Passer Noël aux États-Unis, c’est renoncer aux grandes tablées de cousins, à la crèche provençale, au chapon rôti de mamie, pour plonger dans un univers extravagant où le Grinch a détrôné le Père Noël, où tout le quartier clignote de led lumineuses, tandis que la radio diffuse en boucle « White Christmas » et « Feliz Navidad ». Illuminations, sapins géants, christmas carols et parades… Si, pour les expatriés qui ne rentrent pas au pays, ces réjouissances peuvent réveiller la nostalgie des Noëls en France, difficile de ne pas se laisser entraîner dans ce joyeux tourbillon. D’un bout à l’autre du pays, avec sa tribu resserrée, entre expats ou dans la belle-famille américaine, les Holidays ont souvent pour les Français un goût particulier de liberté.
Rester pour les fêtes s’impose à beaucoup d’entre-eux, afin de garder congés et budget pour l’été. Après le fiasco d’un Noël épuisant en Europe avec son bébé, Magali, qui vit à Durham, en Caroline du Nord, avec son mari et leurs deux filles aujourd’hui âgées de 8 et 3 ans, n’a plus retenté l’expérience. Pour elle qui garde le souvenir des retrouvailles entre cousins et des cadeaux tirés au sort, en Champagne, il a fallu réinventer Noël outre-Atlantique, en petit comité. « La première année, on s’est demandé ce que l’on allait faire, se souvient Magali. J’ai trouvé une recette de dinde sur Internet et j’ai pris du plaisir à cuisiner un gros menu de fêtes, juste pour mon mari et moi. C’était notre Noël, un moment reposant : on en garde de bons souvenirs.»
D’autant que les années suivantes, Magali découvre une féérie insoupçonnée : maisons illuminées « de manière un peu folle », trains miniatures, dessin animé du Grinch (celui de 1966 !) – que ses filles regardent en boucle – sapin coupé directement dans une ferme… Mais la distance avec sa famille lui pèse. « À cette période, il reste encore six mois avant de pouvoir rentrer en France l’été, ce n’est pas facile, confie-t-elle. Forcément, on aimerait voir plus souvent mon neveu, ma nièce et on souhaiterait que les cousins passent du temps ensemble. Après, je me dis qu’en France, les gens ne se voient pas non plus à chaque Noël » se console-t-elle. Pour compenser, Magali et son mari aiment recevoir des amis belges ou français, eux aussi loin de leur famille.
Certains expatriés ont, eux, la chance d’être très entourés pour les fêtes. Mariée à un Américain, Pascaline, qui vit près de Dallas avec leur fils Ethan, est accueillie depuis 12 ans au sein de sa belle-famille, dans la plus pure tradition texane. Grande maisonnée, sapin qui frôle le plafond, dinde et mac and cheese, messe de Noël ultramoderne dans une paroisse protestante et réveillon en pyjama… Cette Lilloise a adopté ces Noëls différents des réveillons traditionnels de son enfance. « Il y a un côté très convivial, très cool, moins formel qu’en France, apprécie Pascaline. Si on a envie de s’habiller décontracté, on fait comme on veut. On a le temps de discuter, on regarde des films de Noël… J’adore fêter Noël chez mes beaux-parents chaque année ! »
Des fêtes auxquelles elle apporte sa touche française, en glissant du foie gras ou du saumon fumé au menu du buffet, pour transmettre cette culture à son fils. De quoi atténuer la distance avec sa famille dans le Nord de la France. « Si je n’avais pas le soutien de ma belle-famille, je pense que j’aurais des coups de blues et que je ne me sentirais pas forcément à ma place. Mais là, je suis bien. Oui, ma famille et les fêtes de fin d’année ensemble me manquent, mais ça ne m’attriste pas. On s’appelle, on fait des Skype. On s’offre aussi des cadeaux, grâce à des listes Amazon. Ça facilite les choses. »
Comme elle, Hawa, qui a grandi en région parisienne dans une famille originaire de Côte d’Ivoire, passe les fêtes avec la famille américaine de son mari, qu’elle reçoit à Atlanta où ils vivent avec leurs trois jeunes enfants. Douze ans après le « choc culturel » de son premier Noël à New York, cette enseignante en français est devenue une reine des Noëls américains. Tous les ans, Hawa enrichit sa panoplie de décorations, dresse une table scintillante, achète des matching pyjamas pour toute la petite famille, qui n’échappe pas au traditionnel shooting photo de Noël.
La distance avec la France ? « Avant je sentais le manque, mais ça va de mieux en mieux depuis que j’ai une famille, assure la jeune femme qui peut compter sur les proches de son mari. Et c’est le deuxième Noël où j’ai la chance d’avoir mes parents qui viennent, ainsi que mon frère, qui me fera peut-être cette surprise », se réjouit-elle. Plus tard, elle rêve d’emmener ses enfants découvrir un Noël en France. « Petits, mes parents nous emmenaient voir les vitrines des grands magasins à Paris. J’espère pouvoir un jour voir ça avec mes enfants », se projette-elle.
À Atlanta, Perrine est impatiente à l’idée de rentrer enfin en France cette année pour Noël, avec son mari et leurs 2 enfants de 5 et 3 ans. Cela fait un an que cette infirmière en réanimation néonatale a posé ses congés de fin d’année. « Il y a eu des années où c’était un peu dur, glisse-t-elle. Ma mère m’envoyait des photos de leur énorme ouverture de cadeaux avec tous les cousins, ça créait une frustration. Mais j’avais en tête que quand mes enfants seraient plus grands, on irait. Et c’est pour cette année ! »
Si, plus jeune, les Noëls en famille la laissaient indifférente, cette jeune maman a désormais envie d’en faire « une fête » pour ses enfants, en s’inspirant sans modération des traditions locales. « J’aime beaucoup la passion des Américains pour les décorations des maisons, s’enthousiasme-t-elle. Quand je suis arrivée, je trouvais qu’ils en faisaient trop, mais finalement je me suis prise au jeu. Ici, on peut vraiment profiter des choses à fond, sans gêne, sans honte.» L’année dernière, Perrine a ainsi fait monter ses bouts de chou à bord de sa voiture transformée en Polar express. Objectif : un tour des illuminations du quartier, avec chamallows, chants de Noël et chocolat chaud : « Ça les a émerveillés ! »