Sur scène, Sophie a le « sentiment d’être en vie ». Elle commence le théâtre à 13 ans et joue sa première pièce professionnelle à 16. Très rapidement, il apparaît évident que son rêve est de devenir actrice. Tant que l’adolescente passe son bac, ses parents, d’origines sociales moyennes, ne s’y opposent pas. C’est après deux ans d’Histoire de l’Art à la Sorbonne, et l’Ecole Internationale de Jacques Lecoq à Paris, que Sophie se fait embaucher pour trois mois par The International WOW Company et part à New York, où elle vit maintenant depuis plus de 6 ans. Elle est séduite par la vie new-yorkaise et à part quelques brefs allers-retours, Sophie ne rentrera pas en France. Avant d’obtenir le visa O1 dit d’artiste à qualité exceptionnelle, Sophie avoue que « le visa touriste, ça marche très bien ».
Avec la compagnie américaine, elle travaille sur the Bomb, une pièce provocatrice (pendant 5 minutes, 30 acteurs totalement nus sont en scène) et critique sur le thème de la fin du monde, de l’arme atomique, de l’Holocauste… Le 11 septembre 2001, peu après le début des représentations, les attentats viennent tristement témoigner de la capacité autodestructrice de l’humanité, dénoncée dans the Bomb. Les personnages recouverts de poussière de la pièce de théâtre deviennent plus réels que jamais. Dès le lendemain, l’équipe se porte volontaire et distribue des sandwichs et du café aux victimes.
Le métier d’artiste, « c’est dur mais c’est bien »
Sophie est mariée à un Américain, acteur lui aussi. Économiquement parlant, la vie n’est pas toujours facile. Elle est convaincue que pour continuer à aimer le théâtre, il vaut mieux avoir un autre emploi. Pour ne vivre que du théâtre, il faut courir les auditions et l’idée de devoir se vendre sans arrêt est assez « insupportable ». Sophie préfère opter pour le bouche-à-oreille. Elle cumule donc les boulots et mène une vie bien remplie. Sophie est professeur, elle a des élèves de 18 mois à l’âge adulte. Elle anime tous les matins des ateliers d’activités pour tout petit à l’International School of Brooklyn. Et l’après-midi, enseigne à NYU l’art du clown et du bouffon, très en vogue en ce moment. Le reste du temps, Sophie travaille avec des compagnies et sur ses projets personnels.
Comme elle l’a déjà fait en 2006, elle s’apprête cette année à présenter son one woman show Pessimist, moi ?!, mettant en scène une certaine Valérie Chameaux. Le fait d’être française est une matière première toute trouvée, le comique de langage avec le “franglish”, le regard d’une Européenne sur la société américaine, sont au cœur de la parodie, de l’absurde. Mais Sophie souligne qu’il ne s’agit pas de se « moquer de la société et des Américains». Elle travaille au contraire sur son propre ridicule et n’adopte pas une position condescendante. L’artiste fait également des solos clownesques dans des cabarets, des marionnettes, des mimes. «Je n’ai pas une minute à moi, mais j’apprécie d’être sur scène tous les soirs, c’est un cadeau».
Le“ Downtown Theater” new-yorkais
L’artiste ne souhaite pas faire de comparaison hasardeuse. Elle a quitté la France depuis trop longtemps pour comparer le milieu du théâtre parisien et celui du théâtre new-yorkais. C’est aux Etats-Unis que Sophie a «grandi en tant qu’artiste». Elle travaille dans ce qui est communément appelé ici le “Downtown Theater ” ou le “off off Broadway”, c’est à dire les théâtres indépendants situés en-dessous de la 42e street. Il s’agit souvent de théâtre dit expérimentale. Les budgets sont beaucoup plus faibles qu’à Broadway, le besoin de survivre est latent, « l’urgence est grande », mais les compagnies sont aussi beaucoup plus libres. Dans le downtown on n’hésite pas à produire des jeunes écrivains, à utiliser une mise en scène atypique et osée, à montrer du sexe, à parler des tabous… Ils sont « fearless », directs et affichent une forte conscience politique et sociale. Pour Sophie, ils y vont tout simplement «à fond les gamelles». En France, c’est différent, il y a une «autre énergie».
Sophie Amieva est actuellement à l’affiche dans une nouvelle pièce intitulée Homesick, au Ohio Theater, l’un de ses fameux downtown theater au coeur de Soho, jusqu’au 22 décembre.