“C’est l’efficacité américaine en action“. Quand Céline parle de son rendez-vous de vaccination au Javits Center, le grand palais des congrès de Manhattan, elle ne cache pas son émerveillement. En mars, la Française a rejoint le cortège des dizaines de milliers de New-Yorkais passés par ce vaccinodrome supervisé par les réservistes de la National Guard.
La logistique est impressionnante. Au plus fort, les armées de “vaccinateurs” qui se relaient sous le plafond de verre du Javits ont délivré plus de 13 000 doses en une journée. Un possible record national dont s’est félicité le gouverneur de New York Andrew Cuomo. À l’époque (début mars), le site venait d’ouvrir 24 heures sur 24, sept jours sur sept. “Tout était fluide. Je n’ai pas attendu une seule minute. Tout le monde était très cordial“, souligne Céline, pas gênée par la présence des militaires sur place. La Française n’a pas souhaité que son nom soit utilisé car elle a reçu son vaccin avant d’être éligible. “Ils ne m’ont pas posé de questions. J’ai eu l’impression qu’ils voulaient vacciner le plus de gens possible“.
Y arriver n’était pas de tout repos. Céline a tenté de passer par le très populaire site TurboVax, lancé par un ingénieur informatique pour faciliter la prise de rendez-vous. En vain. Finalement, “une amie m’a envoyé un lien Google et j’ai eu un rendez-vous dans les 48 heures“. Dominique de Cock aussi a ramé pour trouver des disponibilités sur le site compliqué de la Ville de New York. “Des amis bienveillants m’envoyaient des liens vers des hôpitaux obscurs dans le Bronx, mais ça n’allait pas“, se souvient la Belge de 65 ans. Puis, sans crier gare, l’hôpital Mount Sinai, qu’elle fréquente, a invité ses patients à s’inscrire. Rendez-vous est pris pour le lendemain, à midi. “On est venu me chercher en voiture et on m’a ramenée”, s’exclame-t-elle. En effet, les seniors avaient la possibilité de demander un service de transport, en l’occurence Curb, pour faciliter leur déplacement entre le site de vaccination et leur domicile. “Je ne sais pas si Cuomo a arrangé ça, mais c’est une bonne idée“. Elle reçoit sa seconde dose de Moderna dans un local de Downtown début mars. “Il y avait 25 vaccinateurs, une ribambelle de gens incroyables, des ambulanciers, des médecins dans des petites cabines. C’est à la chaine, mais on est très bien accueilli. On a parlé de la météo. On m’a demandé comment j’allais, quel bras je préférais…”
Même expérience pour Severine Tarayre. Rescapée du cancer du sein, elle a reçu son vaccin au centre du traitement du cancer Memorial Sloan Kettering en mars quand les critères d’éligibilité ont été étendus aux individus atteints de co-morbidités. “C’était très bien organisé. Tout un étage servait aux vaccinations. L’équipe était complètement dédiée à son travail. On m’a expliqué les effets secondaires éventuels, dit-elle. L’atmosphère était très positive. L’équipe était composée de gens de l’hôpital. Cette mission les changeait de leur travail quotidien aux côtés de patients cancéreux”. Après la vaccination, elle s’est livrée au désormais traditionnel “selfie de vacciné”, nouveau rite de l’ère Covid, et est allée au cinéma avec sa famille pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire.
L’expérience new-yorkaise tranche avec les difficultés de déploiement du vaccin en France. “Il y a un décalage avec la France. Mes parents, pas très âgés, n’ont pas encore été vaccinés. Et avec ce qu’il s’est passé avec AstraZeneca, ils ne sont pas super chauds“, poursuit Severine Tarayre.
Céline, elle, est moins diplomatique. “Les Français devraient arrêter de se plaindre. Ils sont re-confinés mais l’ont mérité après avoir vécu la dolce vita pendant l’été alors que nous étions soumis à des contraintes importantes. Nos enfants ne sont pas encore de retour à l’école“. Après sa vaccination, elle a éprouvé un “sentiment de liberté“. “J’avais envie de sauter ! Je me suis sentie tellement bien que j’ai marché du Javits Center jusqu’à chez moi dans l’Upper East Side, dit-elle. J’avais envie de revoir New York mais c’était morbide. Times Square vide, Midtown vide. Patinoires pas animées…”
Dominique de Cock, elle, a commencé à revoir des amis… vaccinés. “Je me sens comme une planquée privilégiée par rapport à mes proches en Belgique, qui n’ont pas encore vu la première ombre d’un vaccin. Sur le plan médical, les Européens sont globalement mieux suivis. Les soins sont moins chers. Mais quand la pandémie est survenue, les Américains ont investi massivement dans la recherche. C’est peut-être l’une des seules bonnes choses que Donald Trump a faite d’ailleurs“, dit-elle en référence à l’opération Warp Speed de financement de la recherche et d’accélération de la distribution du vaccin.
“Sur le plan pratique, le vaccin ne change rien car il faut continuer à porter le masque. Mais sur le plan psychologique, ça change tout, conclut-elle. On commence à se sentir en sécurité, même si l’on sait que l’on n’est pas invincible et qu’il faut continuer à protéger les autres. Maintenant que j’ai eu mon second shot, je vois la lueur d’espoir au bout du tunnel“.