« Je ne sais pas quel cinéaste ne voudrait pas voyager avec ses films », observe Mia Hansen-Løve, venue à New York pour promouvoir dans un marathon d’interviews son petit dernier, « Maya », dans le cadre du festival Rendez Vous with French Cinema présenté au Film Society Lincoln Center.
« Maya », sorti en France le 10 septembre, raconte le retour de Gabriel (Roman Kolinka), un reporter français retenu en otage en Syrie qui décide de retourner à Goa en Inde où il a grandi avec sa mère. Il y rencontre Maya (Aarshi Banerjee), une jeune Indienne avec qui il partage une complicité grandissante.
« J’ai été émue par certains retours d’otages, en particulier au début de la guerre en Syrie, par une espèce d’aura qu’ils ont. Un silence se dégage d’eux à travers le caractère indicible de leur expérience », se souvient la scénariste et réalisatrice, acclamée par la critique depuis son premier long-métrage « Tout est pardonné » sorti en 2007 et récompensée à Cannes en 2009 pour son film « Le Père de mes enfants ».
« Il y a eu aussi mon désir d’explorer l’Inde, de me rapprocher de cette culture. Ce film, c’est une quête pour Gabriel mais c’est aussi une quête pour moi. Une quête du présent, une quête de la sensualité, après avoir fait un film qui était assez dur, poursuit la cinéaste qui a reçu le prestigieux prix de l’Ours d’argent du meilleur réalisateur au Festival de Berlin pour ce dernier, « L’Avenir », sorti en 2016 avec Isabelle Huppert. Pour moi, faire ce film, c’était aussi retrouver une forme d’innocence. »
Le film, en grande partie tourné en anglais, a tout de suite revêtu une dimension internationale, reconnaît la réalisatrice d’origine danoise, qui a recruté une majorité d’acteurs locaux ou, en l’occurrence, des acteurs qui n’en étaient pas avant son film.
Pourquoi l’avoir amené aux Etats-Unis ? Régulièrement distribuée outre-Atlantique, Mia Hansen-Løve se considère « chanceuse d’avoir une reconnaissance » sur le sol américain depuis qu’elle a commencé à faire des films. « Cette reconnaissance m’aide à tous les niveaux. D’un point de vue psychologique, le fait d’être appréciée, encouragée aux Etats-Unis, ça m’aide à continuer de croire en mes films et ça a aussi un impact concret. Le fait que le film puisse être vu et qu’il sorte à l’étranger m’aide à financer les suivants », explique la réalisatrice, dont la plupart des films sont bilingues.
Pourtant, la réalisatrice qui se décrit comme une « cinéaste exploratrice » n’est pas particulièrement attirée par un tournage aux Etats-Unis. « J’adore le cinéma américain mais je ne considère pas du tout comme un idéal le fait de faire des films hollywoodiens, prévient-elle de sa voix douce. Ce que j’aime c’est le fait d’être libre. C’est-à-dire d’avoir la possibilité de construire un cinéma qui me permette d’avoir la liberté de passer d’une culture à l’autre, d’un monde à l’autre, d’un pays à l’autre en fonction des projets. »
Déjà de retour sur les routes avec son prochain film, « Bergman Island », qui l’a amenée en Suède cette fois, Mia Hansen-Løve espère que « Maya » aura une « vie plus longue » grâce à une distribution américaine.
« Amener nos films à l’étranger donne en partie du sens à notre travail, le fait de pouvoir être compris par des personnes qui n’ont pas nécessairement la même histoire ou la même culture que la nôtre, souligne-t-elle. Après, les films vivent leurs vies, il y en a qui sont vus par plus, d’autres par moins de gens, ça vous dépasse un peu et il faut surtout arriver à trouver le moyen de continuer à en faire d’autres ».