme en s’intéressant aux rectangles de couleurs ornés de deux paniers -un de chaque côté- nichés un peu partout dans les cinq boroughs de la métropole américaine.
« New York est, avec Hong Kong, la ville qui possède le plus de terrains de basket au monde, explique-t-il. Il y en a 1200 en tout dans la ville. Depuis que je suis petit, New York est un point de référence culturel pour moi. Avec mon frère, on regardait des documentaires sur le basket de cette ville, sur le skate aussi, et on absorbait tout ça. Je cultivais ce rêve de pouvoir goûter au basket de rue new-yorkais. » Dès 2004, ce rêve est devenu réalité lors d’un premier voyage qui n’a fait que confirmer l’attrait du jeune homme pour la culture de la ville. Il en a rapidement tiré un film (Doin’ it in the Park), vainqueur de plusieurs prix : celui de l’Audience au Urban World Film Festival, ou du meilleur documentaire lors du festival international du film de New Jersey.
L’exposition -gratuite- de l’Arsenal Gallery emmène le spectateur un peu partout dans la ville, dans ces lieux que Kevin Couliau décrit comme des « sanctuaires » et qui ont marqué sa vie. « J’ai voulu montrer l’impact social du basket, et ces lieux comme des églises, confie-t-il. J’ai l’habitude de dire : “The park is my church”. Pour moi, le basket est une religion. Tous les joueurs vont sur ce confessionnal. Quand tu es déprimé, quand quelque chose ne va pas, tu vas sur un terrain de basket et tu oublies tout. »
Il y a celui, mythique, de West 4th Street, sur lequel on tombe nez-à-nez, littéralement, lorsqu’on sort de la bouche de métro à Greenwich Village : quatre grillages de fer et une compétition féroce à l’intérieur. On le surnomme The Cage. D’autres sont tout aussi importants aux yeux du photographe : « Le premier, celui qui m’a le plus marqué au début, est « Soul in the Hole » à Brooklyn (Bed-Stuy), que j’avais découvert dans un documentaire de 1996. C’est un terrain qui me faisait fantasmer en France. Il y a aussi the Goat (entre Upper West Side et Harlem), là où j’ai eu toutes mes amitiés new-yorkaises et notamment Bobbito Garcia, avec qui j’ai fait le film il y a 10 ans. Le basket de rue est né ici. Le statut social s’y efface. C’est un peu le cas partout mais surtout ici. Il est un outil d’inclusion sociale : tu peux te retrouver à jouer un soir avec un trader de Wall Street, un prêtre, un homeless ou une fille qui sort du boulot. »
Ces photos s’attachent surtout aux détails : une planche plus très fraiche, un filet troué, une main qui dunke ou encore une ligne blanche qui transperce une surface bleue. Avec un travail particulier sur les couleurs. On découvre le regard d’un artiste français sur des lieux typiquement new-yorkais. « Le basket de rue m’a éduqué, il m’a apporté des choses que je n’aurais pas trouvé ailleurs, des amitiés avec des personnes venant de partout, d’Afrique, d’Amérique, des touristes de passage, et qui m’ont accompagné toute ma vie, développe le photographe. Le skate, lui, m’a apporté un regard extérieur sur la ville, sur l’urbanisme, et permis de jouer avec la caméra. » Un mélange d’influences qui correspond bien à l’identité new-yorkaise.