Depuis quelques semaines, le petit microcosme de Wall Street attend avec impatience le retour des introductions en Bourse par les licornes de la Silicon Valley. Airbnb, Palantir Technologies – la société de Peter Thiel, le cofondateur de Paypal avec Elon Musk – ou encore l’application de trading Robinhood, sont régulièrement cités. Mais peu d’entre eux avaient les yeux rivés sur Snowflake, un service de stockage de données dans le cloud, qui a fait ses premiers pas au New York Stock Exchange.
Pourtant, le groupe créé par deux Français – Benoît Dageville et Thierry Cruanes – et basé à San Mateo en Californie vient de pulvériser un nouveau record : après avoir fixé son prix à 120 dollars par action et levé 3,4 milliards de dollars, le titre s’est littéralement envolé et a plus que doublé pour sa première journée de cotation ! Si bien que Snowflake a signé la plus grosse introduction en Bourse mondiale du secteur des logiciels. Autre chiffre impressionnant, le groupe est aujourd’hui valorisé à 65 milliards de dollars en Bourse, soit davantage qu’Uber !
Il a fallu six ans pour que Snowflake vienne affoler les compteurs de Wall Street. En 2012, Benoît Dageville, un chercheur français qui venait de passer 16 ans chez Oracle dans la Silicon Valley décide de fonder, avec son ancien collègue d’Oracle, une plateforme qui doit révolutionner la façon de stocker ses données dans le cloud. Les deux hommes décident de tirer parti de la montée en puissance du cloud computing, mais aussi de l’émergence du big data, et de concevoir un service permettant d’utiliser cet immense réservoir de données, de façon plus efficiente. Les fondateurs s’inspirent de leur passion commune pour le ski pour le nom de leur start-up : Snowflake.
La société lance son service en 2014, puis fait une rencontre déterminante avec Mike Speiser du fonds Sutter Hill Ventures, qui a accompagné l’IPO de Facebook, et lui sert d’incubateur (Mark Speiser est d’ailleurs le grand vainqueur de l’entrée en bourse de Snowflake, l’opération ayant rapporté à son fonds quelque 12 milliards de dollars pour 200 millions d’investissement il y a 6 ans…). Peu après sa création, la société recrute également un prestigieux CEO américain, Robert Muglia, ancien responsable des activités serveurs chez Microsoft. Sous son impulsion, le groupe s’internationalise sur tous les continents et surtout étend ses partenariats avec Amazon, puis Microsoft et Google, qui sont aussi ses concurrents.
Début 2019, Snowflake, qui est déjà valorisé à plus de 4 milliards de dollars, commence à préparer sa déferlante sur Wall Street. Il recrute un nouveau CEO, Frank Slootman, qui a déjà accompagné deux pépites tech en Bourse. Sa croissance est exponentielle, car les entreprises se convertissent au cloud à un rythme de plus en plus rapide. En février dernier, soit juste au début de la crise Covid-19, le groupe annonce une nouvelle levée de fonds et un partenariat avec Salesforce, qui le valorise à la coquette somme de 12,4 milliards de dollars. La pandémie ne fait qu’augmenter l’attractivité de la pépite tech, qui surfe sur l’accélération de la digitalisation des entreprises.
En août, Snowflake frappe deux grands coups : elle dépose un dossier d’introduction en Bourse auprès de la SEC, le gendarme boursier américain, et annonce que le plus célèbre investisseur américain, Warren Buffett, s’est engagé, tout comme Salesforce, à acheter 250 millions de dollars de titres lors de l’opération. La suite est le succès que l’on connaît, et une nouvelle preuve du talent et de la réussite des ingénieurs français outre-Atlantique.