En plongeant à 1,18 dollars pour un euro, la monnaie européenne a atteint son niveau le plus bas face au dollar, et ce depuis mars 2006. En 2014, l’euro a ainsi perdu 12% de sa valeur par rapport à la devise américaine – sa pire année depuis 2005. Qu’est ce que cela change pour les Français qui vivent et travaillent aux Etats-Unis ?
TOURISME: PLUS D’AMERICAINS EN FRANCE… ET MOINS DE FRANÇAIS AUX USA
Pour les Français payés en dollars, les vacances à la maison vont coûter moins cher. Et les Américains devraient aussi être plus nombreux à déambuler dans les rues de Paris. Atout France, agence de promotion du tourisme en France, estime que les flux touristiques des Etats-Unis vers l’Europe ont augmenté de 4% en 2014, portés par la baisse de l’euro et divers événements (ouverture de la fondation Vuitton, 70 ans du Débarquement…) “Pour nous, [l’euro faible] est une excellente chose. En règle générale, le taux de change impacte de façon considérable les flux touristiques. Au niveau actuel, il représente un atout majeur pour les destinations de la zone euro”, se réjouit Anne-Laure Tuncer, directrice générale d’Atout France USA.
Verra-t-on moins de touristes français aux Etats-Unis ? Sans doute.“On sent un ralentissement des réservations pour 2015, c’est certain. Mais les hôtels semblent réagir: ils nous annoncent des baisses de tarifs en dollars pour compenser”, affirme Franck Bondrille, patron depuis 25 ans d’une agence de voyage qui organise la venue de Francais aux Etats-Unis. “Ces trois dernières années ont été excellentes, les touristes européens, et français en particulier, sont venus en grand nombre. On savait que ça ne durerait pas pour toujours”, poursuit-il.
Toutefois, l’attrait des touristes français pour New York devrait persister. Si l’on en croit ce sondage réalisé par HostelWorld (en novembre 2014), la ville est la destination la plus convoitée par les Français pour 2015, devant Londres ou Barcelone. “L’impact de la baisse de l’euro ne doit pas être exagéré, conclut Franck Bondrille. Il y a un effet psychologique, mais cela ne devrait pas durer. Il faut se souvenir que la meilleure année historique a été 2000, or le dollar était bien plus haut encore à l’époque (0.97 dollar pour un euro)!”
COMMERCE: DES PRODUITS FRANÇAIS MOINS CHERS
La baisse de l’euro, c’est avant tout une chance pour les entreprises françaises qui exportent leurs produits aux USA.
Pour le producteur de crémants de Bourgogne Veuve Ambal, qui exporte aux Etats-Unis, la baisse du cours de l’euro est “évidemment une bonne nouvelle“. “Cela aura un impact sur les nouveaux clients car il nous sera plus facile de solliciter de nouveaux importateurs avec des tarifs attrayants“, remarque Maxime Baudet, ambassadeur de la marque aux Etats-Unis. Pour l’heure, il observe que les tarifs des vins de Bourgogne aux Etats-Unis n’ont pas diminué, mais suggère qu’une baisse pourrait intervenir “au milieu de 2015-2016“. “Il faut rappeler que les tarifs des vins de Bourgogne ont explosé en 2012-2013 à la suite de la baisse des rendements. La baisse de l’euro n’arrive pas encore à compenser la hausse des cours du vin”, souligne-t-il.
Pour le chocolatier Valrhona, installé aux Etats-Unis, cette situation est aussi un bol d’air frais. “Cela affecte forcément notre rentabilité: ce que nous vendons sur le marché américain nous rapporte tout à coup plus en euros. C’est un retour de choses: pendant deux-trois ans, avec un euro très fort, notre rentabilité a beaucoup souffert! Si cette tendance se confirme, à la prochaine révision annuelle de nos tarifs, on baissera les prix en dollars. Ce ne peut pas être une mauvaise chose, même si on est sur un marché haut de gamme et donc moins sensible aux prix que d’autres”, remarque Anthony Valla, directeur Etats-Unis pour ce chocolatier.
Mais Pierric Bonnard, chef du pôle industrie d’Ubifrance Amérique du Nord, rappelle que l’effet d’aubaine n’est pas systématique. “Si ces sociétés françaises n’ont pas de coûts importants aux Etats-Unis, elles vont bénéficier à plein du taux de change. Leurs clients américains vont payer leurs produits moins cher, et ceux-ci seront plus compétitifs. Le problème, c’est que les produits que la France exporte – que cela soit dans l’alimentaire, le luxe, la grande consommation – sont souvent en concurrence avec d’autres produits européens – italiens, espagnols, allemands – qui bénéficient aussi de la baisse de l’euro”.
En outre, une grande partie des échanges entre la France et les Etats-Unis (70%, selon Ubifrance) passent par le biais de filiales, installées sur le territoire américain, avec des produits assemblés voire complètements fabriqués sur place. L’impact de la baisse de l’euro est alors très différent.
“L’euro faible, c’est surtout un frein dans les investissements des sociétés françaises à l’étranger”, remarque Pierric Bonnard. Aux Etats-Unis, les entreprises françaises seront moins à même de dépenser pour développer leur présence sur place, embaucher, investir dans de nouvelles infrastructures. “Dans ce cas, la question du taux de change est critique, surtout quand les marges sont minces. Les entreprises françaises n’ont pas assez profité de l’euro fort pour investir aux Etats-Unis, et le contexte actuel rend les choses bien moins favorables.”
Mais les choses sont loin d’être évidentes, selon Frédéric Maingois, agent immobilier chez Corcoran, à New York, spécialiste de la clientèle française et européenne. “Je n’anticipe pas de grands changements de comportements. Les Français qui ont une green card sont souvent dans l’optique de rester aux Etats-Unis. Ils savent qu’à New York, dès qu’ils peuvent mettre 30 ou 40% du prix d’un appartement, il est plus rentable d’emprunter et d’acheter, plutôt que de payer un loyer. En revanche, les Français qui n’ont pas de green card ou qui n’ont pas de mise initiale suffisante vont davantage réfléchir, car les prix d’achat sont très élevés à New York. Ils ont ré-atteint les niveaux de 2008.”
Il poursuit : “La baisse de l’euro, c’est une chose. Mais je remarque que le contexte immobilier français ne fait pas rêver mes clients européens. La loi Dufflot contient de nombreux éléments non-favorables aux propriétaires et investisseurs en France, et les constructions de nouveaux logements continuent de baisser.”
Propos recueillis par Alexis Buisson, Jessica Gourdon, Emmanuel Saint-Martin.
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