Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres et de revues sur l’épanouissement personnel. Illustration Clémentine Latron.
Cette semaine, découvrons l’histoire de Sébastien, dont les enfants ne veulent plus parler le français.
« Tout a commencé avec des mots en anglais qui sont venus prendre la place de leur équivalent français. À table, lorsque les enfants nous racontaient leur journée et que nous les écoutions patiemment, j’avoue ne pas avoir eu le courage de les reprendre. Je ne voulais pas les interrompre dans la construction de leurs récits souvent trop longs. Et d’ailleurs, je n’avais pas toujours l’équivalent non plus. C’était plus une question de rythme qu’autre chose.
À notre arrivée, avant même la naissance des enfants, je m’étais fixé comme objectif d’intégrer mon pays d’accueil, les États-Unis, ce qui voulait dire oublier un peu la France. J’ai cessé de suivre l’actualité de mon pays d’origine, moi qui lisais presque tous les jours Le Figaro, Le Monde et, en bon Parisien… Le Parisien ! Ça ne m’a pas vraiment manqué en fait. Je prenais des nouvelles de la France via Courrier International jusqu’à ce que je ne renouvelle pas mon abonnement. Finalement, il n’a plus du tout été question de la France en dehors de quelques news dans le Washington Post.
Quand est né notre premier, nous avons décidé de revenir plus régulièrement en France pour qu’il connaisse ses grands-parents, c’est-à-dire mon père et mes beaux-parents (qui sont séparés). Finalement, nous en sommes venus à passer presque toutes les vacances en France, ce qui a largement contribué à la “francisation” de nos deux garçons (le second est né rapidement). Et donc, nous avons nos deux bonhommes, parfaitement à l’aise pour parler “chti” avec leur grand-père qui, une fois rentrés, perdent tout leur français. Ma réponse : un abonnement à J’aime lire (sous-entendu “J’aime lire en français”). Chacun le sien. Ce n’est pas la révolution, mais ça marche. Ils sont tout contents de recevoir depuis la France un courrier à leur nom. Je mets quelques mois à comprendre qu’ils ne le lisent pas, à l’exception de la BD. Et encore, pas toujours.
On finit par en parler. “C’est quoi le problème, les garçons ?” Ils n’en ont pas. Simplement, ils parlent la langue des copains. Ça tombe bien : je ne suis pas leur copain ! J’avance l’importance de parler la langue de ses parents, leur langue “maternelle”, mais ils n’en voient pas l’intérêt. Ils sont américains après tout. Très bien. Puisque la discussion ne mène à rien, je menace. “Si vous ne parlez pas français, on rentre en France !” Ça marche un temps. Pas très longtemps. Les mots anglais s’invitent aux repas, des expressions entières. “Pardon papa, mais je ne sais vraiment pas comment le dire en français !”
C’est alors que me revient un souvenir pas très glorieux. Lorsque j’habitais à Paris et que j’entendais des parents à la sortie des écoles s’adresser à leurs enfants dans leur langue maternelle (arabe, chinois…. anglais), j’étais toujours un peu agacé. “Eh bien quoi ? On est en France, non ? Ils ne peuvent pas parler français ?”
Voilà où j’en suis, sans plus vraiment d’idées claires. Est-ce important ou pas ? Mais étrangement, et alors que j’ai abandonné la bataille, mon second parle le français à la maison sans que j’aie besoin de forcer. »
La réponse de French Morning
Merci pour votre témoignage, Sébastient, qui semble faire ressortir une peur que vos enfants « oublient » leur langue maternelle.
C’est tout à fait possible… si on en croit un article paru sur BBC News : « Dès que vous commencez à apprendre une autre langue, les deux systèmes commencent à entrer en concurrence. (…) Les enfants de moins de 12 ans [peuvent perdre leur langue maternelle]. À cet âge, le cerveau est flexible et malléable. Les connexions entre les neurones ne sont pas encore figées, ce qui permet d’apprendre, mais aussi de désapprendre, une langue rapidement. Des études ont ainsi montré que les enfants adoptés dans un pays tiers avant l’âge de 9 ans oublient souvent la langue qu’ils parlaient dans leur pays natal. » Mais « chez la plupart des migrants, la langue maternelle cohabite plus ou moins avec la nouvelle langue. » D’autant que vos enfants semblent avoir moins de 12 ans et qu’ils continuent à parler le français au moins en vacances. Par ailleurs, « la capacité à conserver cette première langue est en grande partie liée au talent inné : les personnes qui maîtrisent généralement bien les langues ont tendance à mieux préserver leur langue maternelle, quelle que soit la durée de leur séjour au pays. » Votre second enfant semble donc particulièrement bien placé.
Si vous ne parvenez pas à obliger vos enfants à parler leur langue maternelle, le fait de le leur parler semble suffisant pour qu’ils ne la perdent pas. Sans doute seront-ils amenés à la pratiquer en grandissant. Avec ou sans accent “chti”…
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