La semaine dernière, la presse américaine a fait son tour de France de l’entre deux tours. Elle a traversé beaucoup de villages « pittoresques », « charmants » mais qui ont tous un point commun moins reluisant: ils ont voté Marine Le Pen au premier tour.
Le Los Angeles Times s’est ainsi arrêté à Brachay (photo ci-contre), petite bourgade de 60 habitants (sans compter les vaches) que le journal appelle 60 “oubliés” de cette campagne présidentielle. Seule Marine Le Pen, “s’est souvenue d’eux “, poursuit-il, et les électeurs de Brachay lui ont accordé 72% de leurs voix. La candidate frontiste s’était en effet rendue dans le patelin, où elle avait reçu un accueil “enthousiaste“. Le Maire de Brachay, Gérard Marchand, s’en souvient comme si c’était hier: “Les gens étaient tellement excités à l’idée de la rencontrer, on aurait dit que les Beatles étaient là !” Si la “proximité” et la “volonté” de Marine Le Pen ont séduit à Brachay, les idées qu’elle défend sont également dans tous les esprits. Pour le journal, “même si les villageois ont très peu de contact avec les populations d’origine étrangère“, la crainte d’une France “aux mains des immigrants qui profitent du généreux système social du pays” est présente.
Même son de cloche chez les 119 habitants de Le Hamel, village picard que Business Week est allé visiter. Pour le journaliste Gregory Viscusi, les fermiers “sont fatigués d’entendre l’Union Européenne leur dicter ce qu’ils doivent faire ou pas“, les chasseurs “veulent que les écologistes les laissent tranquilles” et tout le monde “est en colère face à la fermeture des bureaux de postes et des routes pour les bus“. Cependant, il ne faut pas se méprendre et penser que ces électeurs sont tous xénophobes : “Ils croient en certaines valeurs de droite mais ils partagent aussi beaucoup d’idées avec la gauche“, comme celles “d’un Etat- Providence puissant” et de services publiques “efficaces“, relativise le journaliste. Le San Francisco Luxury News est quant à lui allé recueillir les propos des habitants de Bessèges, dans le Gard. Dans ce village, “c’est le mécontentement général” contre Nicolas Sarkozy et le Parti socialiste. Marine Le Pen y a été plébiscitée par les électeurs. Et malgré les fréquents appels du pied du président à l’électorat FN, il y a peu de chances pour que les électeurs votent pour lui. “C’est un hypocrite“, lance un homme cité dans l’article. “J’ai toujours été conservateur, mais il n’aura jamais ma voix“, renchérit un autre.
Face aux convoitises dont font l’objet les électeurs du FN, l’Associated Press se demande carrément si Marine Le Pen est « le nouvel visage de l’opposition en France ». Le New York Times s’interroge lui sur l’efficacité de la parade nuptiale qu’effectue Nicolas auprès des électeurs lepénistes. Verdict : ces derniers y “restent insensibles” selon le quotidien qui affirme, citations de sympathisants frontistes à l’appui, que les programmes de l’UMP et du FN n’ont rien à voir. Alors que Marine Le Pen se veut garante de “la France éternelle “, le programme de Nicolas Sarkozy “se rapproche plus de celui de François Hollande sur le fond“. « Les supporters de Melle Le Pen disent qu’ils voient M. Sarkozy comme l’incarnation d’une élite corrompue et déconnectée des réalités sociales et économiques. Ils disent qu’ils n’aiment pas sa personnalité flamboyante et considèrent son effort pour remporter leurs voix comme non sincère ». Pour le Time, Nicolas Sarkozy “joue un jeu dangereux” et risquerait bien de se brûler. “L’acceptation par Nicolas Sarkozy des électeurs du FN va permettre à l’extrême-droite d’occuper une place plus grande, plus centrale dans la vie politique francaise à partir de maintenant, estime le correspondant du magazine à Paris, Bruce Crumley. Sous ce scénario, la même Marine Le Pen qui a fini troisième le 22 avril pourrait devenir le vainqueur de long-terme de l’élection 2012 ».
Cinq leçons françaises pour Obama
Dans nos revues de presse passées, nous avons évoqué l’influence de l’élection de Barack Obama sur la campagne de François Hollande. A son tour, le Miami Herald a décidé d’offrir à Barack Obama « cinq leçons françaises » pour se faire réélire. Premièrement, “ne pas baser sa campagne sur la politique étrangère” qui est souvent “l’atout du plus faible candidat“. Certes, “la mort d’Oussama Ben Laden est sûrement une carte plus efficace que le retour d’Ingrid Betancourt en France” mais les électeurs ne sont guère impressionnés. Deuxièmement, il est préférable d’être ferme : “Sarkozy a beau être détesté, les Français le voient comme le seul candidat de poigne“. Troisièmement, il faut “toujours” s’intéresser au troisième homme et ne pas négliger les petites formations politiques. Nicolas Sarkozy “l’a bien compris avec Marine Le Pen“, il serait temps que Barack Obama “fasse de même avec le Tea Party ou Occupy Wall Street“. Quatrièmement, assurer que “les choses vont mieux ne veut pas dire qu’elles vont mieux“. Et de citer Martine Aubry moquant Nicolas Sarkozy quand il a affirmé que l’économie s’est améliorée alors que le nombre de chômeurs a augmenté de 20 000 personnes. Enfin, ne pas oublier que “la vie est dure pour un candidat“, et que “tous les formidables leaders européens comme Zapatero, Berlusconi ou Gordon Brown ont fini emportés par la crise”.
Moulin à café, dans le New York Times
De l’élection, il en est peut-être question ces temps-ci à Moulin à Café, dans l’Upper East Side de Manhattan. Pourquoi ? Car c’est là où se retrouvent les mamans du Lycée français de New York (LFNY) pour refaire le monde. La semaine dernière, ce repaire de parents d’élèves, encombré de poussettes, a connu son heure de gloire en faisant son chemin jusqu’aux colonnes du New York Times. « Petit avant-poste colonial », le lieu est décrit comme un véritable refuge pour les familles françaises. « Culturellement, les parents veulent donner à leurs enfants ce qu’ils ont eu pendant leur enfance », souligne le quotidien, citant un parent d’élève américain. « Au lycée, les élèves étudient pour le bac, et à Moulin à Café, ils peuvent dépenser leur argent de poche dans les mêmes chocolats Petit Ourson qu’ils achèteraient chez eux », raconte le Times, qui pousse le stéréotype un peu plus loin : « C’est comme si le café n’était pas à Manhattan, mais à Paris : un endroit où l’on peut parler sa propre langue, manger des plats familiers et échapper au sentiment d’otherness qui habite les expatriés». Et à la politique francaise ?