A la fin du XIXème siècle, au sud de l’actuel emplacement du mémorial du 11-Septembre, les rues du Lower West Side de Manhattan n’étaient pas arpentées par des traders et des touristes mais par des immigrés syriens.
Un siècle plus tard, l’histoire de ce quartier, véritable poumon économique, culturel et religieux de la diaspora syrienne en Occident, est tombée dans l’oubli. Le Metropolitan College de New York y consacre jusqu’au 24 mars une modeste exposition, baptisée « Little Syria ».
Ces immigrés, venus de la région ottomane appelée « Greater Syria » qui englobait des parties de la Syrie actuelle, du Liban, de la Jordanie, d’Israël et des Territoires palestiniens, avaient posé bagages dans les immeubles bon marchés de ce quartier de New York, dans l’espoir de faire fortune. Entre 1899 et 1907, plus de 41.000 Syriens furent admis aux Etats-Unis, indique le département du Commerce américain, cité dans l’exposition, qui parle d’un « véritable exode ». En 1910, cette population comptait près de 57.000 âmes.
Fabricants de kimonos, journalistes, écrivains
« Ces personnes ont d’abord travaillé comme marchants ambulants, vendant produits de mercerie ou objets plus sophistiqués », explique Linda K Jacobs, auteure de l’ouvrage Strangers in the West, qui relate l’histoire de ces immigrés. « Certains ont par la suite créé leur propre entreprise. Ils ont fabriqué des kimonos, ouvert des restaurants syriens. »
L’exposition s’attarde, pour exemple, sur l’histoire des frères Arbeely qui, en 1892, ont fondé le tout premier journal arabophone du pays, Kawkab America (l’étoile de l’Amérique). Cet hebdomadaire s’intéressait à la communauté chrétienne orthodoxe. « A New York, tous les premiers immigrants étaient chrétiens », précise d’ailleurs Linda K Jacobs. En tout, six journaux arabophones virent le jour dans la ville rien que dans les années 1890. D’autres suivront au XXème siècle. En 1916, fut également créée la Pen League, une société d’écrivains, de poètes et d’éditeurs, participant ainsi au rayonnement culturel arabe aux Etats-Unis. Cette communauté syrienne est d’ailleurs à l’origine de la publication des premiers livres en arabe sur le sol américain.
Le quartier a disparu en 1946 suite à la construction du tunnel de Battery Park et ses habitants se sont déplacés à Brooklyn. Il ne reste aujourd’hui quasiment aucune trace de cette époque. Seul vestige encore visible : l’église syrienne St George Chapel. Elle a néanmoins depuis été transformée en bar et renommée St George Tavern.