Il est possible, pour les Français d’outre-Atlantique qui ne peuvent pas se rendre aux urnes le jour du scrutin (samedi 23 avril pour le second tour de l’élection présidentielle, les 4 et 18 juin pour les législatives), d’établir une procuration. Une procédure simple a priori (voir le mode d’emploi à la fin de cet article), mais qui semble peu adaptée à l’immensité du territoire des Etats-Unis. Car si la demande peut s’effectuer en ligne ou sur papier, elle doit, dans les deux cas, être validée en personne auprès du consulat dont l’électeur dépend. Cette année, « sur 135 000 inscrits sur l’ensemble des circonscriptions consulaires, environ 40 000 Français ont voté », rapporte Pascal Confavreux, conseiller presse de l’ambassade de France aux Etats-Unis. « 10% d’entre eux l’ont fait par procuration », ajoute-t-il.
Julie, installée dans le Tennessee, est rattachée à la circonscription d’Atlanta. « J’ai appris la semaine dernière qu’il n’y aurait pas de bureau de vote dans mon Etat », déplore-t-elle. Elle avait pourtant « interpellé le consulat en amont, faute d’informations disponibles ». Pascal Confavreux rappelle « l’évidente impossibilité de mailler un territoire comme les Etats-Unis de la même façon qu’en métropole. Le choix de la localisation des bureaux de vote essaie de répondre au mieux à la réalité de l’implantation des communautés françaises », poursuit-il, reconnaissant « qu’il existe des cas lointains, que les autorités entendent bien ».
De nombreux Français semblent avoir découvert sur le tard que le bureau de vote auquel ils devaient se présenter était particulièrement éloigné de leur domicile. Pourtant, « les adresses des bureaux de vote, définies par l’arrêté du 23 mars 2022, n’ont pas été communiquées plus tard qu’en France », souligne Pascal Confavreux. « L’information est disponible sur les sites internet et réseaux sociaux des consulats généraux depuis cette date et a été transmise avec les convocations. » Certains consulats ont en effet publié lesdites adresses dès la fin du mois de mars, mais, dans l’ensemble, les convocations envoyées par mail (reçues en moyenne début avril) et par courrier (souvent reçues, selon de nombreux témoignages, après le premier tour du scrutin) ont pris du retard. Depuis le Wisconsin, Fanny a été appelée à voter au consulat de Chicago, « à peu près à trois heures de route », et n’a reçu les informations « que le dimanche qui précédait l’élection ». Au départ, elle envisageait une procuration en ligne, mais a abandonné en découvrant qu’il fallait tout de même se déplacer pour la faire valider. « Trop compliqué », estime-t-elle, « d’autant plus qu’il fallait prendre rendez-vous. »
« Dans chaque circonscription, plusieurs tournées consulaires ont été organisées », se défend Pascal Confavreux. « Certains consulats, par exemple ceux de New York, San Francisco et Los Angeles, tiennent également des permanences pendant lesquelles les électeurs peuvent se présenter sans rendez-vous. Dans les autres, de nombreux créneaux sont encore disponibles. » Les procurations pouvant être établies jusqu’à la veille du scrutin, il mentionne « un effort particulier sur les derniers jours, durant lesquels les consulats font tout leur possible pour enregistrer les demandes jusqu’au dernier moment ». Les consuls honoraires de nationalité française peuvent également les valider (uniquement en version papier, pas celles effectuées en ligne), auquel cas celles-ci doivent être déposées le plus tôt possible, pour tenir compte des délais d’acheminement par la poste au consulat général, puis des délais de traitement.
Dans le New Jersey, Estelle s’estime chanceuse. Pour sa première élection présidentielle à l’étranger, elle a « voté en personne au premier tour, et fait une procuration pour le second. La demande en ligne a pris moins d’une minute », témoigne-t-elle. Elle s’est ensuite déplacée jusqu’au consulat général à New York, où elle a bien « été reçue sans rendez-vous, mais dans une plage horaire définie ». Mais même en se présentant à l’ouverture, « il a fallu compter plus d’une heure d’attente ».
Julie et Fanny, qui n’ont pas voté au premier tour, ne pourront probablement pas participer au second non plus. « Il faudrait se déplacer en semaine, quand le consulat est ouvert, chose impossible pour quelqu’un qui travaille à plein temps », remarque Julie. Fanny « regrette d’avoir été comptée comme abstentionniste », et pose la question : « pourquoi, en 2022, le vote en ligne ou par correspondance n’est-il pas autorisé ? » Deux options mises en place pour les législatives, mais pas pour la présidentielle. Les éléments de réponse relèvent de la législation française, explique Pascal Confavreux. « Il s’agit d’une décision souveraine du législateur, qui a choisi, pour l’élection présidentielle française, un vote à l’urne ou par procuration. Cela a pu varier par le passé », précise-t-il. « Ce système de vote, qui inclut les citoyens tout au long du processus (les bulletins sont comptés à la main et les scrutateurs recrutés parmi les électeurs), permet notamment l’annonce de résultats rapides et fiables. »
Pour Julie – qui estime qu’au sein de sa communauté, « nombreux sont ceux qui veulent voter » –, le taux d’abstention de près de 80% dans la circonscription consulaire d’Atlanta ne surprend pas, avec seulement trois bureaux ouverts pour six Etats. Même chose à Chicago, où le taux de participation a été inférieur à 30%, avec six bureaux de vote pour treize Etats. « Les électeurs sont rattachés à un bureau de vote en fonction de leur adresse », indique Pascal Confavreux, conscient des difficultés qui existent et qui « font l’objet d’un traitement individuel ». Il évoque à la fois « une dimension de continuité », avec des bureaux de vote qui restent les mêmes d’une élection à l’autre, et « une dimension d’évolution », pour laquelle il invite les Français à se rapprocher de leur consulat. Il rappelle toutefois que, pour ouvrir de nouveaux bureaux, « il faut un certain flux d’électeurs et une équipe ».
Pour faire procuration (en ligne sur maprocuration.gouv.fr ou sur papier en imprimant le formulaire CERFA 14952*03), le mandant doit disposer de son numéro d’électeur (NNE) ainsi que de celui de son mandataire. Ce numéro est indiqué sur la carte électorale des personnes ayant été inscrites en France par le passé, mais aussi sur la carte consulaire, le relevé intégral ou le certificat d’inscription au registre des Français établis hors de France. Il est également possible de le consulter en ligne, en interrogeant sa situation électorale. Si la demande de procuration est faite en ligne, les noms, prénoms et date de naissance du mandataire suffisent. La présentation d’une pièce d’identité française (carte d’identité, passeport, permis de conduire ou carte consulaire avec photo) est obligatoire pour faire valider une procuration – une démarche à effectuer en personne. Enfin, le mandataire devra se déplacer dans le bureau de vote du mandant pour voter au nom de celui-ci. La procuration est, au choix, valable pour un seul ou pour plusieurs scrutins, avec une validité de trois ans maximum.