Les autorités américaines vont-elles enfin lâcher du lest sur l’attribution des visas E (E1 et E2) ? Alors que les négociations entre la France et les États-Unis se poursuivent, le député des Français d’Amérique du Nord, Christopher Weissberg, s’est dit « plutôt optimiste » lors d’une visite à New York à la mi-avril. « Je pense qu’on va trouver un accord. Tout le monde serait gagnant. Personne n’a envie d’embêter les investisseurs français aux États-Unis et les investisseurs américains en France ».
Le dossier est assez important pour qu’Emmanuel Macron l’évoque avec Joe Biden lors de sa visite d’État à Washington en décembre dernier. À l’origine du différend : la décision de l’administration américaine, en 2019, de raccourcir de cinq ans à quinze mois la durée de ce précieux sésame accordé aux entrepreneurs et aux investisseurs étrangers aux États-Unis. Des négociations ultérieures ont pu la rallonger à vingt-cinq mois.
Ce raccourcissement spectaculaire, visant uniquement les Français, a découlé d’un décret signé par Donald Trump en mars 2017 qui a enjoint au Département d’État d’entreprendre une révision mondiale des accords de réciprocité pour les visas non-immigrants. Lors de cet examen, des décalages ont été observés entre les régimes français et américain. En effet, les investisseurs et entrepreneurs étrangers voulant venir en France bénéficient d’un visa de long séjour valide pendant un an qui donne ensuite lieu à l’octroi quasi-systématique d’un titre de séjour « Passeport talent » d’une durée de quatre ans. Soit cinq ans au total. « Les Américains n’ont vu que la première étape d’un an », regrette le député Weissberg (Renaissance).
Dans une déclaration conjointe publiée lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron, les deux pays ont indiqué leur intention de « lancer des discussions sur une simplification mutuelle des procédures d’octroi et de renouvellement des visas ainsi que des autorisations de séjour ». Une annonce qui a redonné de l’espoir aux élus et entrepreneurs qui suivent le dossier.
La France a récemment proposé aux autorités américaines de faciliter les conditions d’obtention du titre de séjour de quatre ans pour éviter aux demandeurs de passer par la case du visa d’un an. Paris a demandé en échange à ce que la validité des visas E soit étendue à quatre ans. « L’admissibilité de la demande est en train d’être examinée par l’administration à Washington », a indiqué Christopher Weissberg. Si la négociation échoue, il envisage de déposer un amendement à la loi immigration pour simplifier ce système. Il faudra ensuite retourner à la table des négociations avec les États-Unis.
Contacté par French Morning, le Département d’État a refusé de commenter les négociations en cours.
Fondateur d’Objectif USA, une société qui accompagne les Français dans leur implantation économique aux États-Unis, Sylvain Perret espère que les autorités américaines changeront de position. L’entrepreneur basé en Floride fait partie d’un groupe de travail qui a poussé le président Macron à mettre le sujet des visas E sur la table lors de sa rencontre avec Joe Biden. Pour lui, leur rabotage a eu « un effet dissuasif clair » sur l’entrepreneuriat français sur le sol américain. « En août 2019 (mois de l’annonce du raccourcissement, ndr), j’ai perdu 80% de personnes intéressées », se souvient-il, lui est venu aux États-Unis en 2010 avec un visa E. « Avoir cinq ans ou deux ans devant soi pour montrer une entreprise ou en reprendre une, ce n’est pas du tout la même chose ».
Si la courte durée peut décourager, les renouvellements plus fréquents aussi. En plus de devoir s’acquitter de frais de dossier en augmentation, passés récemment de 205 à 315 dollars, les demandeurs travaillent souvent avec des avocats qui peuvent s’avérer onéreux pour de jeunes entreprises. « Serais-je venu aux États-Unis dans de pareilles conditions ? Pas certain », souffle Sylvain Perret.
Bien que les présidents Biden et Macron semblent soucieux de sortir de l’impasse, Christopher Weissberg se garde de mettre la charrue avant les bœufs de l’administration. « Si la négociation fonctionne, la mise en œuvre de la solution peut prendre des mois. Si cela ne marche pas, il faudra changer la loi et cela peut prendre plus de temps ».