Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel. Illustration Clémentine Latron.
Aujourd’hui, deux histoires : celle de Marie-Amélie et de sa fille Lucie qui ont décidé de revenir en France. Nous commençons par le récit de Marie-Amélie et celui, dans quinze jours de Lucie.
« Après vingt-cinq ans passés aux États-Unis, j’ai ressenti le besoin de rentrer en France. Avec le temps, mon rythme effréné, cette sensation de mouvement constant a fini par me fatiguer. Vivre à Los Angeles, puis à New York, m’a apporté beaucoup, mais jamais cette stabilité, ce sentiment d’ancrage que j’associe à la France.
Quand je suis arrivée aux États-Unis, c’était un saut dans l’inconnu. Les premières années ont été marquées par des défis énormes : les démarches pour obtenir mes papiers, les attentats du 11 septembre, les ouragans… À chaque nouvelle crise, j’ai dû m’adapter. Pendant longtemps, je n’avais pas de véritable soutien, et ce n’est qu’avec les années que j’ai réussi à construire une vie plus stable. New York m’a offert de belles opportunités, et j’ai fini par m’y créer un réseau, surtout grâce aux groupes d’expatriés que j’ai rejoints. Mais malgré cela, il y avait toujours ce sentiment de ne pas être totalement chez moi.
Je me suis souvent demandée pourquoi cette impression persistait. Je crois que c’est parce qu’aux États-Unis, je me sens comme si j’étais toujours en sneakers, prête à avancer, à marcher ou à courir. En France, je me vois plutôt en chaussons, cherchant cette tranquillité que je n’ai jamais vraiment trouvée en Amérique. Le rythme de vie là-bas convient sans doute à ceux qui veulent toujours aller de l’avant, mais pour moi, à ce stade de ma vie, je cherche quelque chose de plus apaisant.
J’ai fini par décider de revenir en France pour plusieurs raisons, et l’une des plus importantes était le bien-être de ma fille Lucie. Le système scolaire à New York, axé sur l’excellence académique, n’était pas fait pour elle. Lucie a des besoins différents, et elle rêvait de suivre un parcours artistique, un domaine peu valorisé dans son lycée américain. En rentrant à Paris, j’espérais lui offrir un environnement plus adapté, où elle pourrait s’épanouir sans subir cette pression constante.
Mon retour en France a aussi été motivé par un désir de retrouver mes racines. Ici, je me sens chez moi. J’aime les promenades dans les rues parisiennes, l’odeur du pain frais dans les boulangeries, la facilité des transports en commun. Paris me permet de vivre pleinement, avec un accès constant à la culture. Par exemple, récemment, j’ai assisté à une conférence de Boris Cyrulnik et j’ai des projets de sorties au théâtre et de randonnées à Fontainebleau. C’est ce genre d’activités qui me manquait à New York. Là-bas, tout est compliqué et coûteux, même simplement se déplacer pour aller voir une expo ou faire une sortie nature demande une logistique importante.
Bien sûr, tout n’est pas simple. Retrouver mes anciens amis a été une expérience mitigée. Beaucoup d’entre eux sont pris dans leurs propres vies, et je sens bien qu’ils n’ont pas la même disponibilité qu’avant. Paradoxalement, j’ai trouvé un vrai réconfort auprès d’autres expatriés qui, comme moi, sont revenus en France après des années à l’étranger. Nous nous retrouvons pour des sorties, des dîners, et il y a une solidarité naturelle entre nous. Eux aussi sont en train de reconstruire leur vie, et cela crée une dynamique vivante et enrichissante. Alors, oui, refaire son réseau social, réapprendre les habitudes françaises, ce n’est pas toujours évident. Mais le simple fait de pouvoir aller au coin de la rue, d’acheter une baguette, de sentir l’odeur des croissants chauds, ce sont des petites joies qui, mises bout à bout, forment le bonheur de ce retour.
Quant à un futur retour aux États-Unis, je préfère ne pas me projeter pour l’instant. Je retrouve mon mari et mon fils à chaque vacances. Je suis consciente que cette décision implique pour tout le monde des sacrifices. Mais je sais pourquoi je le fais. C’est pour Lucie, pour moi, pour cette envie de retrouver une qualité de vie qui me correspond mieux. »
La réponse de French Morning
Merci Marie-Amélie pour votre témoignage. Dans son article, L’impossible retour ? Céline Flécheux explique les difficultés de revenir dans son pays d’origine. Pour l’auteur, « peu importe les raisons du départ, il implique toujours une rupture avec ce qui est familier, une rencontre avec l’altérité, et une ouverture vers l’inconnu. Cependant, au moment du retour, c’est le familier qui attend, bien que transformé par le passage du temps. Ce qui attend celui qui revient n’a plus l’aspect de l’inconnu. Homère l’a brillamment raconté : rentrer chez soi signifie retrouver un monde ordinaire, où les héros doivent faire face à une ultime épreuve, cette fois au sein de leur propre foyer. Pour ces héros, le véritable défi n’était pas tant de vaincre des ennemis en territoire étranger, mais bien de retrouver leur place parmi leurs proches. À domicile, il n’est plus question de monstres terrifiants ou de défis lancés aux dieux ; il faut réintégrer le quotidien, rétablir son rôle, quitte à recourir à des actes extrêmes pour restaurer sa légitimité.
Mais aujourd’hui, qui prête attention à ceux qui reviennent ? Qui ouvre les bras à l’Ulysse moderne, au fils prodigue, à celui qui semblait perdu mais qui est finalement revenu ? Alors que, par le passé, le retour était marqué par une forte distinction genrée – Ulysse d’un côté, Pénélope de l’autre – cette épreuve du retour touche aujourd’hui l’ensemble de l’humanité et la quête d’un retour heureux – avec la possibilité d’un retour synonyme d’échec – fait désormais partie intégrante de l’expérience humaine. »
📆 Retrouvons-nous dans 15 jours pour l’histoire de Lucie.