Un couple divorce. Une garde d’enfant disputée. C’est le quotidien de nombreuses familles. Mais la manière qu’a le réalisateur Xavier Legrand de raconter ces drames du quotidien est réellement inédite. Son premier long-métrage, “Custody” (“Jusqu’à la garde”), qui lui a valu les prix de la mise en scène et du meilleur premier film à Venise, sort dans plusieurs villes américaines (voir le calendrier et les lieux des sorties).
Une diffusion rendue possible par le distributeur américain Kino Lorber, qui a eu un véritable coup de coeur pour ce film lors de la Mostra de Venise. “Pour un premier long-métrage, avec des acteurs méconnus aux Etats-Unis et un sujet difficile, c’est rare”, s’étonne toujours le réalisateur de 39 ans. “Je pensais que c’était un film très (trop) français.” A son plus grand étonnement donc, il a été invité à parcourir les Etats-Unis pour le présenter dans de multiples festivals (dont le festival de films français Colcoa à Los Angeles), et fut encensé par le New York Times, qui consacre “son habilité à manier la peur et le suspense”.
En effet, une tension insoutenable accompagne le couple Besson, en plein divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam (interprétée par Léa Drucker) en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père, Antoine (Denis Ménochet). Mais Julien, le plus jeune des deux enfants, se retrouve pris en otage entre ses parents…
“Je voulais retrouver la tragédie grecque dans un sujet contemporain, avec une histoire passionnelle, de la vengeance… Je l’ai trouvée dans la violence conjugale”, assure l’acteur de formation. Il a enquêté sur le sujet, en se rendant sur le terrain (groupe de paroles, nuit avec police-secours). “Je suis rentré dans la peau de la violence conjugale pour en parler autrement”. De ses recherches est d’abord né le court-métrage “Avant que de tout perdre”. Dans “Jusqu’à la garde”, l’enfant, “une victime très souvent oubliée”, est central pour Xavier Legrand, qui préfère le terme américain de “domestic violence” à celui de violence conjugale. “Le film repose sur un débat : est-ce qu’un parent violent est un bon parent ? La parentalité et la conjugualité sont liées.”
Des silences expressifs
Au travers de sa narration, “Custody” est souvent comparé à un thriller, mais sans la composante “horreur”. “Dans ce type de film américain, il y a normalement de la musique et des montages musclés. Ils sont absents dans “Custody”, qui est un thriller du quotidien”. Avec une subtilité qui lui est propre, il cherche à faire ressentir une violence cachée. “Pour cela, il ne faut pas forcément la montrer, mais montrer à quel point il est difficile d’en sortir“, argue-t-il, qualifiant les violences d’“infilmables”. Il montre “l’emprise et la destruction” via une mise en scène épurée qui joue sur le temps réel et les silences, “à la différence des films français souvent jugés bavards”.
Son style a séduit le public américain. “Le patriarcat est un sujet universel”, admet Xavier Legrand. D’autant plus qu’il trouve une résonance avec l’actualité qui a ébranlé Hollywood – l’affaire Weinstein- revisitant l’histoire de la domination masculine au travers du prisme de la parentalité.
Même si son succès soudain ne le laisse pas de marbre, le jeune réalisateur garde la tête sur les épaules. Approché par un agent américain, il ne se sent pas encore prêt pour une carrière outre-Atlantique, préférant prendre son temps et “améliorer (son) anglais”. En attendant, il poursuit sa carrière d’acteur de théâtre et plonge dans la préparation de son second long-métrage, une comédie noire. “J’ai tourné la page de la violence conjugale.”