“En ce moment, j’ai l’impression d’être un funambule qui avance les yeux bandés. Et avec du vent en pleine face en plus“. Matthieu Cognet a le sens de la formule pour décrire son statut actuel. Le Français lauréat ou finaliste de plusieurs concours réputés, qui terminera en mai un doctorat de piano à l’université Stony Brook (Long Island), fait surtout référence à son visa: le F-1. “Un cadeau empoisonné, dit-il. C’est à la fois beaucoup et pas grand chose. Il m’a permis de découvrir les Etats-Unis mais, en même temps, il a plein de contraintes“.
On confond facilement le J-1, utilisé pour des séjours d’échanges notamment, avec le F-1. Ce dernier est attribué aux étrangers qui étudient dans un établissement académique américain, que cela soit une école primaire, une université ou un conservatoire. Obtenir le F-1 est “facile“, selon Matthieu Cognet. Pour le décrocher, il faut être inscrit dans un programme ou une école reconnue par le gouvernement américain et offrant, au terme du cursus, un diplôme ou une certification.
Les Etats-Unis étaient un rêve distant pour le jeune homme originaire de Fresnes (Val-de-Marne). À l’âge de 9 ans, après avoir entendu un morceau de piano lors d’une visite chez le médecin, Matthieu Cognet se lance dans les cours. “C’est relativement tard dans l’univers du piano“. Rapidement, il se découvre des prédispositions. En 6ème, il entre au conservatoire de sa ville et saute des classes. “Je n’étais poussé par personne. J’ai travaillé très naturellement mon instrument. Personne dans ma famille n’est musicien“. À 13 ans, il joue le Carnaval de Vienne de Schumann et le premier Impromptu de Chopin, deux morceaux connus pour leur complexité, et, à 15 ans, sort du conservatoire avec “une médaille d’or“.
Mais, malgré ses talents, il s’oriente vers la médecine et intègre la prestigieuse fac Necker à Paris avec un bac S en poche. Comme de nombreux étudiants, il redouble sa première année – “Je voulais sauver le monde sans apprendre la chimie organique!“, s’amuse-t-il. Il décide alors de se consacrer à la musique plutôt que de rempiler.
Après le Conservatoire de Paris, il entre au Conservatoire royal de Bruxelles, d’où il sort premier de sa promotion. Les Etats-Unis sont dans un coin de sa tête. “J’ai toujours eu le rêve impossible d’étudier aux Etats-Unis, mais je n’ai pas eu le cran. J’étais timoré et introverti“.
Le virtuose croise le chemin du visa F-1 en 2008. “À l’époque, j’ai connu un frein dans ma carrière. J’avais fini mes études à Bruxelles, fait des concerts, puis j’étais retourné en France où j’enseignais dans un conservatoire de banlieue miteux, se souvient-il. Je me suis dit que j’allais tenter un perfectionnement aux Etats-Unis car je ne savais pas où aller. Je voulais vivre le rêve américain dans toute sa naïveté et sa splendeur“.
Il frappe à la porte de plusieurs établissements, dont la fameuse Juilliard School à Manhattan où il est admissible mais finalement pas admis, et rejoint Indiana University Bloomington pour obtenir un “Performer Diploma” en piano. “J’avais envie d’être sur la côte est mais je finis dans le midwest!, plaisante-t-il. J’ai vécu la vie de ‘college’ américain à 26 ans“.
S’il est facile à obtenir, le F-1 ne vient pas sans contraintes. La première année, les titulaires ne sont pas autorisés à travailler en dehors du campus. Après, ils peuvent accepter du travail hors université dans le cadre de deux programmes: le CPT (Curricular Practical Training) et l’OPT (Optional Practical Training), qui s’étendent tous deux sur un an maximum. Le premier est une autorisation de travail à temps plein ou partiel destinée à acquérir une expérience professionnelle avant l’obtention du diplôme, tandis que le second, plus connu, peut être réalisé avant ou/et après la “graduation”. “Il faut que ça soit directement lié à votre “major”. Pour ma part, je ne pouvais pas travailler au Starbucks ou faire du violon par exemple“.
Une histoire d’amour aidant, Matthieu Cognet décide de s’envoler pour New York pour effectuer son OPT. Il travaille comme pianiste-accompagnateur dans des écoles de musique, enchaîne les concerts, ses premiers aux Etats-Unis… L’aventure dure un an.
Puis, il rentre en France pour mieux revenir un an plus tard. Il doit ce retour à un nouvel F-1 attribué, cette fois, pour un doctorat à l’université Stony Brook sous la supervision de Gilbert Kalish, pianiste réputé dans le milieu, trois fois nommé aux Grammy. “Je voulais être docteur en médecine. Je serai docteur en autre chose, sourit-il. Le département de musique est très riche car le corps enseignant est exceptionnel. Ce sont tous des lauréats de Grammy Awards. C’est l’anti-chambre de toutes les meilleures écoles de musique“.
En attendant son recital de fin d’année, qui fait office de soutenance, le Français prépare déjà sa vie post-F-1. En plus de concerts, il a fait une transcription de “La Valse” de Ravel qui, certes, “n’est pas Harry Potter en termes de royalties“, mais qui permet d’associer son nom à une publication. Utile pour faire, par exemple, une demande de visa d’artiste O-1, tremplin vers la carte verte. “Il me manque ce statut de résident pour me permettre de me développer encore plus“, lance celui qui rêve de concerts en Europe tout en étant basé aux Etats-Unis. “J’ai atteint un point de non retour”, dit-il. La faute au F-1.
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Meme en etant CITOYEN US on doit repondre a ceetaines questions, il fautmjouer le jeu et repondre honnetement et intelligemment et ne pas croire que l on est immune parce que on est universitaire ou autre. Il faut etre smart et ne las arriver avec pretentions. Oui, etr payer pour faire une conference aux USA, a mon avis tout Frnqcais devraiet oayer des taxes aux USA etc