Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel.
Aujourd’hui, Valérie nous raconte son mariage et sa séparation.
« Avec Dave, on s’est rencontrés au bar d’un restaurant. On attendait nos tables. Je vivais à LA depuis cinq ans, mon rêve d’adolescente. J’avais commencé par un stage dans l’entertainment et j’y suis resté. Dave était musicien. Pas le genre tatoué et cheveux longs. Plutôt homme des bois, bûcheron. Il composait de la musique électronique et jouait dans des festivals. C’était assez sexy et en même temps, je n’avais pas envie d’un copain qui dépende de moi financièrement. Ma carrière progressait bien. J’avais de l’ambition. Je croyais en l’égalité homme/femme. Je voulais quelqu’un comme moi.
Mais Dave était différent des hommes que j’avais rencontrés auparavant. Il était curieux, cultivé, il connaissait un tas de choses. J’avais besoin de ça. Mes parents sont des intellos, professeurs en université. Dès la première rencontre, ils sont tombés sous son charme. Le fait qu’il plaise à ma famille a beaucoup contribué à mon envie d’aller plus loin.
Je ne voulais pas particulièrement me marier, mais un jour de Saint-Valentin, alors que je me moquais d’une pub pour une bague en disant « Non, mais… qui demande en mariage un jour pareil ? », il m’a répondu « Moi » et m’a tendu la petite boîte. J’ai dit oui.
Le jour de mon mariage, les gens m’ont trouvé maigrie, mauvaise mine. « Tu es malade ? » « Non. Enceinte. » Une surprise pour tout le monde, nous en premier. André est né. On habitait un one bedroom. On a déménagé et pris une nounou.
L’argent a vite été un problème. Sa carrière de musicien n’a pas vraiment décollé et comme il était diplômé d’une bonne université, il est devenu consultant dans l’audit. Il choisissait ses missions pour s’aménager du temps, avec des périodes très intenses, souvent avant l’été. Les week-ends, il jouait ou composait. Il m’avait promis de m’écrire une chanson. Il ne l’a jamais fait.
J’ai perdu un deuxième enfant. Ça a été très dur. J’avais une grosse pression au boulot. David ne m’a pas aidé. J’ai perdu ma foi dans l’égalité homme/femme. C’était une utopie. Dès le premier jour de nos règles, nous nous différencions des hommes. Nous apprenons à planifier, prévoir, anticiper, penser à mille choses. David m’appelait pour tout. « André a vomi. Qu’est-ce que je dois faire ? » Il ne pensait pas aux vacances, aux vaccins, à trouver une école. Je me mettais en colère. Lui, disait que je n’étais pas assez reconnaissante pour ce qu’il faisait.
Car il préparait à manger. Tous les jours. Repas du quotidien comme dîners d’amis. C’était extraordinaire pour moi. Je n’en revenais pas de ma chance.
Je voulais une fille, une petite sœur pour André. Lorsque je me découvre de nouveau enceinte, l’hôpital procède à plein d’examens stressants et fatigants, à cause de ma précédente grossesse. On me considère à risques. Il fallait absolument qu’ils trouvent quelque chose ! Mais ils ne trouvent rien et Charlotte est née. Notre couple disparait sous les couches. Nous ne faisions plus rien ensemble, David et moi. Et moi, beaucoup plus que lui.
Ensuite, j’intègre un studio d’animation français. Au départ, ma double culture me gêne. Mon boss est français. Il est exaspéré par mon optimisme en toutes circonstances. Je fais une petite crise d’identité. Je consulte un pédopsychiatre pour Charlotte qui pousse de grosses colères… comme son père. La professionnelle nous suggère de passer nos repas en famille, si bien que, lorsque l’on se retrouve tous les deux, mari et femme, on ne sait pas quoi se dire. Il n’y a plus rien de naturel. David me reproche de tout critiquer. « Mais non ! Je ne critique pas ! J’observe ! Je constate! » En bonne Française, quoi !
Entre-temps, on a déménagé et on s’est séparés de notre nounou qui prenait en charge tellement de tâches du quotidien… Qui me reviennent. Je râle, je me plains, et en même temps, je fais. C’est plus simple que d’avoir à répéter mille fois : « Tu as inscrit André aux after-schools ? »
La vraie dépression arrive quand on sort du Covid. J’avais tenu jusque-là. Je m’effondre. Impossible de trouver un psy à cette époque. J’aurais dû insister. Je me limite aux antidépresseurs. On entame quand même une thérapie de couple pendant un an. On se reproche la même chose, David et moi : « Tu ne vois pas tout ce que je fais pour toi ! »
David est de plus en plus irritable. L’alcool commence à être un problème. Sa mère meurt. Je comprends que c’est dur. Il décroche une mission de trois semaines assez loin de la maison. Je lui propose de vivre chez des amis qui ont une maison de campagne, juste pour qu’il me dise non. Et il me dit oui. Il parle même de « pause dans notre relation ». Je suis prise de cours. Mais il a le deuil de sa mère à faire. Je prends sur moi. Il part pour sa mission. André tombe malade. Il n’arrête pas de vomir.
