Après l’émotion, voici venu le temps de l’analyse et des enseignements. Telle est la loi des tragédies. Ce chemin, presse française et américaine sont en train de l’effectuer, en s’arrêtant notamment sur la personnalité du tueur de Toulouse et Montauban, Mohammed Merah. Pour sa part, la presse américaine s’intéresse à ce que le parcours du jeune homme dit sur la situation de la communauté musulmane en France – sans doute avec les problèmes des musulmans américains en tête.
Pour le politologue Olivier Roy dans le New York Times, Merah « le solitaire » est « loin d’incarner une radicalisation croissante des jeunes » : « Il se tenait en marge non seulement de la société française, mais aussi de la communauté musulmane », insiste-t-il dans une tribune. Les musulmans de France seraient même de mieux en mieux intégrés. En témoigne « la présence croissante des recrues musulmanes dans l’armée ». Le site d’information Huffington Post dresse, pour sa part, un tableau moins rose. Il affirme que la France est de « plus en plus divisée ». « Les maux sociaux ne cessent de grandir ». Pire, dans son article « la France unie dans le deuil, mais pour combien de temps ? », la journaliste Symi Rom-Rymer assure que les problèmes liés aux minorités religieuses n’ont pas évolué en France depuis la profanation de tombes juives à Carpentras en 1990. La faute à un « manque de volonté politique. » « La réponse du gouvernement face aux sorts des juifs et musulmans a été limitée et mise en sourdine ». Les musulmans et d’autres groupes « ont été confrontés à des questions urgentes », souligne la journaliste, telles que « le logement des pauvres, le faible taux d’emploi ou l’éducation ». Ainsi, il aura fallu seulement « dix ans pour que le mélange explosif de politique extérieure et internationale, couplé au manque de volonté politique des gouvernements fasse place à une nouvelle vague plus intense d’incidents anti-juifs ». Le journal termine, pessimiste : « Les manifestations de solidarité sont bien belles, mais sur le fond, ont peu de sens ».
« Adieu » Sarkozy ?
« L’impact de la tragédie sur l’élection présidentielle n’est pas clair», avance The Associated Press, mais pour le Huffington Post, il est certain que Nicolas Sarkozy en a tiré profit. « Nul ne peut profiter davantage de la crise que le président Nicolas Sarkozy, pour qui le droit et l’ordre ont toujours été des cartes à jouer. » Et de revenir sur la proposition de M. Sarkozy de “punir pénalement” la consultation régulière de sites Internet“qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence”. Pour l’éditorialiste, Barry Lando, cette proposition, « une menace dangereuse pour les libertés civiles françaises », est comparée à la « Police de la Pensée » de George Orwell dans 1984. La ligne de Sarkozy est une « tentative flagrante de cacher sous le tapis d’énormes problèmes sociaux, en particulier l’intégration des 5-6 millions d’immigrés d’origine islamique, au moins pendant la campagne électorale ». Stratégie ou pas, pour Time Magazine, les événements de Toulouse ne sauveront pas le Président. A côté d’une photo de Nicolas Sarkozy sur fond noir, le titre « Adieu ? » s’étale en Une de l’édition européenne datée du 2 avril. « Nicolas Sarkozy fait face à la perspective de devenir un président à mandat unique», précise le sous-titre. En cause : les mauvais résultats économiques (explosion de la dette, taux de chômage en hausse, perte du triple A, etc). Selon Time, les événements de Toulouse et Montauban “pourraient doper le statut de Sarkozy comme dirigeant volontaire” mais risquent “d’arriver trop tard dans le match”.
Une campagne théâtrale, “à la française”
Toujours sur la présidentielle, The Atlantic fait de l’humour et dresse un tableau sarcastique de la campagne en France. Celle-ci est comparée à « une pièce de théâtre politique » dont le but est « de convaincre l’électorat français que la pièce présidentielle n’est pas un Hamlet sans roi ». Le magazine renchérit : « Peut-être que le caractère théâtral de la campagne est d’autant plus présent que le contenu est remarquablement léger ». Point culminant du spectacle : le débat entre Nicolas Sarkozy et Laurent Fabius, diffusé le 6 mars dernier sur France 2 dans l’émission « Des Paroles et des Actes ». Sarkozy qualifie l’une des prises de position de Laurent Fabius de « tartufferie ». L’insulte ! Laurent Fabius rétorque en expliquant que le Président a certainement « mal compris le terme ». Sarko rétorque qu’il n’a pas besoin d’expliquer le terme car lui aussi a lu Molière. « Nous n’avez pas besoin d’aller à l’ENA pour cela. » « Ce fut l’exégèse d’un dramaturge du XVIIe siècle, quelque chose qui n’arrive qu’en France », affirme The Atlantic. C’est pour ça que les journalistes américains nous aiment autant.
Nous refermons cette revue de presse par un article qui nous concerne, Français de l’étranger. Le Wall Street Journal consacre un article à la bataille pour le futur siège de député des Français d’Amérique du Nord, une circonscription « très prisée ». L’élection parait pour le moins artisanale, compte-tenu des distances à parcourir et les limitations budgétaires imposées aux candidats. Le journal parle de meetings de « 20 personnes – ou moins – dans les écoles ou les restaurants ». En plus, elle « ne plait pas à tout le monde », souligne-t-il, évoquant notamment la controverse des bureaux de vote au Canada, le coût de ces nouveaux députés et les objectifs politiques de Nicolas Sarkozy derrière sa volonté de les instituer. Mais il cite aussi l’avocat français Richard Ortoli, qui assure qu’« il y a en France la perception que la diaspora française est de plus en plus importante ». Les auteurs de l’article, Max Colchester et Sam Schechner, choisissent de le terminer – et ce n’est pas innocent – par la citation d’un Français de New York. « Je ne sais pas en quoi cela va m’aider ». Il peut se rendre sur la page “Elections 2012” de French Morning pour le savoir.