Confinement, déconfinement, reconfinement, couvre-feux, pertes d’emploi et de repères… Plus d’un an après la découverte du virus de la COVID-19, les effets de la pandémie se font sentir sur la santé mentale. Avec comme conséquence majeure la nette augmentation des troubles psychiques. « L’être humain a besoin de se projeter et actuellement, c’est impossible. C’est très difficile de vivre au jour le jour et de gérer l’inconnu » explique Sophie Marchand, psychothérapeute française installée dans la Baie de San Francisco, en Californie.
Un point de vue partagé par Aude de Villeroché, psychologue, thérapeute et fondatrice du réseau Soignants dans le Monde. Cette dernière souligne la difficulté de la situation pour les expatriés. « Beaucoup ne peuvent pas voyager et vivent des conditions matérielles délicates. Il y a des questions de papiers, de voyages, de séparations géographiques, de scolarisations, de quarantaines… L’explosion de leurs repères habituels génère des souffrances potentielles » détaille-t-elle.
Le contexte anxiogène doublé d’inquiétudes diverses – peur d’être malade, que des proches le soient ou de transmettre le virus – crée une grande fatigue émotionnelle. Résultat ? Les cas de stress, d’anxiété, de dépression et de comportements auto-agressifs grimpent en flèche. Aude de Villeroché précise : « On voit de nombreux problèmes somatiques, de troubles du sommeil, alimentaires et d’addictions. La nervosité et le sentiment de colère provoquent aussi des tensions dans les relations. ». Autant de tendances à la hausse partout dans le monde d’après plusieurs études scientifiques.
Les autorités médicales sont ainsi en alerte et certains psychiatres Français évoquent même une troisième vague d’ordre psychique. Les cabinets thérapeutiques tournent d’ailleurs à plein régime. « Il y a un tel sentiment d’isolement qu’avoir une oreille professionnelle à l’écoute devient essentiel. Il est vrai qu’il y a plus de demandes, notamment de sessions supplémentaires, ce qui ne m’était jamais arrivée ! Les patients viennent malgré les congés et je ressens un réel besoin de continuité » raconte Sophie Marchand.
Les deux spécialistes remarquent en outre une charge mentale particulièrement forte chez les femmes qui « prennent davantage sur leurs épaules en ce moment ». Et elles mettent en avant que personne n’est égal face à cette crise. « C’est une question de personnalité. Tout dépend des outils intérieurs que chacun a pu développer pour soi et de sa capacité de résilience (capacité à rebondir face à l’adversité). Si l’on était fragile avant Covid, alors on est heurté de plein fouet. La Covid agit comme un révélateur » assure Sophie Marchand.
Si les ressources intimes influencent les réactions psychiques, les ressources pratiques également. « La régularité des revenus, le confort du logement ou la situation familiale ont un fort impact. Il n’y a qu’à constater la recrudescence des violences familiales… La Covid vient en fait accentuer les fragilités » complète Aude de Villeroché. Enfin, l’effacement des frontières entre les sphères privée et professionnelle, intérieure et extérieure, et une gestion du temps modifiée alourdissent les troubles ressentis. « Cette vie déstructurée entraîne une perte de sens, la perte du pourquoi et c’est la porte ouverte aux dérives et aux addictions…» explique la fondatrice du réseau Soignants du Monde.
Afin de lutter contre l’angoisse liée à ces pertes de sens et de repères, il faut passer à l’action. Comment ? En évitant que les choses s’installent. « Le maître mot : s’autoriser ! Les gens ne se donnent pas assez l’autorisation de prendre soin d’eux. Pas de recette miracle pour y parvenir, chacun doit explorer ce qui lui fait du bien » affirme Sophie Marchand. Pour ce faire, elle encourage d’essayer des activités aux vertus calmantes. Méditer, marcher, écrire dans un journal, lire, prendre un bain, appeler un proche, jardiner, cuisiner, faire de la sophrologie, du yoga ou consulter un coach… Et “éteindre les nouvelles à la télévision qui fragilisent” précise Aude de Villeroché !
« Le soutien se retrouve dans des actions concrètes qui évitent de gamberger. Ça permet de vivre dans l’instant présent. Et dans tous les cas, le lâcher prise est nécessaire… » conseille la psychologue. Un lâcher prise indispensable pour tenir sur la longueur et développer son endurance morale. Un passage obligatoire qui, selon les expertes, peut se transformer en chance.
L’une comme l’autre envisagent en effet cette période unique comme un moment d’introspection bénéfique. Sophie Marchand étaye cette idée : « La Covid vous montre où vous vous situez et ce que vous êtes capable de gérer. On peut donc voir cette période comme une opportunité et se concentrer sur l’aspect positif : un défi pour grandir”. Et Aude de la Villeroché d’ajouter : « La Covid oblige à réfléchir aux fondements de son mode de vie et de ses relations. Il y a des choses à en tirer et qui resteront par la suite… ». En attendant de pouvoir dresser le bilan, il s’agit donc d’abord de s’écouter, de prendre soin de soi et de positiver autant que possible.