Les Calaveras, ces têtes de mort aux couleurs vives, se sont invitées depuis quelques jours déjà dans les magasins américains et les photos de Catrinas inondent les réseaux sociaux. Le Jour des Morts, le Dia de los Muertos, que le film d’animation « Coco » des studios Pixar a popularisé, est respecté, non pas sur une seule journée comme le jour catholique des morts, mais au moins deux, les 1er et 2 novembre. C’est un évènement culturel incontournable au Mexique mais aussi aux États-Unis où plus de 19% de la population est d’origine hispanique. Que célèbre-t-on exactement ? C’est la question bête de la semaine.
Le Dia de los Muertos est une fête mexicaine ancestrale qui trouve ses origines dans la civilisation Aztèque, et dont l’interprétation moderne est un mélange de rites préhispaniques et de fêtes chrétiennes. «Le jour des morts est un merveilleux exemple de cette capacité qu’ont les Mexicains de prendre le meilleur des cultures qui composent leur pays pour les transformer en quelque chose qui leur est propre », souligne Lea Ramsdell qui étudie la culture latino-américaine depuis de nombreuses années et enseigne l’espagnol et le portugais à l’université de Towson.
Depuis 2008, la fête est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Elle rend hommage aux défunts en les invitant à réintégrer le monde des mortels le temps de quelques jours (le 31 octobre peut être ajouté aux 1er et 2 novembre de célébrations) dans une ambiance aussi festive que joyeuse. Si les coutumes diffèrent selon les régions dans lesquelles elle est pratiquée, les symboles y sont communs.
La pièce maitresse de la fête, c’est l’Altar, un autel sur lequel les membres de la famille du défunt viennent placer des bougies et fleurs de calendula destinées à lui montrer le chemin qui le mènera à eux, auxquelles on rajoute des photos, sa nourriture préférée, ainsi que des bibelots et décorations en forme de tête de mort. Ces autels ne sont pas destinés au culte, mais plutôt à accueillir les esprits qui font leur retour parmi les vivants. « Il y a quelque chose de très solennel dans ce rituel de l’Ofrenda qu’on dresse chez soi pour faire plaisir à ses ancêtres, puis de la visite au cimetière qui se transforme soudainement en l’endroit le plus vivant de la ville », explique Lea Ramsdell.
Les habitants déguisés qui défilent au rythme d’une musique joyeuse représentent un autre aspect incontournable du jour des morts. « Le défilé dans les rues de la ville a un air de carnaval, il offre à chacun la possibilité de changer d’apparence et de perpétuer la tradition satirique de la Calavera », précise l’enseignante. À l’époque, le terme, qui signifie crâne, était également utilisé pour désigner des poèmes satiriques publiés dans les médias, une pratique répandue que le caricaturiste politique mexicain José Guadalupe Posada poussa un peu plus loin au début du XXe siècle en représentant ses protagonistes sous forme de cadavres. « Nous sommes tous des squelettes », une citation que l’on attribue souvent à Posada, se veut un rappel que sous toutes leurs apparences, les humains sont tous les mêmes et voués au même destin.
« Dans sa forme moderne, le Dia de Los Muertos est un moyen de rendre hommage aux batailles qu’ont menées les ancêtres pour préserver leur culture, mais également de célébrer l’héritage mexicain. » ajoute Lea Ramsdell, qui y voit également « un moyen pour les Mexicains des États-Unis de nourrir un sentiment d’appartenance. »