Un sixième vol est en préparation sur Mars pour l’hélicoptère Ingenuity, amené par l’astromobile Perseverance. Sa vitesse devrait encore augmenter, jusqu’à 4 mètres par seconde. Une prouesse qui épate le monde entier et que l’on doit notamment au Français Nacer Chahat, ingénieur en télécommunications spatiales au Jet Propulsion Laboratory (JPL), un centre de recherche californien de la NASA qu’il considère comme sa “petite famille”.
Son domaine d’expertise : les antennes afin que les modules puissent communiquer entre eux et vers la Terre. “Il y avait diverses contraintes pour qu’Ingenuity puisse s’envoler alors que Mars a une densité faible – l’atmosphère de Mars équivalant à 1 % de celle de la Terre -, il nous fallait une antenne légère mais aussi solide pour survivre au long voyage”, précise l’Agenais qui a suivi toutes les étapes, de la formulation à l’opération. Il n’était pas particulièrement stressé lors du premier décollage, qu’il a suivi avec ses collègues, lors de réunions en virtuel. “Ce sont des démonstrations technologiques, on a plus de liberté”, défend-il avouant tout de même que “les satellites sont un peu nos bébés”.
Trouver des solutions innovantes pour des missions de la NASA est un challenge maintes fois relevé par l’ingénieur trentenaire. Il a ainsi imaginé l’antenne pour MarCO, deux nano-satellites expérimentaux lancés en même temps que la sonde spatiale InSight de l’agence spatiale américaine et se dirigeant comme celle-ci vers la planète Mars, où l’enjeu était de “communiquer en temps réel” via des antennes déployables. Il travaille actuellement sur la mission Europa Lander, dont l’objectif est de poser un engin sur une des lunes de Jupiter afin d’étudier son environnement et son sol, et “trouver la vie existante”. Les contraintes sont liées au niveau de radiation élevée et aux températures cryogéniques, qu’il faut combiner avec un budget serré. “J’ai proposé une technologie d’antennes aux responsables du projet qui m’ont d’abord ri au nez”, raconte Nacer Chahat qui a finalement eu l’opportunité de tester son concept.
Un passionné de sport
Son audace, il la dit héritée de son éducation et de ses années de judo. “Cela m’a donné une confiance en moi qui me permet d’avoir le culot de développer mes technologies”, argue ce passionné qui ne compte pas ses heures à réinventer les antennes. Et son assurance ne date pas d’hier : Nacer Chahat est depuis son plus jeune âge convaincu qu’il deviendra ingénieur, malgré un scepticisme ambiant.
En revanche, la conquête spatiale ne faisait pas spécialement partie de ses projets : “ce n’était pas un de mes rêves, j’avais des priorités sportives avec le football et le judo”, se souvient-il. Et pourtant, au gré des années au JPL, il s’est passionné pour l’exploration spatiale, pour “les avancements pour l’humanité et les technologies développées”. “Pour un ingénieur, c’est le paradis.”
Appel à s’inspirer du JPL
C’est sa thèse sur les antennes à l’Université de Rennes 1, ayant reçu pléthore de distinctions nationales et internationales, qui l’a amené aux Etats-Unis où il a intégré un post-doctorat au California Institute of Technology avec JPL. “Le centre spatial m’a offert l’opportunité de m’embaucher assez rapidement”, argue-t-il. Depuis, son poste évolue au gré des projets, Nacer Chahat assurant notamment le rôle de pilote ingénieur sur une mission en collaboration avec Thalès et le Centre national d’études spatiales (CNES).
S’il ne s’oppose pas à l’idée de revenir un jour en France, il regrette que les doctorats y soient cantonnés à la recherche, et délaissés par les entreprises. De même, il aimerait que les entreprises de l’hexagone s’inspirent du JPL, qui offre un melting-pot parmi les chercheurs. “La diversité apporte l’innovation, le JPL embauche sur les compétences et non en fonction des écoles.” Pour autant, il ne boude pas son pays. “J’aimerais avoir un impact auprès des jeunes Français issus de famille modeste, de l’immigration, qu’ils s’identifient à mon parcours”, avoue celui qui collabore toujours avec l’Université de Rennes et qui avoue être considéré “comme un expert dans son domaine au sein du JPL”.