Lui aussi avait moins de 40 ans quand il est devenu chef d’Etat. Pour la presse américaine, l’ascension fulgurante et la jeunesse insolente d’Emmanuel Macron ne sont pas sans rappeler celles d’un certain Napoléon Bonaparte. Mais loin de comparer le nouveau président français à l’ancien empereur, les médias américains lui confèrent une “qualité” que le Corse affectionnait particulièrement chez ses généraux : la chance.
Pour Adam Nossiter du New York Times, l’issue de cette élection est assez simple à expliquer : “Finalement, Monsieur Macron, 39 ans, ancien banquier d’investissement au parcours militant quasi inexistant, a gagné grâce à la chance, à une maîtrise inattendue des codes et compétences politiques, et face à la peur enracinée profondément chez les Français de Marine Le Pen et du Front National”. Une chance qui s’est illustrée tout au long de sa campagne, d’abord par “l’implosion de François Fillon sous le poids d’un scandale de détournement de fonds publics” puis par son adversaire au second tour, Marine Le Pen “une candidate considérée simplement comme inacceptable par une majorité de Français”.
Évoquant plus un échec de Marine Le Pen qu’un succès du candidat d’En Marche, le quotidien concède à ce dernier “une qualité chère à l’électorat français (contrairement aux anglo-saxons) que l’on a pu retrouver chez de nombreux candidats victorieux dans l’hexagone : un sang-froid et une maîtrise des situations de crises”.
The Washington Post est plus élogieux. S’il s’accorde sur la chance dont a bénéficié l’ancien ministre, le quotidien affirme que “Macron a aussi été extraordinairement visionnaire. Il a remarqué qu’il y avait une ouverture en France pour une voix socialement libérale, économiquement libérale, internationaliste et optimiste. Fillon, comme Theresa May au Royaume-Uni, proposait un relooking des politiques nationalistes mais dans un langage plus acceptable. A l’inverse, Macron s’est positionné ouvertement contre la peur, la nostalgie, le nativisme, l’immobilisme et la stagnation qu’offrait le reste de la classe politique. Il n’a pas fait de promesses populistes, il n’a pas offert de plans sur la comète. Et il a gagné”.
Un positionnement qui, selon CNN Politics, est “une réprimande implicite et directe des velléités de Donald Trump et de ceux qui ont fait campagne pour le Brexit avec succès”. Plus loin encore, Andy Borowitz écrit avec humour dans un de ses billets pour le New Yorker : “Ce dimanche, les Français ont désagréablement conservé leur droit ancestral d’affirmer leur supériorité intellectuelle sur les Américains” pour avoir résisté à la vague de populisme et de conservatisme qui a déferlé plus tôt aux Etats-Unis.
Mais pour bon nombre de médias américains, c’est peut-être ici que se joue l’échec futur du président Macron. Elu au nom du “Front Républicain” et non pour son programme, il pourrait rencontrer des difficultés à asseoir son autorité politique, notamment lors des prochaines élections législatives. Selon Foreign Policy, “les Français sont profondément divisés entre la peur de la mondialisation et du libéralisme dans lesquels ils sont certains d’être perdants, et l’espoir d’échapper à des années de blocages politiques [si Emmanuel Macron n’obtient pas de majorité à l’Assemblée Nationale], […] La méfiance des Français envers le capitalisme n’est pas un mythe”. Pour la revue, soit le nouveau président français confirme la comparaison napoléonienne et assure son assise politique, soit il faudra qu’il fasse avec un “mandat fragile et une position précaire“, comme l’affirme The Federalist.
Pour le site, “Macron n’est pas du tout l’outsider qu’il laisse paraître. Mais plutôt la dernière chance de l’establishment. Même s’il a fait campagne seul, sans parti derrière lui, il vient des écoles de l’élite parisienne et des mêmes milieux que la plupart des politiques de l’establishment, poursuit The Federalist. Alors que la France ne voulait pas voir le Front National à la présidence, la majorité du pays ne voulait pas non plus une présidence Macron. Cela met Macron dans une position très précaire.”