Colorées, imagées, parfois déroutantes, les expressions idiomatiques sont l’âme d’une langue. Véritables trésors linguistiques, elles insufflent un rythme et un trait d’esprit irrésistibles aux conversations du quotidien. Mais connaissez-vous seulement leurs origines ? Focus sur 10 expressions anglophones incontournables pour pimenter vos échanges et faire sensation à la machine à café.
Encore une histoire de pickles pour nos amis Américains ! « To be in a pickle », c’est l’art de se retrouver dans une situation délicate, ou de se fourrer dans le pétrin. C’est un peu comme si vous coinciez accidentellement votre main dans un bocal de cornichons et ne saviez plus comment l’en sortir sans en mettre partout. Un vrai casse-tête.
Origines : L’expression « to be in a pickle » provient de La Tempête de Shakespeare (1610), où le bouffon Trinculo, ivre mort, qualifie son état d’ébriété avancé de « pickle », le comparant à un embrouillamini sans issue. De l’ivresse à l’image d’un méli-mélo de légumes marinés dans une saumure, le terme « pickle » évolue pour désigner une situation complexe, voire inextricable. Selon Leah Demathieu, Américaine francophile et professeur de langues à Laney College à Oakland, Californie, « ce clin d’œil culinaire au « pickle » qui fait aussi référence au relish (hâchis de légumes macérés), accentue l’idée de confusion et d’impasse, symbolisant une situation situation où l’on se retrouve englouti et dont il est difficile de se dépêtrer. »
Équivalents en français : « Être dans le pétrin », « Être dans la mouise », « Être dans de sales draps »
Vous a-t-on déjà demandé votre « John Hancock » ? Le « John Hancock », c’est la signature qui claque ! Un paraphe XXL, un trait d’encre qui en impose, comme si l’on signait un chèque à six zéros les yeux fermés. Un clin d’œil à l’histoire et, surtout, une signature audacieuse qui ne passe jamais inaperçue.
Origines : Tout commence en 1776, lorsque John Hancock, président du Congrès Continental, appose une signature si démesurée sur la Déclaration d’Indépendance des États-Unis qu’elle vole la vedette au document lui-même. La légende raconte qu’il aurait lâché, avec malice : « There, I guess King George will be able to read that ! » Depuis, « John Hancock » est devenu le symbole d’une signature pleine de panache, une manière de briller noir sur blanc.
Équivalents en français : « Mettre sa griffe », « Apposer sa signature »
Avez-vous déjà tenté de retenir un chat dans un sac contre son gré ? Une seconde d’inattention, et hop, le voilà qui bondit, incontrôlable ! « Let the cat out of the bag », c’est exactement ça. Une fois que le secret a fuité, impossible de l’arrêter. Trop tard, le chat s’échappe, la rumeur enfle, et vous vous retrouvez là, penaud, avec votre sac désespérément vide, accusé d’avoir vendu la mèche !
Origines : Bien que la métaphore semble évidente, l’expression renvoie à un adage du XVIᵉ siècle « buying a pig in a poke » (« acheter un cochon dans un sac »), symbole d’aveuglement et de duperie. Elle aurait émergée d’une vieille ruse commerciale des marchands de bétail britanniques. Au Moyen Âge, certains forains peu scrupuleux, vendant des porcelets dans des sacs, les remplaçaient discrètement par des chats au moment de la transaction. La supercherie n’était découverte qu’à l’ouverture du sac, trop tard pour réclamer justice.
Équivalents en français : « Vendre la mèche », « Lâcher le morceau », « Révéler le pot aux roses », « Laisser éclater la vérité au grand jour »
« Break a leg » n’est pas une invitation à la casse, mais une manière bien théâtrale de souhaiter bonne chance ! Plus qu’un simple encouragement, cette expression est l’antidote aux superstitions scéniques, l’équivalent de notre célèbre formule à cinq lettres. Bien qu’elle se soit étendue à d’autres domaines, elle conserve son super pouvoir : détourner la malchance pour attirer le succès.
Origines : Plusieurs théories tentent d’élucider l’origine de cette mystérieuse expression. L’une d’elles remonterait à la Grèce antique, où des spectateurs surexcités pouvaient se blesser en frappant des pieds ! D’autres hypothèses évoquent les saluts des acteurs, le geste de ramasser l’argent jeté sur scène, ou encore cette phrase lancée à tue-tête par les doublures des années 1920, afin d’attirer la chance et décrocher un rôle. Enfin, l’histoire de l’acteur David Garrick, qui, malgré une fracture, poursuivit sa performance, renforce l’idée que, même dans la douleur, le show must go on !
Équivalent en français : « Merde ! »
Si l’habit ne fait pas le moine, la couverture ne fait pas le livre ! « Don’t judge a book by its cover », c’est l’art d’éviter les jugements hâtifs. Qu’il s’agisse d’un vieux grimoire aux allures de manuel de compta, d’une personnalité flamboyante ou d’un restaurant miteux, il faut toujours se méfier des apparences, sous peine de passer à côté d’une pépite… ou de se faire avoir sur la marchandise.
Origines : George Eliot pose les bases de cet idiome dès 1860 dans The Mill on the Floss, où son personnage Maggie Tulliver met en garde contre les couvertures trompeuses. L’expression refait surface en 1944 dans American Speech sous la forme « You can’t judge a book by its binding », avant d’être popularisée en 1946 par le polar Murder in the Glass Room d’Edwin Rolfe et Lester Fuller. Un adage intemporel, à méditer avant de tirer des conclusions trop hâtives !
