Accoucher sans soutien familial proche de soi et dans un pays dont on ne maîtrise pas tous les codes – et encore moins le système de santé – a parfois des allures de parcours du combattant.
Pour Fatiha Rtile, devenir maman de la petite Inès a été une plongée dans l’inconnu. « Sans famille à côté, je ne savais absolument pas comment allait se passer la grossesse ou l’accouchement », raconte cette résidente de Mountain View, en Californie. Même son de cloche pour Fanny Mézeau qui a eu une petite fille il y a six mois à Miami, en Floride. « Ce qui m’a le plus manqué, c’est l’épaule d’une maman », confie-t-elle. Puéricultrice de formation, elle explique avoir pourtant eu besoin du soutien de quelqu’un qui parlait sa langue et venait de la même culture. Les deux femmes ont choisi de faire appel à des doulas françaises.
Doula
Cécile Largeau, la doula de Fanny Mézeau, définit son rôle comme celui d’une « assistante pour les parents, avant, pendant et après l’accouchement, qui apporte son carnet d’adresses et ses connaissances sur la culture médicale du pays ». Aux Etats-Unis, où on trouve très rarement des sages-femmes en hôpital, plus de 6% des femmes enceintes font appel à une doula (du grec ancien signifiant « servante à la femme »).
Une autre forme de soutien peut venir de groupes de parole de jeunes parents francophones. Isabelle Dumazet, sophrologue et doula, anime un de ces groupes dans la région de San Francisco. Les mamans qui y participent « viennent parler et échanger, notamment pour débroussailler le paysage médical américain », explique-t-elle.
Coût et pratiques médicales
« Dès que j’ai quitté la salle d’accouchement, je me suis sentie livrée à moi-même », se souvient avec émotion Marie Dhaine, maman depuis quatre mois à Los Angeles. « J’ai dû chercher sur Google : comment laver son bébé ? » En fonction de la région où les parents vivent, de l’hôpital qui les suit ou encore de leur assurance santé, l’éducation sur les soins au jeune enfant ou sur l’allaitement est plus ou moins mise en avant. Et le suivi médical des mamans en post-partum est très souvent inexistant.
D’autres facteurs varient énormément. Un accouchement peut coûter de quelques centaines de dollars à 10 000 dollars et au-delà. Le taux de naissances par césariennes peut dépasser les 35% dans des Etats comme la Géorgie ou la Floride. La péridurale est pratiquée pour 39% des naissances par voie basse dans le Maine contre 79% dans le Nevada (en France, il est de 77%).
Dans la baignoire
A San Francisco ou à New York, on a accès à des cours d’accouchement naturel et à des services d’hypnonaissance – techniques de respiration et d’auto-persuasion pour l’accouchement. « Aux Etats-Unis, on peut avoir un choix énorme qui va de l’accouchement à la maison dans la baignoire à l’accouchement programmé au jour près avec suivi 100% médicalisé », résume Cécile Largeau. De fait, les parents doivent faire leur marché pour choisir les soignants qui leur correspondront le mieux. « Etre enceinte ici, c’est un peu comme être capitaine d’une équipe de foot : on choisit bien son équipe et on s’assure que tous les membres sont sur la même longueur d’onde ».
Faire un bébé américain peut aussi mettre en exergue quelques différences culturelles entre les Etats-Unis et la France. « Ici, tout le monde te dit que tu vas allaiter », constate Marie Demeulenaere, future maman à Washington DC. « On ne te demande pas si tu vas le faire mais combien de temps tu vas le faire ». Aux Etats-Unis, 83% des mères allaitent à la naissance contre 67% en France. Après six mois, ce taux reste à 57% côté américain contre 19% côté français. Autre exemple : emmailloter le nouveau-né pour l’aider à dormir, une pratique considérée comme archaïque en France alors qu’elle est largement promue ici. Autre exemple encore : l’option de faire circoncire son petit garçon, une pratique marginale en France en dehors des considérations religieuses et extrêmement populaire – bien que sur le déclin – aux Etats-Unis.
Zéro risque
Certains parents prennent ces dilemmes avec philosophie. « Comme les médecins prennent zéro risque aux Etats-Unis de peur d’être attaqués en justice, les conseils de soin du bébé sont toujours très prudents ici », commente Grégoire Valadié, jeune papa basé à East Palo Alto, en Californie. Ce dernier compare souvent les consignes données sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire avec un bébé des deux côtés de l’Atlantique. « Quand la version américaine est trop alarmiste, on se rassure en regardant du côté français ».