Cela fait partie des choses que les Français ont du mal à comprendre quand ils viennent s’installer aux Etats-Unis: certaines villes américaines n’ont pas ou peu de trottoirs. La voiture est parfois la seule solution pour aller à l’école ou faire ses courses. Pourquoi ? C’est la question bête de la semaine.
Le règne de la voiture n’est qu’une partie de la raison, si l’on en croit Renia Ehrenfeucht, professeure à l’University of New Mexico et spécialiste des questions de transport. Les trottoirs ont commencé à tomber en désuétude après la Seconde guerre mondiale avec l’éclosion des “suburbs”, ces villes pavillonnaires de banlieue connectées aux centres urbains par un réseau de grandes autoroutes. “La plupart des villes avaient des trottoirs, mais pas les suburbs. C’était volontaire. Les habitants voulaient conduire jusqu’à chez eux et voilà“, explique-t-elle.
La raison est aussi financière. Selon l’experte, depuis le développement des structures de gouvernement local au XIXème siècle, les villes ont décidé que les propriétaires immobiliers seraient responsables du financement de la construction et de l’entretien du trottoir. Or, ces derniers ne sont pas toujours prêts à mettre la main à la poche pour le faire. Dans certains cas, ils ne le savent même pas qu’ils en sont responsables. “Traditionnellement, dans les villes résidentielles, les trottoirs sont construits par les développeurs immobiliers. Mais les riverains ne se rendent pas toujours compte que c’est à eux de les entretenir“. Autre phénomène: certains résidents sont tout simplement opposés aux trottoirs car ils veulent préserver leur isolement.
Résultat: des quartiers voire des villes entières ne sont pas équipés de trottoirs. Et quand ils existent, ils sont souvent endommagés et peu entretenus. Mais le vent tourne. Les “millennials” et les entreprises se détournent des “suburbs” et réclament des trottoirs (mais aussi des pistes cyclables, des parcs et des transports de meilleure qualité). La plus grande conscience écologique de la population joue aussi. “La nouvelle génération pense que la scène urbaine est plus importante que ‘suburbia’, et que la vie de la rue doit être plus intéressante et variée“, poursuit Renia Ehrenfeucht.
De grandes villes comme Indianapolis, New York, Los Angeles et San Francisco ont lancé d’ambitieux chantiers de construction de trottoirs et de zones piétonnes ces dernières années. Elles sont conscientes que les trottoirs sont aussi des atouts économiques: ils permettent d’attirer une main d’oeuvre désireuse de se rapprocher de son lieu de travail tout en faisant des économies sur la voiture, et favorisent le développement du petit commerce. “Les Américains reviennent vivre dans les quartiers densément peuplés. Cette tendance n’est pas prête de s’arrêter: il y a beaucoup d’avantages à la marche et à avoir des pistes cyclables interconnectées, souligne Renia Ehrenfeucht. Les villes continueront à en faire. Cela va devenir de plus en plus nécessaire à leur compétitivité.“