Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres et de revues sur l’épanouissement personnel.
Aujourd’hui, l’histoire d’Anne qui anticipe ce que pourrait être sa vie sous la seconde présidence Trump.
« Je vis aux États-Unis depuis plus de vingt ans, dans la banlieue de Chicago. Avec mon mari et mes deux filles, nées ici, nous avons bâti une vie confortable, un quotidien paisible. Pourtant, derrière cette stabilité, quelque chose me ronge. Une angoisse sourde, qui m’étreint depuis des mois et qui, par moments, devient presque insupportable.
Je me souviens de la première élection de Donald Trump en 2016. À l’époque, ce changement brutal m’avait déjà secouée. Les discours clivants, les décisions imprévisibles, cette tension palpable dans l’air… J’avais passé quatre années à me dire que ce n’était qu’une parenthèse, que ce malaise finirait par se dissiper. Et puis, un nouveau président est arrivé, et, un temps, j’ai pu respirer de nouveau, espérer que les choses allaient se stabiliser. Mais aujourd’hui, l’idée d’un retour de Trump au pouvoir réveille en moi des peurs que j’avais voulu oublier.
Rien n’est jamais acquis ici. C’est ce que j’ai compris. Dans ce pays où j’ai choisi de vivre, où j’ai construit ma famille, tout peut basculer d’un jour à l’autre. Les droits fondamentaux, comme l’avortement, sont remis en question sans préavis, comme si le progrès que je croyais définitif pouvait être effacé d’un coup de crayon. Cela me terrifie. Je pense à mes filles, qui grandissent ici, qui se sentent américaines, et je ne peux m’empêcher d’imaginer qu’elles pourraient, un jour, se retrouver privées de droits que je considère essentiels.
Mon mari me répète qu’en cas de besoin, nous pouvons toujours retourner en France. Que rien ne nous oblige à rester. Mais ce n’est pas si simple. Nos filles sont américaines. Elles ont leurs amis ici, leur école, tout leur univers. Quand je leur parle de mes inquiétudes, elles me regardent comme si j’étais une étrangère, une personne un peu excessive, trop préoccupée par des problèmes qui n’en sont pas. Elles ne comprennent pas pourquoi je me tracasse autant pour des choses qui, pour elles, semblent abstraites et lointaines. Et peut-être que j’exagère, peut-être que je dramatise, mais cette insécurité m’étouffe.
J’ai fini par consulter un thérapeute qui m’a immédiatement prescrit des anti-depresseurs. Vraiment ? C’est ça la solution ?
Parfois, je me demande si les autres expatriés ressentent la même chose. Si, eux aussi, vivent cette peur au quotidien d’être à la merci de décisions politiques qu’ils ne contrôlent pas. Même en en parlant avec d’autres, je me sens seule avec cette angoisse, comme si elle faisait partie de moi, un fardeau que je dois porter seule.
Et puis, il y a des jours où je me surprends à rêver de la France, de cette stabilité, peut-être un peu fantasmée. Mais je sais aussi que rentrer ne résoudrait rien. Ce tiraillement, cette inquiétude sont en moi. Et même si j’aime cette vie que j’ai bâtie ici, cette angoisse ne disparaît pas. Alors je continue, jour après jour, essayant de protéger mes filles, de leur offrir la stabilité que je cherche désespérément pour moi-même, même si, au fond de moi, j’ai toujours peur que tout s’effondre. »
La réponse de French Morning
Merci pour votre témoignage, Anne. Si l’on en croit celles et ceux qui ont vécu la première élection de Donald Trump, l’anxiété a gagné nombre de nos compratiotes. Penchons-nous avec Jérôme Palazzolo, psychiatre, sur les causes de l’anxiété :
« L’anxiété, une émotion désagréable caractérisée par une tension interne et des pensées centrées sur des scénarios catastrophiques, peut résulter de plusieurs facteurs.
Les premiers se rattachent à des causes organiques et fonctionnelles. Par exemple, un dysfonctionnement du système nerveux responsable des fonctions vitales.
On peut aussi expliquer l’anxiété à travers la psychanalyse. Plusieurs théories ont été proposées, comme celle de l’attachement (John Bowlby) ou la séparation (Mélanie Klein). Selon ces psychanalystes, les crises anxieuses seraient liées à des angoisses de séparation inconscientes.
Et enfin, l’anxiété peut être de causes cognitives : incapacité à traiter les informations reçues, vision erronée de soi-même et du monde environnant, hyperréactivité psychique et schémas de danger permanent. L’ensemble concourt à un épuisement des stratégies d’ajustement au stress, conduisant à une perte de contrôle et à une vulnérabilité accrue face aux événements de vie négatifs. »
Voyons maintenant ce que propose Antoine Pelissolo, du magazine Sciences Humaines pour combattre l’anxiété :
« Plus on cherche à éviter l’anxiété ou les situations qui la déclenchent, plus on risque d’augmenter et de pérenniser la peur voire la phobie. Le seul moyen de désensibiliser l’anxiété est donc d’en accepter une certaine dose, tout en affrontant les situations, si possible de manière progressive. Il s’agit donc de ne pas obéir à la peur. Pour faciliter cette confrontation, des méthodes simples de relaxation ou de respiration peuvent être bénéfiques, comme la respiration abdominale ou la cohérence cardiaque. Il faut aussi garder en tête que l’anxiété et même la panique ne sont pas dangereuses en elles-mêmes. Si on ne souffre pas d’une maladie cardiovasculaire sévère, on ne risque strictement rien de grave à cause d’un état d’angoisse, ni de mourir, ni de « devenir fou » ! »
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