Il n’est plus recommandé d’être Français dans l’Afrique postcoloniale. « Sauf pour un haut fonctionnaire de Paris venu visiter le palace d’un homme puissant », précise Adam Nossiter depuis Dakar, pour le New York Times cette semaine. Dans les rues des anciennes colonies, les dissidents ont manifesté tout l’été leur désir de démocratie et conseillé aux résidents français de se cloîtrer chez eux. Au même moment, rappelle le journaliste, les rencontres entre chefs d’Etat africains et hommes politiques français battaient leur plein. Où est cette « relation débarrassée des stigmates du passé » tant promise par notre président de la rupture ? Depuis trois ans que Nicolas Sarkozy a donné sa parole, la France et l’Afrique auront plus discuté d’uranium, d’eau et de pétrole que de libertés civiles. Ali a remplacé Omar au Congo, Robert Bourgi –père de la Françafrique- est entré dans l’ordre de la Légion d’Honneur, l’indiscipliné Jean-Marie Bockel a dû laisser sa place à Alain Joyandet, les leaders de la junte guinéenne ont été reçus à Paris, tout comme Paul Biya président du Cameroun.
La transition s’impose ici avec un article d’Alan Cowell pour le New York Times qui relève une étonnante coïncidence entre la célébration du 120e anniversaire de la Tour Eiffel et le débat de l’identité nationale, qui prendrait des allures « postcoloniales » aux yeux du journaliste. La Tour Eiffel ne donne pas l’heure, ne couve pas de reliques royales, n’honore pas de divinité. Elle ne délivre pas non plus de message comme le fait son aînée la Statue de la Liberté. Mais en ces temps de quête identitaire et de discours nationaliste, celle qui n’avait d’autre fonction que de symboliser la magnificence française revêt d’un coup un sens tout à fait révélateur : « les ascenseurs plongent les visiteurs au milieu d’une foule de vendeurs à la sauvette chargés de tours miniatures en porte clés. La plupart sont immigrés ». Et le journaliste de rappeler que tous les sept ans, les 60 tonnes de peintures nécessaires pour repeindre l’hôte de la capitale sont appliqués par des Grecs et des Roumains, entre autre.
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Vous l’aurez compris, ce débat identitaire français devient un angle inévitable des rubriques « France » de journaux américains. Edward Cody du Washington Post a même trouvé matière à en parler depuis Poligny, ville de 4000 habitants du Jura. Les habitants de Poligny se mobilisent depuis plusieurs semaines pour sauver de la fermeture la vieille librairie de la ville, qui ravit petits et grands depuis 150 ans et fait partie du paysage urbain. Tant de solidarité touche le journaliste, qui ne tarde de constater qu’à l’ère de l’électronique et de la communication instantanée, la France reste le seul pays déterminé à se battre pour ses vieilles traditions et son héritage culturel. Pays des grands vins et des fromages fabriqués à la louche, la France est aussi le terroir du conservatisme, où Jacques Chirac et maintenant Nicolas Sarkozy se heurtent aux résistances populaires face « aux changements nécessaires pour être compétitif dans le monde moderne de l’économie globale ». Pour rien au monde les Français ne troqueront leur longue pause déjeuner contre un salaire plus élevé, encore moins leur système de protection sociale pour des taxes inférieures. Le débat sur l’identité nationale « révèle une fois de plus cette tendance française à refuser de voir les choses comme elles sont quand on demande aux Français comment elles devraient être ». Un pays qui compte plus de 6 millions de Musulmans mais où l’identité continue de se définir sur l’héritage historique, le patrimoine culturel, les institutions, la langue et la Marseillaise.
Autre sujet cher à nos confrères américains, la présidence de l’Union européenne qui a du mal à trouver chaussure à son pied. Pour Stephen Castle du New York Times, si ce nouveau poste crée par le Traité de Lisbonne est on ne peut plus prestigieux, d’autres portefeuilles influents de la Commission Européenne sont davantage sollicités. Le Royaume Uni, l’Allemagne et la France voient chacun dans la candidature de l’un des leurs un moyen de ne pas se faire voler la vedette sur les questions d’ordres économique et monétaire. Bruce Crumley pour le Time Magazine s’attarde lui sur la récente polémique née de critiques de Pierre Lellouche à propos de certains eurosceptiques du parti Conservateur anglais. Un ministre français « des plus anglophiles » qui se met à dénoncer la politique anti européenne des Tories, à l’heure où le fragile Traité de Lisbonne vient d’être ratifié, n’est pas de bon augure pour la suite de l’intégration. Associated Press anticipe les calculs des 27 quand ils se retrouveront à Bruxelles jeudi prochain : trouver la juste mesure entre les grands et les petits pays, les membres de l’Est et ceux de l’Ouest, les socialistes et les conservateurs, les hommes et les femmes, et enfin les partisans d’une Europe forte et les eurosceptiques.
Gaelle Faure pour le Time Magazine revient elle sur la notoriété dont peut se prévaloir un Lyonnais de 39 ans après le braquage romanesque de 17,2 millions de dollars. L’acte de ce « Robin Wood » des temps modernes -avant deux semaines de cavale largement applaudies sur la toile- tombait à pic dans un pays où la crise économique et les déboires du système bancaire ont mis les Français dans une colère noire. Autant vous dire que si Astérix avait connu Internet, les gaulois auraient jeté leurs tablettes fissa pour acclamer via Facebook les prouesses du héros face à l’armée romaine de Jules César. Comme beaucoup de bloggeurs, la journaliste se demande si ce n’est pas tout simplement une tendance française d’encourager les opprimés de l’Autorité. Mais gare à l’inconstante liesse populaire. Jérôme Kiervel a fait partie de ces antihéros à l’heure de gloire passagère : ses 200 groupes de fans sur Facebook ont vite laissé place à un ressentiment général.
Et Jacques Chirac, héros ou antihéros ? Helene Franchineau pour le Washington Times se pose la question. A 76 ans, l’ancien chef d’Etat recueille quand même 60% d’opinions favorables (selon un sondage BVA) alors qu’il est mouillé jusqu’aux os dans une affaire de détournement de fonds. Contrairement à Robin des Bois, l’ancien maire de Paris n’a pas distribué l’argent des riches pour le donner aux pauvres. Qu’importe, il est devenu le quatrième président préféré des Français, après de Gaulle, Pompidou et Mitterrand. Nicolas Sarkozy en prend pour son grade ; les sondés auraient oublié le taux de chômage de l’époque chiraquienne mais pas la fermeté dont il a fait preuve face aux tout-puissants Américains à propos de la guerre en Irak.
0 Responses
Très intéressant, merci!
Ce que ce faux débat occulte, ce sont toutes les questions d’intégration économique des immigrants, là par quoi on se construit un “semblant d’identité national”, même si je déteste cette expression. Le droit du travail est tel qu’il est très difficile pour un immigrant de se faire sa place. On a fait un papier sur ce sujet;
http://www.unmondelibre.org/Martin_identite_immigration-161109