Elle ouvre de grands yeux bleus étonnés derrière ses petites lunettes et arbore un large sourire. Pamela Druckerman se dit surprise par l’incroyable retentissement de Bringing Up Bébé, sorti la veille aux États-Unis et deux semaines plus tôt en Grande-Bretagne. Elle enchaîne les interviews. J’étais curieuse de la rencontrer après avoir lu son livre. Comme elle, je suis journaliste et mère de trois enfants. Elle est arrivée à Paris il y a huit ans précisément lorsque je quittais la capitale française pour New York. Son livre raconte comment, au fil des années, elle a été séduite par l’éducation “à la française”, découvrant que, nous, les Françaises, sommes à la fois plus sereines et plus fermes dans notre façon d’élever nos petits. Par opposition, Bringing Up Bébé dénonce l’ overparenting dont font preuve, selon l’auteure, les mères américaines, cette façon de s’investir à l’excès dans l’éducation de leurs enfants.
French Morning: L’overparenting semble être propre à notre génération des “quadras”. Toutes les mères américaines avec qui je discute me disent que leurs parents n’étaient pas comme ça.
Pamela Druckerman: Oui, c’est nouveau. Cela a commencé dans les années 80-90 en Amérique, et c’est le résultat de plusieurs facteurs. D’une part, il y a eu le pic des divorces quand nous étions adolescents et nous sommes les enfants de divorcés – ce n’était pas mon cas mais tout le monde autour de moi avait des parents divorcés; donc adultes, nous avons eu recours à la psychothérapie plus que toute autre génération. D’autre part, à cette époque, sont sorties de nouvelles études scientifiques sur le développement du cerveau des enfants âgés de 0 à 3 ans. Elles montraient combien ces années sont importantes. (…) Enfin, ce que vous ne connaissez pas en France: l’extrême peur des crimes. Les crimes diminuent aux États-Unis mais quand vous regardez les informations, vous pensez que ça augmente. Donc vous pensez que vous devez protéger vos enfants.
FM : Les crimes sexuels, la pédophilie, c’est en effet une obsession aux États-Unis.
Oui, c’est une obsession. C’est difficile à comprendre mais c’est dans notre culture. Je ne blâme pas les parents américains – en Amérique comme en France, nous essayons de faire de notre mieux avec les informations que nous recevons. Cette obsession est née dans les années 80, suite à une série de scandales sexuels dans les day cares. Donc quand je suis arrivée en France, j’ai été surprise d’entendre toutes ces mères espérer avoir une place en crèche. Au fond, nous, les Américaines, nous ne faisons pas confiance à l’institution publique.
FM : Vous avez beaucoup d’admiration pour les Françaises…
Je pense que c’est très difficile d’être une mère française, c’est sûrement beaucoup de pression d’être successful dans tous les domaines de votre vie, tout en restant si féminine, avec un look fantastique…
FM : Vous savez que toutes les Françaises ne cuisinent pas quotidiennement de bons petits plats.
Oui, bien sûr: à Paris j’habite au dessus d’un Picard (rires). Mais ce que je décris dans mon livre, c’est l’idée française – et j’aime beaucoup cette idée – de l’équilibre sans culpabilité: aucune partie de votre vie ne doit être désavantagée: ni la mère, ni la femme active, ni l’épouse.
FM : Mais nous n’arrêtons pas de culpabiliser! C’est l’éternel dilemme: nous voulons tout!
Oui, il y a beaucoup de culpabilité en France, les femmes veulent tout, mais je pense que les Françaises résistent, repoussent ce sentiment de culpabilité, alors que les Américaines l’embrassent. En Amérique, se sentir coupable fait du bien, on le mérite, c’est comme un impôt [sur le bonheur d’être parent, ndlr]. En France, la culpabilité est vue comme un sentiment négatif. C’est dans la culture française que la mère parfaite n’existe pas. Nous, les Américaines, nous nous sentons coupables de ne pas être des mères parfaites [un chapitre entier du livre est consacré à ce sujet, ndlr].
FM : Vous ne trouvez pas que nous les Françaises, nous sommes très, voire trop, égoïstes? C’est assez confortable d’être égoïste!
(Rires) Oui, c’est sûr, vous êtes égoïstes. Mais ce n’est pas bon pour un enfant, les études le montrent, d’avoir une relation fusionnelle avec sa mère. Je ne sais pas si c’est confortable (elle rit encore), mais je pense que c’est bien pour tout le monde. Bien sûr, cela peut aller trop loin en France…
FM : Oui, par exemple dans les écoles publiques, nous ne faisons pas grand chose par rapport à vous les Américaines, très investies dans le milieu scolaire.
