L’image a fait le tour du monde le 15 juin. Kevin Durant, joueur star des Brooklyn Nets et deux fois champion de NBA, pose avec le maillot du Philadelphia Union sur le site internet de la MLS. La ligue américaine annonce que l’ailier de 2,08m a investi 5% dans le club, soit environ 15 millions de dollars. Il n’est pas le premier à s’intéresser au soccer puisque James Harden a lui aussi dépensé 15 millions de dollars l’année dernière pour récupérer 5% du Houston Dynamo. Steve Nash, ancien joueur passé notamment par les Phoenix Suns, a initié la tendance dès 2008 en achetant une partie des Vancouver Whitecaps qui intégreront la MLS en 2011. En 2014, c’est l’ancienne gloire des Lakers Earvin “Magic” Johnson qui devient co-propriétaire du nouveau club du Los Angeles FC, avant l’intégration du club dans la ligue en 2018. Alors pourquoi cet intérêt pour le soccer américain ?
Des sportifs toujours plus riches
“La première chose à dire, c’est qu’il y a beaucoup d’athlètes aux Etats-Unis qui sont aussi des hommes d’affaires, et qui gagnent beaucoup d’argent”, explique Vincent Destouches, journaliste sportif pour la chaîne de télévision canadienne TVA Sports et spécialiste de la MLS. Le salaire moyen en NBA a presque été multiplié par huit en 30 ans, passant d’un million de dollars en 1990 à 7,7 millions en 2019, avec des joueurs comme James Harden ou Kevin Durant émargeant à plus de 37 millions de dollars par an, hors contrat publicitaire. “Un investissement de 15 millions de dollars ? C’est beaucoup pour un club, mais peu pour ces joueurs là qui disposent de gestionnaires d’actifs et de véritables stratégies d’investissement”, analyse Vincent Destouches. “Mais ça ne concerne pas que le basket. A titre d’exemple, le quarterback des Seahawks Russel Wilson (NFL) a lui aussi investi en MLS en 2019, dans le club de Seattle”.
Un investissement potentiellement très rentable
La MLS a longtemps eu l’image d’une ligue de faible niveau qui n’attire pas les foules. Si elle ne rivalise pas encore avec les grands championnats européens en terme de qualité de jeu, la ligue américaine n’a plus à rougir concernant le niveau de ses infrastructures, de ses stades, et des capitaux qu’elle attire. “L’Impact Montréal a rejoint la MLS en 2012 contre un droit d’entrée de 40 millions de dollars. Huit ans plus tard, on parle d’une somme record autour de 400 millions de dollars pour le club de Charlotte qui doit rejoindre le championnat en 2022”, explique Vincent Destouches.
La valeur des clubs de MLS dépasserait même celle de la plupart des clubs de Ligue 1 selon Forbes, avec une valeur moyenne estimée à 313 millions de dollars aux US contre 158 millions en France (NDLR: chiffres de 2019 qui ne prennent pas en compte l’impact du Covid-19). “Tout le monde veut se tailler une part de marché du soccer avec en ligne de mire la re-négociation des droits télé à la hausse en 2023, et surtout l’organisation de la Coupe du monde en Amérique du Nord en 2026″. Le modèle des ligues de sports américaines rassure également les investisseurs selon Vincent Destouches. “Il comporte peu de risques puisque les équipes ne peuvent pas descendre ou monter dans une autre division. C’est un investissement assez sûr qui plaît aux joueurs de NBA”.
“L’opportunité de faire grandir ma marque”
Au delà de l’aspect financier, les stars de NBA ont d’autres intérêts à ouvrir leur portefeuille au soccer. “C’est une nouvelle opportunité de faire grandir ma marque”, expliquait en toute franchise James Harden en juillet 2019 lors de son investissement dans le Houston Dynamo. “C’est l’occasion pour lui ou pour d’autres joueurs comme Kevin Durant d’élargir leur base de fans et d’avoir un impact dans leur communauté”, ajoute Vincent Destouches. “Kevin Durant a d’abord essayé d’investir dans le club de Washington, ville où il est né. En signant avec Philadelphie, il va pouvoir développer des programmes sociaux avec sa fondation et aider les communautés défavorisées près de chez lui”.
Il en est de même pour James Harden, qui a justifié son investissement en clamant également son amour pour sa ville, Houston, où il est devenu une star du basket. “Je me sens investi ici, c’est ma ville et c’est là que je veux rester. (…) Je voulais juste montrer ma reconnaissance et vous faire savoir que je fais partie de cette ville et que je suis là pour toujours. Je fais donc aussi partie du Dynamo, et nous allons amener le club à un autre niveau”. En retour, les clubs de MLS se servent aussi de l’image de ces stars du basket pour asseoir leur notoriété et celle de la ligue. Un “partenariat” gagnant-gagnant en somme.