Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel. Aujourd’hui, Zoé, étudiante, qui s’était fait une fausse image de la vie à New York.
Si vous êtes gentils, vous allez me trouver bien naïve. Et si vous ne l’êtes pas, complètement cruche. Mais voilà, lorsque j’ai décidé de venir à New York poursuivre mes études (un MBA à Columbia), j’étais sûre de trouver une coloc dans l’West Village ou Soho, un truc à la « Friends », des amis pour la vie avec lesquels je partagerais tout.
J’avais un plan. L’amie d’une amie d’un ami qui laissait sa chambre pour un prix d’ami. Elle m’avait dit « Passe me voir dès que tu arrives, on trouvera un moyen de s’arranger. » Prudente, je demandais le loyer de la chambre. « Très en dessous du prix du marché. Il faudra juste me la laisser dans le même état à mon retour l’année prochaine. Ça te va ? » Aucun problème. Je suis une maniaque de la propreté.
J’ai donc débarqué un samedi de septembre avec mes deux énormes valises pour prendre possession de ma chambre à Chelsea. Tout le monde m’a accueillie chaleureusement. C’était tous de brillants étudiants du monde entier promis à un brillant avenir. La chambre était dingue, avec sa propre salle de bains et un accès au roof-top. « Et donc, le prix ? » 2.200$. « Par mois ? » « Non ! » « Ouf ! J’ai eu peur. » « Bah si, par mois ! En vrai, elle est à 2.700 ». Je ne pouvais pas mettre plus de 1.200$. Et encore ! Il ne me restait presque plus rien pour mes sorties et mes cappuccinos à 6$ sans les tips.
Ils ont eu pitié de moi. Ma bienfaitrice a appelé des amis d’amis qui m’ont trouvé une coloc dans East Harlem, mais alors sans Chandler, sans Monica ni Rachel. Une chambre de la taille d’un lit dont la fenêtre ouvrait sur un mur. Des pièges à souris à peu près partout, des cafards de la taille de ma main (je le sais, j’ai dû en jeter plusieurs à la poubelle parce qu’on n’a pas le droit de les écraser). Des types complètement fous qui insultaient les passants près de la bouche du métro… Quand je m’en plaignais, les gens riaient en me disant « Welcome to New York ! »
Je ne sais pas si mes colocs étaient, comme ceux de Chelsea, promis à une brillante carrière, mais j’ai tout de suite posé un verrou à la porte de ma chambre et sangloté plusieurs nuits d’affilée. L’un d’entre-eux adorait se déguiser en poulet pour faire le buzz sur TikTok lorsqu’il se baladait dans les rues de New York. Trop marrant, non ?
Non.
Impossible de changer de coloc pour une vulgaire question de deposit. Eh bien oui : je suis à 800$ près. Évidemment, quand je dis ça ici, tout le monde est mort de rire. Mais voilà : tout l’argent, le mien, celui de ma famille a servi à m’envoyer à Columbia. Je suis fauchée. « Mais alors, qu’est-ce que tu es venue faire à New York ? » m’a répondu, très sérieusement, un étudiant.
C’est vrai que le monde est grand, qu’il existe d’autres villes, d’autres expériences. Mais je suis bloquée ici et ça me rend furieuse. J’ai l’impression de m’être fait avoir. Furieuse contre moi, en fait.
Il ne me reste plus qu’à me promener en dinde pour faire du buzz sur TikTok.
La réponse de French Morning
Merci Zoé pour votre témoignage. Oui, la vie à New York est chère, très chère et nous n’avons malheureusement pas de solutions pour la rendre plus abordable. Mais, comme toujours, le livre de Michelle Larivey La puissance des émotions pourrait vous aider sur les émotions que vous ressentez, et notamment la colère qui, vous concernant, serait même de la fureur.
À quoi sert la fureur ?
La fureur est une forme de colère relativement intense.
Sa particularité est de combiner mécontentement et impuissance. Elle est en effet une forme particulière de colère suscitée par l’impuissance à résoudre un problème. Nous nous considérons alors, à tort ou à raison, comme étant à la merci d’une personne ou d’une situation.
À quoi sert la fureur ?
Comme la colère, la fureur nous signale qu’un obstacle s’oppose à notre satisfaction. Mais en plus, elle traduit notre impuissance devant cet empêchement. Nous croyons être sans moyens devant l’obstacle, et c’est cette incapacité d’agir efficacement qui transforme notre énergie agressive en rage plus ou moins destructrice.
Ma fureur m’indique que je me sens impuissant, dépourvu de pouvoir sur ma satisfaction. C’est peut-être cette conviction qui m’a amené jusqu’ici à « répéter » une façon de faire qui ne mène à rien; ou, au contraire, c’est peut-être le fait de toujours recourir à une manière inefficace de l’atteindre qui me plonge dans l’impuissance. Je me vois de surcroît comme étant à la merci des autres. Je ne peux envisager aucune solution de rechange.
Il est donc essentiel que la personne enragée trouve un exutoire à sa frustration. À défaut de quoi, l’accumulation pourra l’amener à « éclater » dans une action extrême dont les conséquences seront beaucoup plus néfastes pour elle que le soulagement temporaire qu’elle en aura retiré.
Que faire avec la fureur ?
Si elle permet d’exprimer le trop-plein d’émotion, elle ne favorise pas la recherche d’une solution constructive. Mais il est bon, parfois, d’exprimer une fureur trop envahissante : une certaine évacuation de la charge émotionnelle me rend plus disponible; elle me permet de rester en contact avec l’émotion et, ce faisant, de trouver une issue qui me convienne.
Il est toujours important de ressentir ma fureur. La ressentir ne préjuge pas d’une action insensée. Au contraire, cela permet de trouver ce qu’il est approprié de faire pour sortir de l’impuissance.
Pour sortir de l’impuissance, il suffit souvent de prendre les choses en main au lieu de compter sur les autres. Mais lorsque je suis réellement impuissant, il n’y a rien d’autre à faire qu’à l’accepter. Devant certaines réalités existentielles, je suis en effet impuissant et le demeurerai quoi que je fasse. Dans ces cas, il est plus sain de vivre avec mon impuissance et les sentiments qu’elle provoque.
📆 Retrouvons-nous dans 15 jours avec l’histoire d’Emma.
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