Lorsqu’il accéda au trône, Louis XIV, alors enfant, fit don d’une série de tapisseries médiévales. Une décision qu’il a dû regretter amèrement. Car le Roi Soleil s’est illustré comme un fervent protecteur, héritier et collectionneur de tapisseries, possédant jusqu’à 2 650 pièces à la fin de son règne.
A l’occasion du 300ème anniversaire de sa mort, une série d’expositions et d’installations intitulées « Woven gold » s’installe au J.Paul Getty Museum, à Los Angeles. Du mardi 15 décembre au dimanche 1er mai 2016, le musée accueille une exposition majeure de tapisseries de Louis XIV, première du genre dans l’Ouest américain depuis 40 ans.
Eblouissantes de par la variation des couleurs, la qualité des textiles et la maîtrise du tissage à la main, elles offrent un voyage sous le règne de Louis XIV (1643-1715), qui a fait prospérer cet artisanat.
Un trésor jusqu’alors réservé aux édiles
Au cours de ses 72 années à la tête du royaume, ses tapisseries n’étaient exposées aux yeux du public que lors de la Fête Dieu, afin de démontrer sa puissance et sa richesse. « Elles décoraient les résidences du Roi Soleil. A la Révolution Française, la collection fut en partie brûlée pour récupérer l’or et l’argent, et le reste fut nationalisé. La plupart des pièces sont aujourd’hui conservées par le Mobilier National qui fournit l’Elysée, les Ambassades et les Ministères de l’Etat français. C’est un extraordinaire trésor » , clame Charissa Bremer-David, la conservatrice de « Woven gold ».
Puis, d’un pas de loup, la conservatrice nous ouvre les portes de ce monde fait de lin, de soie et de dorures, reflétant le pouvoir et le goût de Louis XIV. Composée de 33 oeuvres, cette exposition est divisée en trois sections : les acquisitions, les héritages et les commandes de la Couronne.« Toutes les tapisseries ont été tissées à la main à partir de dessins d’artistes de renom, tels que Raphaël, Peter Paul Rubens et Charles Le Brun. »
Une pièce suscite l’admiration dès le premier coup d’oeil. Inspiré d’un épisode du Nouveau Testament, « La pêche miraculeuse » illustre la passion de Louis XIV pour la Renaissance, et plus particulièrement pour l’artiste Raphaël dont le dessin a inspiré la tapisserie. « La première version était destinée au Vatican. Une autre fut fabriquée pour le Roi d’Angleterre, Charles I, l’oncle de Louis XIV. Le Roi Soleil l’acquis en 1660″ , commente Charissa Bremer-David.
Une exposition retraçant le faste du Roi Soleil
De près de 18 mètres de hauteur, chaque oeuvre a son histoire, et retrace les heures de gloire de l’Ancien Régime. Sur ces tissus, on retrouve notamment des héros symbolisant la victoire et le courage, tels que le général Scipion, après sa victoire sur Hannibal, ou encore Alexandre le Grand, représenté sur trois tapisseries.
Le musée abrite également d’autres trésors, des esquisses, des peintures et un « cartoon » qui a servi de guide pour la création de la tapisserie à la gloire d’Alexandre le Grand. « C’est un miracle qu’il ait survécu« , assure la conservatrice.
Au travers de l’exposition, c’est toute l’histoire de cet artisanat chronophage et coûteux qui est salué. « C’est sous l’égide du Roi Soleil que furent créées de nombreuses écoles, et la prestigieuse manufacture des Gobelins, destinée à fabriquer des tapisseries royales de grande qualité. Elle est toujours en activité. » Comme envoûtée par cet univers, Charissa Bremer-David égrène les anecdotes sur la conception, précisant qu’un tisserand habile pouvait produire jusqu’à six mètres carrés de tapisserie par an.« Ils travaillaient côte à côte sur un métier à tisser, et étaient souvent spécialisés dans le tissage de personnages ou d’animaux ou d’architecture. »
Le fil de l’histoire n’est pas coupé
Dans la dernière salle, les visiteurs découvrent deux versions d’une même tapisserie, « Décembre, le Château de Monceaux », dépeignant une chasse au sanglier. « C’est la première fois que la version originale de cette tapisserie voyage hors du Mobilier national », assure la conservatrice. Cette oeuvre fait face à une reproduction plus récente, qui fait partie de la collection du Getty Museum.
Puis, le visiteur revient au XXIe siècle. Une tapisserie contemporaine, intitulée « Diptyque/I », conclut l’exposition. Fabriquée par la manufacture de Beauvais et représentant un écran d’ordinateur, elle suscite la fascination des visiteurs. « Et elle prouve que cet art perdure. »
Pour faire vivre cette exposition, de nombreux événements gratuits sont prévus : des conférences, des démonstrations de tissage, un atelier culinaire… Un livre pour enfants, écrit par Alexandra S.D.Hinrichs et illustré par Renée Graef, a aussi été publié. Les tapisseries royales sont désormais à la portée de tous.