“J’aime la nature, le vin, l’architecture de ces vignobles, j’ai cherché quelle était la problématique de ces gens. En parlant avec les vignerons, j’ai rapidement compris que c’était un problème de transmission“.
Gilles Legrand, réalisateur de “Tu seras mon fils”, s’est servi de l’univers du vin pour évoquer un thème qui le hante depuis longtemps: voir grandir ses enfants. “J’ai eu un père, j’ai des enfants, je me rends compte que ce n’est pas simple de les élever. J’ai passé mon temps à secouer mes enfants. On peut vite devenir un père assez pénible !“.
L’histoire du film, celle d’un père, propriétaire d’un prestigieux vignoble, qui ne supporte pas l’idée de voir son fils, pas assez charismatique, pas assez talentueux, lui succéder un jour, est universelle. Si la partition de Niels Arestrup, en père tyrannique, est plutôt classique (nous l’avons déjà vu dans ce rôle-là chez Audiard ou Lafosse, aux côtés de Tahar Rahim ou Romain Duris), celle de Laurent Deutsch étonne davantage. Cela n’a d’ailleurs pas été facile de convaincre l’acteur d’endosser un personnage aussi transparent, comme l’a confié Gilles Legrand : “Laurent a hésité longtemps avant de faire le film. Il me disait : “Moi je n’ai rien à défendre, je suis une serpillère dans le film, je vais me faire massacrer“. L’acteur sort finalement vainqueur du duel qui l’oppose à son père, dans un registre nouveau pour lui.
Niels Arestrup, l’acteur principal, n’a, semble-t-il, jamais douté du potentiel de ce film : “On a eu une petite difficulté au niveau de l’emploi du temps. Mais j’ai tout de suite senti la force du scénario, l’impact de cette histoire, le plus grand plaisir que je prendrais à jouer ce rôle. Dès que notre emploi du temps nous l’a permis, nous nous sommes retrouvés dans cette histoire“.
Le nom de Delphine de Vigan étonne également. L’écrivaine, qui a récemment cartonné en librairie avec son très personnel Rien ne s’oppose à la nuit, a participé à l’écriture du scénario. “Elle m’a beaucoup aidé à retenir les choses, à affiner des éléments psychologiques, à les cacher, elle n’avait jamais écrit de scénario de sa vie mais on a fait une équipe efficace je crois. On se voyait deux fois par semaine, c’est elle qui allumait le feu“, confie le réalisateur du film.
Le résultat à l’écran est stupéfiant : le scénario, écrit à deux mains, tend en permanence vers la fin dramatique qui nous est suggérée dès les premières secondes du film. Dans ce rôle-là, Niels Arestrup confirme qu’il n’a aucun égal en France. Dans le rôle du punching-ball, Laurent Deutsch excelle et étonne. Comme un symbole, la musique d’Alain Bashung, dont Delphine de Vigan avait déjà tiré le titre de son dernier roman, illumine la dernière partie de “Tu seras mon fils”. Distingué, noble, puissant, racé. Si ce film était un vin, il serait un bon cru.