Virginie Tison, 29 ans, a appris à monter ses expositions en ne comptant que sur elle-même. “Une exposition, c’est trois mois de préparation en amont. Il faut trouver un lieu, régler les problèmes d’assurance, d’éclairages, s’occuper d’imprimer les invitations, puis trouver un traiteur…” Elle égrène les contingences matérielles comme on récite une liste de courses. Le problème, c’est que tous les artistes n’ont pas son sens de la logistique, ni le temps et les moyens financiers nécessaires pour se payer le luxe d’une gestion de carrière efficace.
“Aujourd’hui, il y a les galeries d’un coté, et les artistes de l’autre. Et entre les deux, il n’y a rien” continue Virginie. Pour résumer la situation, quelques rares artistes ont la chance d’être représentés par des galeries, qui prennent alors en charge leur promotion et leur clientèle, tandis que les autres -plus marginaux, moins vendeurs ou tout simplement débutants- se retrouvent livrés à eux-mêmes.
Après des années “d’emmerdes en tout genre“, et autant temps passé à ne pas peindre, Virginie a eu une idée: créer une communauté qui soit “une machine à aider les artistes“. Quelques mois de réflexion plus tard, et ce qui était une ébauche de solution devient enfin un projet concret: Art-Trope, lancé en mars 2009 à New York. Art-Trope, c’est une société au message clair et précis: “continuez de créer, on s’occupe de tout”, et une équipe -juristes, web-designers, chargés de presse etc- au service des artistes. De créer un site internet à rédiger un CV ou une liste des prix, Art-Trope s’engage à prendre en charge les détails les moins glamour de la vie d’artiste, et à assurer fidèlement la promotion de chacun de ses membres.
Si Virginie Tison préfère que l’on considère sa société comme une “coopérative” plutôt qu’une agence de booker pour artistes, l’organisation ne repose pas que sur les bons sentiments. En fonction de leurs besoins, et de leurs ressources, les artistes ont le choix de souscrire à trois types de cotisations mensuelles ($0, $69 ou $99) pour s’assurer les bons services d’Art-Trope, et ce, sur une durée minimum d’un an. Pour chaque exposition organisée, Art-Trope se réserve également une commission. Néanmoins, “le but n’est pas de faire de l’argent” se défend Virginie, “et nous ne sommes absolument pas des marchands d’art”.
Pour mieux comprendre l’initiative de la jeune artiste, il faut garder à l’esprit qu’elle se situe “en complément des galeries“. “Un peintre peut très bien être affilié à une galerie, mais adhérer à Art-Trope pour un support technique supplémentaire“. Pour les artistes les plus connus, cette assistance logistique supplémentaire peut leur permettre de faire voyager leur exposition; et pour les émergents, de trouver un lieu de quartier pour exposer leurs premières œuvres. Derrière ces différents objectifs, Virginie avoue un but ultime: décloisonner le monde de l’art, en faisant le lien entre l’atelier et la vie professionnelle.
C’est donc sans surprise qu’Art-Trope a une vocation internationale. New York n’est qu’une première étape, et une équipe se met également en place à Paris, ainsi que dans deux autres villes. Mais son futur est entièrement conditionné à l’accueil qui lui sera fait par les artistes. “C’est en accueillant le maximum d’artistes que nous pourrons fonctionner” explique Virginie Tison, qui dit ne vouloir fermer la porte à aucun talent. Néanmoins, les prétendants devront passer un petit examen, tenu par un jury de professionnels (artistes, critiques et marchands d’art). Intitulés “Portfolios Reviews”, les deux prochains auront lieu les 8 et 11 avril à New York.
Pour l’instant, une vingtaine d’artistes ont déjà adhéré à Art-Trope, qui compte aussi quelques espaces partenaires pour de futures expositions. C’est un début prometteur et Virginie a foi en son projet: “Ça va être quelque chose de dément!“. Elle attend avec d’autant plus d’impatience que ce dernier se mette en place pour pouvoir enfin troquer la casquette d’entrepreneur contre celle, mise entre parenthèse depuis quelques temps, d’artiste-peintre.
ART-TROPE: website