Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel.
« Je ne vous dirai pas mon nom ni celui de la ville où j’habite aux États-Unis. Je vous écris depuis mon mail secret, impossible à tracer. Le même que j’utilise pour correspondre avec mon amant. Mon amant américain.
Personne ne sait. Pas même ma meilleure amie. Je risque trop. Je risque gros. Ma famille et mon job. Le combo fatal. Que me resterait-il ?
Mon amant est marié lui aussi. Il a des enfants comme moi. Et ni l’un ni l’autre n’avons envie de tout détruire. À moins que ce ne soit le manque de courage. Alors on vit ce que des milliers de couples illégitimes ont vécu avant nous.
On se cache. On triche. On ment.
Mais je suis rongée par le désir de dire, de raconter, de me confier ! Comme une criminelle !
Je ne vais pas prétendre que je n’étais pas prête à une aventure. D’ailleurs, j’ai eu une aventure, avant.
Je ne fréquente pas la communauté des Français. Mais là, j’avais fait une exception. Il repartait. Ça s’est passé le dernier soir avant son départ. Je ne risquais rien. Nous nous sommes embrassés seulement. Mais c’était une porte ouverte.
En relisant ce que j’écris, j’ai l’impression que tout était prévu, calculé, alors que pas du tout. Je n’ai rien vu venir.
R. – appelons-le « R » – est américain. Et vous savez comment ça se passe au travail : une main sur l’épaule et c’est la plainte pour harcèlement. D’autant que R. est mon supérieur hiérarchique indirect. Je prenais sa chaleur et son enthousiasme pour cette propension des Américains à être toujours positifs. Alors cette main sur mon bras, non, je n’ai pas porté plainte. Si j’étais troublée, c’était ma « faute », ma culpabilité. Nous partagions beaucoup de moments agréables. J’aimais sa compagnie, son humour et… ses mains, donc. Nous nous savions mariés, mais il s’est quand même jeté à l’eau. Je l’ai trouvé très franc.
Il m’a dit « Écoute, je dois te dire, je t’aime, voilà. C’est aussi simple que ça. »
Nous avons commencé une relation qui, comme beaucoup de liaisons, s’est avérée passionnée, tumultueuse, avec de grandes joies, mais aussi beaucoup de culpabilité. Des deux côtés, je pense.
Récemment, j’ai abordé la question du divorce. Juste, pour savoir où il en était.
Et il a eu cette phrase…
« Je ne peux pas me le permettre. »
Il voulait dire financièrement. La famille de sa femme est dans le juridique. Je ne peux pas lui en vouloir. Là encore, il a été très franc. Et moi ? Est-ce que j’étais prête à refaire ma vie dans un pays qui n’est pas le mien ? Me couper de ma famille qui retournera, sans doute un jour en France ?
Tout cela devrait s’arrêter. Nous pourrions arrêter de nous voir. Je suis sûre que c’est possible. Je suis prête. Le désir finira bien par s’éteindre.
Mais alors pourquoi j’ai la sensation de ne pas être en vie dès que je suis loin de lui ? »
La réponse de French Morning
Merci pour votre témoignage. Nous avons déjà parlé de la culpabilité (avec le témoignage d’Alexis), alors voyons aujourd’hui ce que dit Michelle Larivey dans La puissance des émotions sur l’expérience du désir.
À quoi sert le désir ?
Le désir est une émotion d’anticipation au même titre que la peur. Mais il s’agit de l’opposé de la peur.
Désirer, c’est anticiper un plaisir et s’en réjouir d’avance. Le désir consiste à imaginer une situation concrète qui nous procurerait du plaisir, de la joie, de l’enchantement, et éprouver de l’excitation dans l’attente de sa réalisation.
Nous parlons du désir en tant qu’émotion, lorsque le plaisir anticipé, soit l’excitation, est relativement intense. Tout comme il est question de peur lorsque l’imagination provoque une poussée d’adrénaline; sinon, il s’agit d’appréhension, de crainte.
