Seize semaines en France ou en Espagne, 14 semaines en Allemagne, 18 semaines au Danemark, 12 semaines au Mexique… Et aux Etats-Unis ? Zéro. Les Etats-Unis sont le seul pays de l’OCDE à n’imposer aucun congé maternité payé. Pourquoi?
D’abord, rappelons la loi. Aux Etats-Unis, la majorité des salariées sont couvertes par le Family Medical Leave Act, qui date de 1993. Cette loi garantit le droit à une femme (ou un homme) de s’absenter pour des « raisons familiales » jusqu’à 12 semaines non payées, et de retrouver son poste au retour. Encore, pour cela, faut-il justifier d’au moins un an d’ancienneté, travailler dans un entreprise de plus de 50 salariés, et à plein temps. Ainsi, 40% des salariées ne sont donc pas couvertes par cette loi.
Il faut ajouter que trois Etats ont légiféré dans ce domaine, et adopté des formes de congés maternités : le Rhode Island, le New Jersey et la Californie. Dans ce dernier Etat, une femme qui travaille dans une entreprise de plus de 50 salariés peut avoir jusqu’à six semaines de congé maternité payé, à 55% de son salaire.
On peut aussi mentionner que certaines entreprises (Facebook, Google, Netflix, Yahoo, de grosses banques…) offrent des congés maternités payés à leurs salariés.
Au total, 13% des Américaines ont accès à une forme de congé maternité payé, selon le Bureau of Labor Statistics. Pas grand chose. C’est ce qui explique qu’un quart des mères retourne travailler deux semaines après la naissance.
Comment expliquer cette situation ? Il y a l’histoire, tout d’abord. La plupart des pays européens ont instauré ou renforcé leurs politiques familiales dans les années qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, poussés par l’ascension au pouvoir de partis de gauche. De plus, il fallait reconstruire, repeupler des pays qui avaient souffert de nombreuses pertes humaines, et garder les femmes au travail. Aux Etats-Unis, les infrastructures n’ont pas été détruites, et si les femmes ont supplanté les hommes dans les usines pendant la guerre, elles sont retournées au foyer dans les années 50 et 60. Le besoin de politiques familiales n’était pas aussi présent.
Pour Steve Wisensale, professeur à l’Université du Connecticut et spécialiste des politiques familiales, l’absence de congé maternité payé renvoie aux fondamentaux de la culture américaine. « La culture américaine met l’accent sur la liberté et la responsabilité des individus. On ne pense pas au collectif de la même façon qu’en Europe. Chacun est éduqué dans l’idée qu’il doit prendre soin de lui-même, que ce n’est pas le gouvernement qui doit vous aider », dit-il. Bref, si vous souhaitez être enceinte, c’est à vous d’en assumer les conséquences, pas aux autres contribuables.
Cet individualisme se couple avec un état d’esprit « pro-business » favorable aux petites entreprises, où chacun se met beaucoup plus dans la peau d’un patron ou d’un manager qu’en France. Les Américains s’identifient à la classe sociale à laquelle ils aspirent, plutôt qu’à celle à laquelle ils appartiennent, explique NPR, dans un article consacré à ce sujet. Ainsi, beaucoup d’Américains “estiment que ce n’est pas au gouvernement de légiférer dans ce domaine, et que cette décision doit relever du choix des entreprises”, relève Steve Wisensale. Tout comme le nombre de semaines de vacances ou de “sick days” .
Il faut ajouter à cela la faiblesse structurelle des syndicats aux Etat-Unis, et la puissance des groupes défendants les intérêts des entreprises, qui savent peser lors des élections, et tuent dans l’oeuf de nombreuses tentatives de législations dans ce domaine, au niveau local ou fédéral. La National Restaurant Association, les fédérations des chambres de commerce, ou la Society for Human Ressources Management sont opposés à un congé maternité payé. Leur argument : ces mesures pourraient mettre en difficulté certaines entreprises, qui recruteraient moins voire fermeraient, tandis que les femmes seraient les premières victimes de ces réductions d’emplois.
Une étude (controversée) de 2013 de Cornell University reflète cet état d’esprit : elle affirme que les congés maternités “à l’européenne” conduisent certains employeurs à discriminer des femmes à l’embauche, en particulier pour des postes élevés, de peur qu’elles ne tombent enceinte. Selon cette étude, les femmes américaines ont plus de chances d’accéder à des postes à responsabilités et à plein temps que leurs homologues européennes. Mais à quel prix ?
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Vous faites erreur concernant la Californie. Il n’est pas nécessaire d’être employée d’une entreprise de plus de 50 salariés pour bénéficier des 6 (ou 8 en cas de césarienne) semaines de “disability insurance”. De plus, apres la disability la personne a droit à 6 semaines de “paid family leave” paye a 55% du salaire également. Je le sais et vous le garantis puisque je suis dans cette situation!