“J’ai toujours eu du mal à rentrer dans une case”, lâche Anna Milone, entre deux souvenirs sur son riche cursus universitaire – licence en histoire de l’art/droit et master en gestion culturelle en Europe.
Derrière son allure frêle et son minois gracile, se cache une véritable tornade de 31 ans qui fourmille d’idées pour la fondation FLAX dont elle devenue la programmatrice. Depuis le début de l’année, vivant entre Los Angeles et Paris, la jeune femme a remplacé Martha Kirszenbaum, l’instigatrice de la résidence d’artiste de la fondation, Fahrenheit.
Au sein de cette fondation dont le but est de promouvoir les échanges artistiques entre la France et la Californie du Sud, sa mission est de sélectionner des artistes en rapport avec la France, et de développer des projets. Sans vouloir être irrévérencieuse, la Parisienne compte dynamiter les habitudes avec son approche trans-disciplinaire. “Je veux créer des collaborations avec des professionnels locaux et que les ponts entre les disciplines et les échanges deviennent permanents. Je ne veux pas d’un espace défini comme Fahrenheit pour les artistes français, mais je veux des artistes français dans tous les lieux de Los Angeles.” En bref, sortir les artistes des murs. Une volonté initiée avec l’artiste-chercheur Etienne de France, en résidence à FLAX, qui a pu collaborer avec l’Autry Museum et East of Borneo notamment.
Même tactique employée avec l’artiste Lola Gonzalez, qu’elle côtoie depuis ses débuts, et qui présentera une performance à Grand Park le dimanche 22 juillet. “J’ai voulu confronter Lola, qui offre une violence latente dans ses vidéos, avec le danseur de buto Oguri, créant la rencontre de divers esthétismes.” Cette Parisienne d’origine italienne a également invité en août le curateur indépendant Fabien Danesi pour imaginer une série d’événements trans-disciplinaires intitulée “Dialectique étoilée”.
De la Fondation Cartier au Secours populaire
Ce décloisonnement du monde artistique est le mode opératoire qui a fait sa force à Paris, où elle a notamment oeuvré en 2013 dans l’équipe de production de la Nuit Blanche. “C’était la première fois où je vivais la ville comme un terrain de jeu et d’expression pour les artistes”, raconte Anna Milone, qui a fait ses armes à la Fondation Cartier (Paris).
Elle a également “complété sa boîte à outils” en se greffant à l’ouverture de la Monnaie de Paris. Durant un an et demi, en 2015, elle a eu carte blanche pour gérer son programme pédagogique. Elle découvre Los Angeles en 2011 comme stagiaire au service culturel du consulat de France. Cela sera “une révélation”. “Découvrir la création ici m’a rappelé pourquoi je faisais mon métier, cela m’a offert un autre point de vue sur l’art contemporain”, argue celle qui a été marquée “par la liberté, une approche de l’art très organique, proche d’une conception romantique, et la bienveillance des galeristes à L.A“. Elle attire l’attention d’Elisabeth Forney, la directrice de FLAX. De cette rencontre, naît une collaboration sur l’exposition “Lost in Los Angeles”, réalisée en partenariat avec le Palais de Tokyo.
La scène artistique californienne n’a pas épargné la curatrice ambitieuse. Elle s’est notamment inspirée d’une exposition vue à Santa Monica pour le projet des 70 ans du Secours populaire, “son bébé“. Dans “Recto-verso”, exposée à la fondation Louis Vuitton en 2015, elle a rassemblé 225 oeuvres créées par des artistes confirmés (comme Jeff Koons et Pierre Soulage) et débutants, proposées aux collectionneurs de manière anonyme et à un tarif unique.
Malgré son retour durant quelques années à Paris, elle a continué à cultiver des liens avec Los Angeles, dialoguant perpétuellement avec FLAX et collaborant sur Fahrenheit. “Je suis fascinée par la conception de communauté qui est célébrée aux Etats-Unis, alors qu’elle fait peur en France“. L’identité, comme les différences, sont au coeur de sa recherche de programmation à FLAX, pour laquelle elle dispose d’une entière liberté jusqu’en 2019. Et elle compte bien en abuser pour amener les artistes de Los Angeles à Paris.