Si vous vivez dans l’Etat de New York, en Pennsylvanie, ou encore dans le Colorado ou le Maryland, vous avez sûrement poussé la porte du “liquor store” de votre ville pour acheter une bouteille de vin. Dans onze Etats américains, les rayons “vin” des supermarchés sont inexistants (mais les bières sont disponibles dans la plupart des Etats, sauf 4). Pourquoi certains Etats interdisent la vente d’alcool dans les supermarchés ? C’est la question bête du jour.
“Le système de régulation actuel repose sur l’histoire des Etats-Unis et remonte jusqu’à la période de colonisation du pays”, explique Me Richard Blau, avocat spécialisé dans l’industrie de l’alcool pour le cabinet Gray Robinson en Floride. La relation ambiguë que les Américains entretiennent avec l’alcool est étroitement liée à l’histoire de leur pays.
Après la guerre civile américaine (1861-1865), les Etats-Unis ont connu une période de grande industrialisation, qui a eu pour conséquence la multiplication de l’alcool sur le marché américain. “De grands commerçants dominaient le commerce de détail aux Etats-Unis et ont pris peu à peu le contrôle des brasseries et des saloons”, explique l’avocat. Les fournisseurs ont commencé à encourager la prostitution et les jeux d’argent dans les bars. C’est le début de l’ère des saloons.
Un repas gratuit contre de l’alcool
“There is no such things as a free lunch” (“Il n’y a rien de tel qu’un déjeuner gratuit“). Cette phrase devenue célèbre tient son origine d’une pratique courante dans les brasseries entre 1870 et 1920, qui consistait à offrir un repas gratuit pour les travailleurs. “Les aliments cuisinés étaient salés volontairement pour que les consommateurs reprennent de l’alcool”, précise Richard Blau.
Les premières victimes sont les ouvriers qui participent à la construction des villes industrielles comme New-York, Boston ou Chicago. Très vite, l’économie du jeune pays est paralysée. “Des associations se sont créées et ont demandé au gouvernement fédéral de supprimer la commercialisation d’alcool”, poursuit l’avocat.
La fin de l’ère des saloons est marquée par le célèbre Prohibition Act et l’interdiction de vendre de l’alcool sur le sol américain. Signé en 1920, le 18e amendement des Etats-Unis a laissé des traces dans la mentalité américaine. “Pendant des décennies et bien après la fin de la Prohibition, la non-consommation d’alcool étaient la priorité de tous les hommes politiques”, assure Richard Blau.
Un pays toujours divisé
Jeune politicien en course pour la présidentielle, Franklin Delano Roosevelt propose de supprimer la prohibition et de laisser les Etats décider des lois liées à l’alcool sur leur territoire. Élu président , il tient sa promesse et fait passer le 21e amendement de la Constitution américaine en 1933 “Chaque Etat avait une attitude différente face à l’industrie de l’alcool. Par exemple, l’Etat de New-York considérait que c’était une affaire personnelle et que chacun devait avoir le choix. Certains étaient beaucoup plus conservateurs et ont fixé leurs propres restrictions”, explique le spécialiste.
Au fil des années, certains alcools ont toutefois fait leur apparition dans les supermarchés et les lois se sont assouplies. Pourtant, le débat divise toujours : “Aujourd’hui, il y a une bataille entre les liquor stores, qui ont pris l’habitude d’avoir l’exclusivité sur ces produits, et les supermarchés”, ajoute Richard Blau. Dans le Minnesota ou en Pennsylvanie par exemple, des batailles de lobbying sont ainsi en cours à propos de loi qui rendraient possible la vente de vins dans les supermarchés.