Thierry Guetta, alias Mr Brainwash, l’artiste et graffeur français installé à Los Angeles, passé maître dans l’art du détournement, et devenu le héros du film-documentaire « Exit Through The Gift Shop » réalisé par Banksy en 2010, vient d’inaugurer le Mr Brainwash Art Museum à Los Angeles.
« Pas n’importe lequel des musées. Mon musée, dit-il. Et le musée du futur. Celui posé en plein cœur de Beverly Hills, en lieu et place du Paley Center for Media, l’œuvre d’un certain Richard Meier, aussi à l’origine du Ghetty Center. Un cadeau de Bernard Arnault, empruntant pour un temps le futur espace de l’hôtel Cheval Blanc, et pensé pour changer notre relation au musée. Qui a dit que l’on devait attendre de mourir pour créer son musée ? Qui a dit que la musique était proscrite dans les galeries ? Comme Chaplin ou Einstein, je créé ce qui n’existe pas. »
Derrière une façade où s’exposent les répliques en résine d’une Porsche 911, d’une Mercedes Benz 300 SLR et d’une Ferrari GTO, Mr Brainwash a pris le temps – « deux ans, exactement, contraint par le COVID » – pour scénographier et partager dix années de création. « Le rêve d’un gamin originaire de Garge-lès-Gonesse, ayant perdu sa mère tôt, et envoyé en Californie à l’âge de 9 ans, sans parler un mot d’anglais, est aujourd’hui devenu réalité ».
S’ouvrant sur une immense colonne d’aérosols, compilés dans des cubes de plexiglass, des suspensions de pinceaux au plafond et un comptoir affichant en vidéos et en peintures le travail de Mr Brainwash, le musée ouvre sur une première galerie d’exposition où trône le portait géant de Kobe Bryant déguisé en chevalier. À ses côtés, le rappeur Tupac, autre légende de Los Angeles et Steve Jobs en tenue de cow-boy, « celui qui changea la face du monde, muni, à la place du pistolet, d’un iPhone ». En face, un dinosaure composé exclusivement de livres, « ou le symbole de la disparition d’un symbole condamné à devenir une pièce d’art ».
N’ayant peur de rien, Mr Brainwash expose ce qu’il préfère : les détournements des grands classiques de la peinture, résumé selon lui dans « l’art du brainwash » ou « lavage de cerveau » en français. Les bouquets de tournesols de van Gogh trouvent une seconde vie, mélangés aux fleurs pop de Warhol. Les personnages de Renoir s’affichent avec un iPhone à la main. Le portrait de Picasso se fond avec celui de Batman. « L’art se doit d’être fun, explique-t-il. Et ma signature, Life is beautiful, résume à la perfection mon message. »
Au Mr Brainwash Art Museum, les visiteurs s’immergent aussi à New York dans une reconstitution du métro, deviennent les acteurs du musée en s’invitant à l’intérieur d’une peinture de Van Gogh, s’immiscent dans un monde envahi par l’univers de Stars Wars ou peuvent assister à une séance de cinéma avec la famille Simpson en spectateurs.
Passé l’escalier, grafé des citations d’artistes chers à Mr Brainwash, ainsi d’Oprah Winfrey en passant par Rosa Parks ou Martin Luther King, Thierry Guetta nous emmène visiter sa galerie rouge. Sur la musique de Maria Callas, « L’amour est un oiseau rebelle », l’artiste de 57 ans fait le tour de ses peintures les plus étonnantes. Un tableau de Rembrandt où les personnages jouent à Docteur Maboul, une Mona Lisa déclinée dans tous les looks possibles, masque Covid inclus, les sculptures du Penseur de Rodin affublées de baladeurs. Pas de limite au détournement, tout est possible ici, et, ce, quelles que soient les critiques du milieu de l’art.
Du toit-terrasse du musée, Mr Brainwash contemple sa réussite, montrant du doigt sa maison sur les collines d’Hollywood. Un dernier espace devenu le terrain de jeu de l’artiste qui a recréé ici le célèbre passage piéton des Beatles sur Abbey Road, à Londres, la célèbre piscine de David Hockney, « A bigger splash » et pose un mur des célébrités où retrouver tous ses héros, Alfred Hitchcock, Vincent van Gogh, Charlie Chaplin, et les autres. « À l’image de Chaplin, je suis le Charlot de l’art. Je met de l’humour et de l’amour partout où je passe. N’oublions jamais que nous sommes tous des clowns. »
Ouvert tous les dimanches et lors d’événements particuliers, le Mr Brainwash Art Museum pourrait voyager dans d’autres villes des États-Unis et du monde, en attendant l’ouverture d’un autre musée pérenne. « Le lieu est déjà choisi, un diamant de Los Angeles pensé pour être ouvert toute la vie », promet-il.