Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel.
Aujourd’hui, le témoignage d’Amélie qui a dû sortir de sa zone de confort pour se trouver un projet.
« Lorsque j’ai vu l’annonce postée par le Consulat, je me suis dit que le job était fait pour moi : une responsable événementielle. Bon, c’était un peu éloigné du métier que j’exerçais en France, médecin anesthésiste, mais j’avais toujours été très bonne pour organiser des anniversaires. C’était bon signe, non ?
Évidemment, en tant que médecin, je n’étais pas exactement rompue à la pratique de la lettre de motivation. Mais je me suis documentée et j’ai rédigé une lettre superbement motivée. “Cliquez sur ‘envoi'”. J’étais sûre d’avoir une réponse dans la semaine.
J’avais suivi mon mari et j’ai vite compris qu’il me manquait un projet. Celui d’améliorer mon anglais, d’accompagner nos trois enfants à leurs activités et de découvrir la ville ne me suffisait pas. J’ai contacté une agence d’intérim et j’ai rapidement obtenu des missions de remplacement à Paris. J’étais ravie. Je gardais un pied dans ma ville et un lien avec ma famille. Sauf que c’était fatigant, ces allers-retours. Et puis, pas très intéressant : en tant qu’intérimaire, vous n’avez presque aucun contact avec le patient. Vous enchaînez les anesthésies.
Je n’avais pas d’équivalence pour exercer ici. Des copains l’avaient passée. Le processus est quand même assez long, avec sa batterie de QCM, ses simulations à l’hôpital. Mon mari et moi n’envisagions pas de rester suffisamment aux États-Unis pour que ça en vaille la peine.
Alors, ce job dans l’événementiel ? Je n’ai reçu aucune réponse du Consulat. J’étais un peu vexée.
Heureusement, l’ONU cherchait un “médecin du travail”. Exactement dans mes cordes. Dans le cadre de nos précédentes expatriations, j’avais exercé des missions assez proches. J’ai postulé en ligne, absolument certaine d’avoir un entretien… que je n’ai pas eu. Cette fois, je n’étais plus vexée. Plutôt désespérée.
Et puis, la magie de New York a opéré. Je faisais partie de l’association Accueil New York qui met en relation les expats français. Quelqu’un m’a donné le contact d’une chercheuse à Columbia qui pourrait peut-être me proposer un stage à l’issue duquel je décrocherais un job de “postdoc” (postdoctorat). Je lui ai envoyé un mail, avec un peu moins de certitudes que mes courriels au Consulat ou à l’ONU, parce que, à la vérité, je n’avais aucune expérience dans la recherche. Et pourtant… j’ai reçu une réponse, un “oui” ! Enfin !
Quelle fierté pour mon premier jour d’arborer fièrement mon badge de Columbia. J’avais l’impression d’entrer dans le Temple de l’Intelligence.
J’ai beaucoup aimé cette expérience, parmi tous ces jeunes chercheurs dans une ambiance très cosmopolite, à l’image de New York, même, ou peut-être surtout, parce que cela m’a demandé de tout recommencer à zéro. Quel temps j’ai passé à essayer de comprendre les protocoles de recherche ! Quel enrichissement ! C’était aussi très intéressant pour moi de participer à la vie des chercheurs sur un campus américain, de comprendre la difficulté pour un directeur de laboratoire d’avoir à trouver des fonds pour financer ses recherches. Cette expérience m’a transformée.
Je crois que c’est essentiel d’avoir un projet quand on vit à New York. Pour moi, le job importait peu. J’étais prête à me lancer dans n’importe quelle activité, parce que c’est ça l’expatriation, c’est ça New York ! Une vie d’opportunités.
Finalement, nous ne sommes pas restés. J’ai dû interrompre mon stage. Nous voici partis pour Saint-Martin où l’hôpital m’a accueillie les bras ouverts (ça fait du bien) sans avoir à passer d’entretien, sur mes seules références.
Je ne m’étais jamais vraiment confrontée au monde du travail ni “vendue”. Je ne suis pas certaine d’être la meilleure à ce genre d’exercice et mon expérience new-yorkaise m’aura, entre autres, servi à ça. »
La réponse de French Morning
Merci pour votre témoignage, Amélie. Vous soulevez la question « d’avoir un projet » lorsque l’on est le conjoint qui accompagne. Sans projet, surtout dans une ville comme New York dans laquelle tout le monde semble tout le temps occupé, on risque de tourner en rond. Mais dans le même temps, passer son temps à se projeter peut également vous faire passer à côté du moment présent.
Il faut donc essayer de trouver un compromis entre les deux, comme nous l’explique Charles Pépin, l’auteur de Les vertus de l’échec, dans un article de Philosophie Magazine.
“Comme l’a montré Jean-Paul Sartre, la conscience humaine se projette naturellement vers demain : être, c’est être un « projet », sans cesse jeté au-devant de soi. Espérer revenant à se projeter vers un avenir plus souriant que le présent, on pourrait craindre que la fin d’une telle projection empêche de vivre. Pourtant, ne plus espérer peut aussi signifier que nous pouvons consentir à notre présent, même imparfait, que nous sommes capables de ce « grand oui à la vie » dont parle Nietzsche. Dire oui à la vie, c’est dire oui au bon comme au mauvais, au bien comme au mal, à nos réussites comme à nos fiascos : c’est dire oui au présent, et c’est peut-être cela, « vraiment vivre ». Une telle puissance affirmative exclut alors l’espoir, puisque nos forces doivent être tournées vers cette approbation de l’ici et du maintenant, non détournées de ce noble but et dirigées vers l’avenir. (…)
Finalement, lorsque nous traversons un moment difficile, nous avons deux ressources : une d’espoir, de projection dans l’avenir, salutaire quand la souffrance est trop grande, et une de joie, pas toujours disponible mais capable de rendre provisoirement l’espoir inutile. La joie est une émotion passagère, imprévisible. Quant à l’espoir, s’il dure un peu plus longtemps, il est également assez capricieux. Ne nous privons donc ni de la première ni du second. Sachons les accueillir lorsqu’ils se présentent. Se sentir capable de dire oui à son sort, même lorsqu’il est pénible, n’empêche pas, l’instant d’après, lorsque notre force vient à manquer, d’espérer une vie meilleure et de trouver dans cet espoir de quoi se réchauffer l’âme et le cœur.”
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