A Glen Ellen, petit village au coeur de la Vallée de Sonoma, Serge Labesque est connu comme l’homme qui murmure aux oreilles des abeilles.
Cet ancien météorologiste, originaire du Gers, installé en Californie depuis 1979 avec sa femme américaine, est devenu l’une des références de la région dans le domaine de l’apiculture naturelle.
“Les apiculteurs commerciaux me considèrent comme un renégat”, affirme Serge Labesque, en nous emmenant visiter ses ruches, installées à Oak Hill Farm, une ferme créée par la famille Teller, pionnière du mouvement bio en Californie.
“Je n’utilise ni antibiotiques, ni traitements, car ils ne permettent pas aux abeilles de développer leurs défenses naturelles. On maintient aujourd’hui en vie artificiellement des colonies de plus en plus faibles génétiquement”, regrette-t-il.
Une espèce menacée
“Contrairement à la majorité des apiculteurs américains qui récupèrent tout le miel et nourrissent les abeilles avec de l’eau et du sucre, dont la valeur nutritive n’est pas suffisante, je ne récolte le produit de mes ruches que lorsqu’il y a un surplus”, assure-t-il. L’apiculteur n’a d’ailleurs pas produit de miel depuis deux ans, en raison de la sécheresse qui sévit en Californie.
Son but premier n’est pas de fabriquer du miel, mais d’aider à la pérennisation d’une espèce de plus en plus menacée. Et Serge Labesque de pointer du doigt les pesticides, les méthodes apicoles conventionnelles et le business des contrats de pollinisation.
“Chaque année, deux tiers des 2,5 millions d’abeilles aux Etats-Unis sont expédiées en Californie pour y polliniser les amandiers”, rappelle-t-il. Une mobilité qui tue certaines abeilles, génère du stress et propage les maladies. Depuis 2007, les Etats-Unis sont d’ailleurs confrontés au Colony Collapse Disorder (CCD), un phénomène de mortalité anormale des colonies d’abeilles. Au cours de l’année 2014-2015, 42% d’entre elles ont été décimées outre-Atlantique.
Les abeilles du voisin
Serge Labesque est devenu apiculteur sur le tard, dans les années 90, après qu’un voisin lui a proposé de reprendre ses abeilles. “Il avait acheté des ruches en pensant pouvoir faire de l’argent, mais a abandonné dès le premier jour, après s’être fait piqué ! J’ai accepté de m’en occuper par curiosité. A l’époque je n’y connaissais rien. Je me suis beaucoup documenté et j’ai pas mal expérimenté”, raconte-t-il.
Très vite, le Gersois se prend de passion pour ses abeilles. Il enseigne aujourd’hui ses méthodes d’apiculture alternative au Santa Rosa College, à une heure de route au nord de San Francisco, et intervient dans des conférences de la région de Sonoma. “Plus on s’occupe des abeilles, plus on s’y attache. Elles ont changé mon regard sur la vie et la nature. Quand aux piqûres, on s’y habitue vite, d’autant qu’elles sont bonnes contre les rhumatismes !”
Pour améliorer la condition de ses abeilles, Serge Labesque a inventé son propre modèle de ruche. “Les ruches classiques sont un piège à chaleur et à humidité, contrairement aux troncs d’arbres creux qui s’en débarrassent naturellement, mais qui sont de plus en plus rares dans la nature.”
L’apiculteur ne peint pas les ruches qu’il fabrique, pour laisser le bois respirer comme un arbre. Il ajoute des partitions à l’intérieur de la ruche pour améliorer la ventilation et isole le haut des boîtes avec de la lavande, qui permet d’absorber l’humidité.
Aux consommateurs responsables, Serge Labesque ne recommande pas forcément d’acheter du miel frappé du label bio. “Aux Etats-Unis, il n’offre pas de garanties claires. Le mieux est de s’adresser directement au producteur ou de discuter avec les apiculteurs dans les farmer’s market, en vérifiant que les abeilles ne sont ni traitées, ni nourries artificiellement.”