Oui… je suis moi-même déléguée des parents d’élève dans la maternelle de mes fils! Et je vois des choses drôles: un père est venu vers moi se plaindre de la nourriture, disant que c’était trop simple! Je ne peux pas me plaindre, c’est tellement mieux qu’aux États-Unis!
FM : La nourriture occupe de la place dans votre livre. Selon vous, les petits Français mangent mieux, de tout, assis à table. Ce n’est pas toujours vrai.
PD : Oui, mais en comparaison avec ce qui se passe en Amérique, c’est vraiment mieux!
FM : Il y a tout de même une prise de conscience aux États-Unis. Même Michelle Obama prône une alimentation plus saine.
Oui, c’est en train de changer et ça vient de France! L’idée qu’il faut des repas équilibrés dans les écoles, cuisiner avec des ingrédients frais, etc… Et vous n’avez pas tous ces snacks tout le temps, vous avez un seul “goûter”… Je reste choquée quand je rentre aux États-Unis. Et puis, il y a cette idée en France qu’il faut toujours goûter de tout.
FM : Votre description du couple, au fil de l’agrandissement de la famille, est très intéressante. Le couple en prend un coup.
Si votre enfant ne fait pas ses nuits avant ses 9 ou 10 mois, comme cela est souvent le cas en Amérique, bien sûr que cela affecte toutes les parties de votre vie, de votre mariage à votre propre personnalité. Ou si votre enfant a cinq ou six activités différentes par semaine, et que vous êtes la seule à gérer l’emploi du temps, cela ne vous laisse pas beaucoup de temps avec votre mari… Je pense qu’il y a une plus grande résistance en France à tout cela.
FM : Qu’est-ce que votre mari a pensé à la lecture de votre livre?
Il a aimé le livre. Il dit qu’il aurait dû être le personnage principal (rires)! Il pense qu’il occupe les lignes les plus drôles du livre, ce qui est vrai…
FM : Bon nombre d’Américains pensent tout bas ce que vous dites tout haut. Mais ils disent qu’ils n’ont pas le choix, qu’ils sont obligés de rentrer dans ce système de compétitions, d’hyperparenting. Comment changer les choses?
Je comprends qu’ils pensent ne pas avoir le choix car c’est notre culture qui nous dit de faire ainsi. Mais je pense que ça peut changer car depuis quelques années maintenant, des critiques, des enquêtes sortent décrivant que ce type d’implication est très difficile car demande tellement de travail! Et avec la sortie de livres comme celui d’Amy Chua l’an dernier, le mien aujourd’hui – et il y en aura bien d’autres… – c’est la quête d’une alternative à ce type d’éducation parentale. On le fait, on n’est pas heureux, on pense qu’on n’a pas le choix, mais il y a des alternatives.
FM : Continuez-vous à être étonnée par la vie parisienne et, plus largement, française?
Bien sûr (en français)! Encore récemment, j’étais à une fête d’anniversaire et la mère montrait une photo d’elle avec son mari dans une voiture décapotable en vacances – ils étaient partis tous les deux –, déclarant : “Qu’est-ce qu’on s’est bien amusés!”. J’étais vraiment surprise, même après l’écriture de ce livre, par l’absence de culpabilité d’avoir pris du bon temps chez cette femme. En Amérique, si un couple montrait une telle photo, il dirait : “Les enfants nous ont tellement manqués!”
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Dans un autre registre, sujet beaucoup plus large que la différence d’éducation entre les mamans Françaises et Americaines mais non moins intéressant, il faut lire le livre de Nathalie MonSaint Baudry “Etre Française et Américaine, l’interculturalité vécue”: ouvrage passionant (téléchargement gratuit sur le site http://www.pbaudry.com) qui traite des différences culturelles entre nos deux pays et les explique d’une façon aussi délicate qu ‘exhaustive. Style remarquable et fin, exemples profonds et subtils puisés de notre passé et notre Histoire qui ont forgé nos différences, mise en relief de situations quotidiennes dont l’analyse devient une véritable éclairage sur le pourquoi de ces différences. Sujet captivant merveilleusement bien traité par une femme française, naturalisée américaine, et forte d’une experience de vie de vingt ans aux Etats Unis. La cerise sur le gateau : l’introduction, une description incroyable de la ville des Anges comparable à une peinture animée…Puisque, loin d’être lecteur ou spectateur, nous devenons acteur à part entière de cette présentation californienne au parfum français. Ah si, un point négatif : qu’il n’existe pas en anglais!
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There are approximately 20 spaces available for the current school year. (Kindergarten-3rd Grade, ages 5-8)
This is a tuition-free school. GRATUITE!!!!
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Vanessa Ghenania,
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