À son retour, David m’annonce qu’il me quitte. Quoi ? Sans même en parler ensemble ? Comme ça ? Oui ! Comme ça. Décision unilatérale. Je perds ce à quoi je tenais le plus : une vie de famille avec un papa et une maman pour mes enfants. Eux non plus n’ont rien vu venir. « Mais vous ne vous disputez jamais ! Pourquoi ? » « Parce que papa n’est plus heureux. Parce que papa a besoin de vivre seul ». Il prend un appartement à dix minutes.
Nous avions prévu avec des amis un été tous ensemble sur un bateau. « Invite David, proposent-ils. C’est trop bête. » La pire idée du monde, coincés en mer. Mais j’accepte. Pour les enfants. Et puis, un matin, au beau milieu de l’océan, ma fille qui demande « C’est qui ? » en me tendant le téléphone de son père. Un texto de l’autre. L’amoureuse de papa. Il m’avait pourtant juré que non. Yeux dans les yeux. Tout le monde m’avait prévenue, pourtant. Ma mère. Mes amies. J’étais persuadée que non. Je n’étais pas seulement quittée, mais trompée aussi.
J’entame la procédure de divorce en prenant une avocate musclée. Mon conseil : si vous trompez votre conjoint, faites attention à vos factures de carte de crédit. Vous devrez rembourser la moitié des montants que vous avez dépensés avec l’autre. La procédure n’en finit pas. Je croyais que la loi serait de mon côté, mais c’est 50/50. Torts partagés. Vraiment ? Qu’est-ce que j’ai fait ?
Avec du recul, je pense que j’aurais dû ne rien dire à l’époque où je me plaignais de tout faire. J’aurais dû accepter le déséquilibre. Quitte à ne pas être heureuse, puisque ma famille était ce à quoi je tenais le plus. Dave n’aurait pas été aussi malheureux et il ne m’aurait pas quittée.
Voilà pour mon histoire que j’ai pu écrire sans pleurer. Je suis fière de moi, du chemin que j’ai parcouru.
Depuis vingt ans, je n’ai jamais envisagé retourner en France. Et pourtant, ma mère m’a tellement manqué ! Mais là, j’attends le résultat du divorce. Alors, peut-être, je reviendrai. J’ai 45 ans. Toute une vie devant moi. Mais sans doute pas avec un Américain. »
La réponse de French Morning
Merci, Valerie pour ce récit de vie. Nous espérons que la suite sera des plus heureuses. En conclusion de son livre, Les renoncements nécessaires, Judith Viorst nous délivre un message plein de sagesse.
« Voici ce que j’ai appris dans l’exploration souterraine de ma vie :
Que tout au long de notre vie nous quittons, nous sommes quittés et nous renonçons à une grande part de ce que nous aimons. La perte est le prix de la vie.
C’est aussi la source de presque tous nos progrès et nos gains. Faire son chemin de la naissance à la mort, c’est aussi faire son chemin à travers la douleur de devoir renoncer et renoncer encore à une partie de ce qui nous est cher. Nous devons composer avec nos pertes nécessaires. Nous devrions comprendre comment ces pertes se rapportent à nos gains.
Car, en quittant la béatitude aux délimitations floues de l’unicité mère/ enfant, nous devenons un être conscient, unique et séparé, échangeant l’illusion de refuge et de sécurité absolus contre les glorieuses angoisses de l’autonomie.
En nous inclinant devant l’interdit et l’impossible, nous devenons un être moral, adulte et responsable, qui fait la découverte – à l’intérieur des limites imposées par la nécessité – de ses libertés et de ses choix.
En renonçant à nos folles espérances, nous devenons un être capable de connexions amoureuses, troquant ses visions idéales de l’amitié, du mariage, des enfants et de la vie de famille impeccable contre les imperfections savoureuses de ces rapports qui ne sont qu’humains.
Puis en nous retrouvant confrontés aux pertes nombreuses qu’amènent la mort et le temps, nous devenons un être capable de prendre le deuil et de s’adapter, trouvant à chaque étape des occasions de transformations créatrices. »
📆 Retrouvons-nous dans 15 jours.
✉️ En attendant, envoyez-nous vos histoires et vos questions à l’adresse : [email protected].