Équivalents en français : « L’habit ne fait pas le moine », « Tout ce qui brille n’est pas or », « Les apparences sont parfois trompeuses », « Ne jamais se fier aux apparences »
Comme son nom l’indique, « Out of the blue » surgit de nulle part. Un peu comme cet appel inattendu d’un ex dont vous n’avez pas eu de nouvelles depuis 20 ans, qui débarque en grand prince « juste pour prendre des nouvelles ». Un véritable coup de théâtre ! Un poil irréel, pour ne pas dire déstabilisant.
Origines : Inspirée de la formule « A bolt out of the blue » (« un éclair tombant du ciel ») dans The French Revolution(1837) de Thomas Carlyle, cette expression fait son entrée dans la langue anglaise sans crier gare. Certains y voient un écho aux vers d’Horace, où Jupiter projette ses éclairs dans un ciel bleu éclatant, tandis que d’autres y perçoivent une allusion aux carreaux d’arbalète tombant du ciel sans prévenir. « Qu’elle provienne de l’Olympe ou des champs de bataille, une chose est sûre : « Out of the blue » symbolise l’irruption soudaine et inattendue, l’imprévu dans toute sa splendeur », souligne Leah Demathieu.
Équivalents en français : « Comme un cheveu sur la soupe », « Sans crier gare »
« Don’t cry over spilt milk », c’est l’art de ne pas s’attarder sur ce que l’on ne peut pas changer. Une fois le lait renversé, impossible de faire machine arrière, alors autant ne pas ruminer et se lamenter sur l’irréparable. Un coup d’éponge et on avance !
Origines : Voici un sage conseil et une invitation au lâcher prise ! Tirée du recueil Proverbs (1659) de l’historien James Howell, l’expression « No weeping for shed milk » (« Pas de larmes pour du lait renversé ») a évolué en « There’s no use crying over spilt milk » avant de prendre sa forme actuelle. Selon une légende du folklore européen, le lait renversé n’était pas considéré comme un gâchis, mais comme une offrande aux fées, friandes de ce breuvage, justifiant ainsi l’absence de lamentations.
Équivalents en français : « Le mal est fait », « Ce qui est fait est fait »
« It’s not rocket science » : ce n’est pas sorcier, vraiment. Pas besoin de sortir de Saint-Cyr ou d’être un expert pour comprendre des choses simples, accessibles au commun des mortels.
Origines : Dans les années 1980, un article du Daily Intelligencer introduit pour la première fois la célèbre formule : « Coaching football is not rocket science and it’s not brain surgery. It’s a game, nothing more. ». « Pour comprendre cette expression, il faut se replonger dans le contexte, explique Leah Demathieu. Après la Seconde Guerre mondiale, en pleine course à l’espace, la science des fusées a représenté le summum de la complexité intellectuelle, éclipsant ainsi l’expression populaire “it’s not brain surgery” utilisée jusqu’alors pour désigner une tâche difficile. Cette nouvelle expression a fait mouche et s’est propagée rapidement, désignant désormais toute activité qui, disons-le, ne requiert ni une expertise pointue, ni un QI d’astronaute. ».
Équivalents en français : « Ce n’est pas sorcier », « C’est un jeu d’enfant », « Pas besoin d’avoir fait Polytechnique », « Pas besoin de sortir de Saint-Cyr »
« Once in a blue moon », c’est comme trier ses photos de vacances, décaper son four ou prendre un train de la SNCF à l’heure : tellement rare que même le calendrier s’y perd ! C’est l’équivalent de notre « tous les trente-six du mois » : un phénomène si rare qu’il en devient presque légendaire !
Si cette expression virale vous évoque une lune bleue, détrompez-vous, son origine n’a rien de céleste ! Apparue pour la première fois en 1528 dans un pamphlet anticlérical dénonçant les mensonges de l’Église (« Si on dit que la lune est bleue, il faut y croire »), elle est ensuite associée à la rareté par Pierce Egan dans son roman Real Life in London en 1821. La confusion survient dans les années 1940, lorsque l’astronome amateur James Pruett mélange « blue moon » avec la deuxième pleine lune d’un mois, une erreur relayée et largement popularisée par le jeu Trivial Pursuit. Aujourd’hui, bien que son origine soit un quiproquo astronomique, l’expression désigne un événement extrêmement rare, mais pas aussi extraordinaire qu’on pourrait le croire.
Équivalents en français : « Tous les trente-six du mois », « Tous les quatre matins », « Quand les poules auront des dents »
« Elvis has left the building », je répète : « Elvis has left the building ». À l’origine, cette formule était une simple annonce pour apaiser les foules en délire après les concerts du King, leur signalant qu’il n’y aurait pas de rappel. Aujourd’hui, cette phrase est devenue un symbole de fin, marquant la clôture d’un événement, d’une discussion ou même d’une présence. En d’autres termes, on baisse le rideau.
Origines : L’expression voit le jour en 1956, lors d’un concert d’Elvis Presley, lorsque l’animateur Horace Logan la prononce demande au public de se calmer et de quitter les lieux. Mais c’est Al Dvorin, l’annonceur attitré d’Elvis, qui en fait sa signature, répétant cette phrase à la fin de chaque concert comme un adieu définitif aux fans hystériques. Avec le temps, l’expression se dote même d’un verbe, « to Elvis », signifiant partir discrètement. De la scène à la culture populaire, notamment dans la série « Frasier », elle perdure comme le symbole d’une sortie mémorable.
Équivalent en français : « Fin de partie », « Circulez, il n’y a rien à voir ! »