Lorsque j’éprouve un désir pour une situation connue, par exemple un contact avec quelqu’un qui m’est agréable, le plaisir qui accompagne mon désir est un plaisir « à l’idée de » c’est-à-dire par anticipation. Pour cette raison, la situation vécue est souvent différente de la situation imaginée. Mon désir s’attache en effet à ce que j’aimerais voir se produire, et non à tout ce qui pourrait arriver.
Que faire avec le désir ?
Que la situation désirée ne corresponde pas toujours exactement à la réalité n’enlève rien au fait que le désir est un sentiment extrêmement précieux. Ceux qui le perdent, dans un domaine ou dans un autre, se plaignent d’ailleurs de la tiédeur qui le remplace. N’est-ce pas le cas des gens blasés, désabusés ? Le désir m’informe d’un besoin, d’une aspiration, de conditions de satisfaction, de valeurs. Mes désirs sont une prolongation de ma personne, car ils révèlent mes besoins, mes aspirations et toutes sortes de choses qui comptent à mes yeux. Pour cette raison, le désir est un moteur pour la poursuite de mes aspirations, la recherche de l’équilibre et de la satisfaction.
Vivre avec nos désirs peut être exigeant, car nous devons parfois déranger pour les assumer. De plus, les désirs sont souvent couronnés de déceptions. Ceux qui choisissent de mettre leurs désirs de côté pour éviter de déranger ou d’être déçus ne savent peut-être pas qu’ils sabrent dans leur vitalité.
En complément de cette remise en perspective, écoutons les conseils d’Esther Perel, thérapeute du couple et de la famille qui vit à New York, auteure, entre autres, du sulfureux mais très interessant Je t’aime je te trompe.
« Je ne compte plus les gens qui me racontent leurs aventures extra-conjugales en employant des termes similaires : ils sont comme ressuscités, rajeunis, redynamisés, métamorphosés, vivants, libérés. Et beaucoup expliquent que cela leur est tombé dessus sans prévenir, sans qu’ils aient eu conscience avant d’un tel manque dans leur vie. Le sentiment d’être vivant est rarement le motif explicite d’une liaison – très souvent, les personnes concernées ne savent pas vraiment pourquoi elle a commencé -, mais c’est souvent la raison d’être inattendue qu’elles lui trouvent. Durant les dix ans que j’ai passés à étudier l’amour rebelle, j’ai entendu ces propos partout dans le monde. L’infidélité est intrinsèquement érotique, dans le sens ancien du mot éros, qui désigne l’énergie vitale.
Quand je demande aux gens ce qu’ils entendent par « être vivant », ils me dépeignent une expérience aux multiples facettes. Le pouvoir, la reconnaissance, la confiance en soi et la liberté en sont les composantes les plus répandues. Ajoutez à ça l’élixir de l’amour et vous obtenez un cocktail enivrant. Il y a l’éveil ou le gel sexuel, bien sûr, mais ça ne s’arrête pas là. Les personnes concernées décrivent une sensation d’étouffement faisant place à une sensation de mouvement, l’apparition de possibilités dans une vie qui jusqu’alors suivait un chemin prévisible, un déferlement d’émotions là où tout leur paraissait morne. J’ai fini par qualifier ces liaisons d’existentielles, parce qu’elles touchent à l’essence de la vie même.
Quel que soit le jugement porté sur leurs conséquences, elles ne sont pas frivoles. Leur pouvoir est souvent aussi déroutant pour les partenaires infidèles que pour les partenaires trompés. Mais parce qu’on m’a raconté tant de fois la même histoire, je sais que cette folie a quelque chose de méthodique, comme un mystère sous-jacent propre à la nature humaine qui pousse les gens à des transgressions inattendues, et je me fais souvent l’effet d’être mi-thérapeute, mi-philosophe lorsque j’explique aux couples les paradoxes existentiels qui rendent l’inconcevable tout à fait logique. »
📆 Retrouvons-nous dans 15 jours avec l’histoire de Zoé.
✉️ En attendant, envoyez-nous vos histoires et vos questions à l’adresse : [email protected].