La scène est plus qu’exotique, c’est une bizarrerie totalement incompréhensible pour un expatrié français élevé dans le respect de la laïcité qui impose une stricte séparation entre les Eglises et l’Etat.
Le lundi 21 janvier 2013, Barack Obama a posé la main gauche non pas sur une mais sur deux Bibles au moment de prêter serment ! Et Donald Trump ne dérogera pas à cette tradition « biblesque » le 20 janvier prochain quand il prononcera à son tour le fameux « I do solemnly swear… ».
Pourtant, pas la peine de chercher dans la sacro-sainte Constitution américaine, l’usage de la Bible n’y est mentionné nulle part. L’article II, section 1, clause 8 se contente de préciser la formule que le candidat élu doit répéter pour être officiellement investi. Une formule qui, au passage, ne se termine pas par « So help me God », mais c’est une autre histoire.
Rien dans la Constitution, tout dans la tradition
L’usage de la Bible pendant la cérémonie d’investiture est tout simplement une tradition lancée par George Washington, le premier président américain. En 1789, il était allé jusqu’à embrasser le livre saint. Depuis, l’usage a perduré. A quelques exceptions près.
Pour sa première investiture en 1901, Theodore Roosevelt s’est contenté de lever la main droite. Vraie volonté de déroger à la tradition ou simple oubli ? Il était au beau milieu d’une sortie camping en famille quand il a appris la mort du président en exercice William McKinley et a dû le remplacer au pied levé. Après l’assassinat de JFK, Lyndon Johnson avait aussi prêté serment dans la précipitation : c’était à bord d’Air Force One et il aurait utilisé un missel catholique. Plus rebelles, les présidents John Quincy Adams and Franklin Pierce ont eux choisi de jurer sur un livre de droit, en signe de fidélité à la Constitution. Mais on était alors au début du XIXe siècle…
Truman, Eisenhower, Nixon et donc Obama, tous sont allés jusqu’à jurer sur deux Bibles en même temps. Mais pour laisser une trace dans l’Histoire, chaque président adapte la tradition en choisissant son exemplaire du livre saint : une Bible de famille ou une Bible célèbre. C’est là qu’interviennent les experts de la Bibliothèque du Congrès comme Mark Dimunation qui veille depuis 20 ans sur la collection de livres rares. « On nous a déjà demandé dans le passé de fournir une liste des Bibles avec une valeur historique que nous pourrions prêter pour cette cérémonie d’investiture. Parce qu’il ne faut pas se tromper de symbole : la toute première Bible imprimée aux Etats-Unis est une pièce historique importante mais elle est écrite en langue Algonquian par exemple», glisse-t-il.
Le Jour J, si le futur président a choisi un ouvrage qui appartient aux archives officielles, toutes les précautions sont prises. « Avant de quitter la Bibliothèque du Congrès, l’ouvrage est examiné pour vérifier qu’il est en état d’être sorti de nos réserves. Puis il peut être placé dans une boîte en plexiglas si la météo n’est pas bonne. Et on se charge de la livraison pour que le livre reste le moins longtemps possible dehors », liste Mark Dimunation. Qui précise travailler main dans la main avec les services secrets.
Pour le symbole, Barack Obama avait utilisé la Bible d’Abraham Lincoln et celle de Martin Luther King. Quel exemplaire Donald Trump va-t-il choisir pour le 20 janvier ? C’est encore un mystère. Et ne comptez pas sur Mark Dimunation pour vendre la mèche avant l’heure, l’affaire est bien trop sérieuse.